ANONYME : Une femme à Berlin (Allemagne)

Une femme à Berlin
Journal 20 avