YE Mang [pseudonyme] (Chine)

Ye Mang, de son vrai nom Peng Xingguo, est né en 1953 dans le district de Zhuxi dans le Hubei.

Il est envoyé sous Mao comme "jeune instruit" à la campagne et y écrit sa première nouvelle en 1973. Il ne chante pas les louanges des ouvriers paysans soldats et le manuscrit, jugé subversif, lui est retourné. Diplômé de la faculté des Lettres de Wuhan au début des années 1980, il publie ses premières nouvelles dès 1983. Il édite son premier roman à la fin de la Révolution culturelle. Aujourd'hui, il est membre de l'Association des écrivains de Chine et est rédacteur aux Éditions de Littérature Chinoise.
Auteur de romans et de nouvelles à succès, cet écrivain très prolifique connaît une certaine notoriété en Chine. Ye Mang se distingue par son style à la fois satirique et plein d'humour et excelle à analyser la société chinoise et à dépeindre, avec réalisme, la vie au quotidien de ses concitoyens, n'hésitant pas à utiliser parfois un écriture extravagante.

Bibliographie :

- La fille de l'ascenseur (2000)
- Intelligence (2003)
- Les secrets d'un petit monde (2004)

Dans ce recueil de trois nouvelles, on plonge dans le quotidien du petit peuple chinois. Et la mise en bouche est efficace puisqu'on pénètre d'entrée dans l'univers d'une liftière, comme l'indique le titre La fille de l'ascenseur. Dans ce métier de subalternes voué aux montées et descentes des passagers d'un jour, la jeune femme est éreintée et paraît rachitique. D'autant plus qu'avec la fatigue qui s'accumule, on pourrait espérer une vie familiale lui permettant un refuge au bonheur. La réalité est toute autre, puisqu'on apprend que son mari se refuse à elle et, comble de tout, il invite régulièrement une femme plantureuse, passagère de l'ascenseur, à venir le rejoindre.

Dans la seconde nouvelle, Une journée harassante, nous suivons le quotidien d'une petite famille du lever du jour au coucher. Le couple de parents semble campé dans les habitudes, l'épouse est caractérisée par un ventre proéminent, le mari quant à lui est décrit comme maigre et la fillette paraît bien éloignée de toutes ces préoccupations de poids. Il est comique de suivre ces protagonistes dans la vie de tous les jours, notamment dans le bus où la mère de famille semble lutter à se hisser parmi la foule informe et à placer son ventre dans le tumulte.

L'initiation, troisième nouvelle, nous invite à nous plonger dans une classe d'école primaire typique. On s'attendrait à tomber dans une de ces castes de petits soldats, où les élèves semblent disciplinés, voire programmés à la réussite. Mais l'envers du décor nous réserve quelques surprises car ce ne sont pas les élèves qui nous surprennent mais bien l'institutrice subjective et intéressée quant aux rangs sociaux de ses petits protégés. L'instruction serait donc une grande farce où seuls les mieux lotis financièrement pourraient sortir du lot.

Que de causticité dans ce recueil ! C'est le genre de comique de situation que j'apprécie beaucoup. On ressent le regard très incisif de l'auteur pointant tous les travers de la société. Et on se réjouit de fouiller dans la crasse de ses petites gens, comme pris au piège de leur quotidien. Cela a été une fois de plus une très bonne découverte qui m'a permis d'affiner mes connaissances sur la Chine d'aujourd'hui.

"Autrefois, Jin Yushun était tout à fait capable de faire monter Lili sur le cadre de sa bicyclette et Bai Xinkun sur son porte-bagages arrière pour les conduire toutes les deux jusqu'à l'arrêt d'autobus du carrefour. Mais depuis que sa femme pesait quatre-vingt-dix kilos, la chose était devenue impossible, premièrement parce que son pneu arrière ne pouvait supporter une telle charge, deuxièmement parce que lui-même n'aurait jamais eu assez de force dans les bras pour maintenir bien droit le guidon d'un vélo aussi lourd" (p. 50)

Ça m'intéresse bien un petit recueil pour le thème! Merci Aurore!

Ye Mang - Les secrets d'un petit monde
nouvelle, 2001

Résumé:
Le narrateur nous raconte une tranche de la vie des locataires de son immeuble à Pékin. Il rencontre des personnages cocasses et tipés, dont ce vieux Maître Wang, chargé de l'entretien de l'immeuble, plus philosophe que concierge.

Avis:
C'est ma première incursion en territoire littéraire chinois. J'ai choisi ce livre car c'est une nouvelle (donc petit livre ) et que l'auteur avait déjà été critiqué et apprécié par Aurore.
Je ne suis pas déçue au contraire j'ai passé un très bon moment (je dis "pas déçue" car je ne suis pas une fan des nouvelles).
Cette nouvelle est très colorée et très drôle, chargée de nombreux jeux de mots (toujours en note de bas de page, malheureusement je ne lis pas le chinois, ça doit être bien plus drôle encore!). On est pas tout a fait dans une histoire réelle, les personnages sont bien trop tipés pour exister, pourtant la réalité de la Chine vient s'immiscer dans les aventures des locataires et ces "pointages" de vie à Pékin sont très intéressants pour connaître un peu mieux le pays.
Très chouette j'ai déjà empreinté le receuil de nouvelles critiqué par Aurore

Note: 4/5

Nathalire, je suis flattée que mon commentaire t'ait donné envie d'en savoir plus sur l'œuvre de Ye Mang.
J'ai donc particulièrement hâte de lire ta critique de La fille de l'ascenseur qui je l'espère te fera autant sourire que moi. Si tu n'apprécies pas généralement les nouvelles, je pense que Ye Mang est un bon compromis : très incisif, beaucoup d'action...

Bonne lecture et bonne soirée !

Intelligence de Ye Mang
(Bleu de chine, 92 pages)



Le Poète recueille un petit garçon de 6 ans qu'il trouve dans la rue, qui vient de la région de Shaanxi. Il l'appelle Intelligence. Sa générosité va faire basculer sa vie dans un cauchemar. Il éprouve beaucoup de difficultés à régulariser la situation du garçon et celui-ci fait les pires bétises...

Ce petit roman m'a fait penser à Drôle de père : même situation, un célibataire élève seul un enfant qu'il ne connait pas. La ressemblance s'arrête là car le garçon semble un sacré garnement. De même, dans Drôle de père, on voit le courage qu'il faut pour élever seul un enfant.

J'ai bien aimé cette histoire tragi-comique mais j'ai trouvé le Poète un peu trop crédule par moments. Je lirai bien d'autres livres de Ye Mang, j'ai bien apprécié son ton léger et drôle malgré la situation désespérée. Aurore, je note La fille de l'ascenseur. Nathalire, je note Secrets d'un petit monde !

Note : 4/5

Jolie critique Shan_Ze qui me donne bien envie. En tout cas je tiens à relever que c'est un véritable travail d'équipe : à nous trois on a égrené la bibliographie de Ye Mang
Il donne bien envie de se pencher sur ses productions, je pense que c'est un excellent point pour un écrivain !

La fille de l'ascenseur

Voilà une critique de plus pour cet auteur qui renporte du succès!

Trois nouvelles, bref résumés:

La liftière. Une femme, encore jeune mais pourtant déjà sèche et vieillie, travaille comme liftière dans l'immeuble où elle réside. Une jour une belle femme séduisante et sexy monte dans son ascenseur et lui dit se rendre à l'étage où justement habite la liftière et son mari... tient, justement il n'est pas parti au travail ce matin...

Une journée harassante. 24 heures de la vie d'une famille chinoise moyenne... harassante... "C'est tous les jours la même chose" se répète la mère...

L'initiation. Dans un collège chinois, le petit Chuchu commence sa première année et découvre les joies de la vie de classe où règne l'injustice et la compétition.

Avis:

Ces trois nouvelles sont des tranches de vie chinoise taillées dans les douleurs, les impuissances et l'hypocrisie. Nos personnages sont résolus, impuissants, peut-être des symboles d'un peuple peu rebel. Se sont plutôt des femmes que nous raconte Ye Mang, des femmes qui doivent faire au mieux pour que tout aille bien mais qui souffrent de leur impuissance. Parfois j'aurais aimé en savoir plus, les nouvelles sont trop courtes (surtout L'initiation qui pose vraiment une intrigue). L'écriture de Ye Mang est très prenante, tu avais raison Aurore, un bon choix pour qui n'aime pas les nouvelles. Il joue admirablement avec les mots (même si c'est difficile de les traduire on comprend grace aux notes de bas de page) et son humour est très pointu (même si ces nouvelles sont nettement moins spirituelles que Les secrets d'un petit monde).

Je le conseille avec plaisir.

Note: 4,5/5

Ravie de ta critique Nathalire ! Il est vrai que Ye Mang a été l'une de mes plus belles découvertes avec Le club de la chance d'Amy Tan. Cela me donne bien envie de lire Les secrets d'un petit monde mais il n'est pas dispo par chez moi

Dommage que ta biblio ne l'ai pas
Je suis allée lire ta critique de Amy Tan et je le note, ça a vraiment l'air sympa!
C'est vrai que pour moi aussi Ye Mang est une belle découverte du thème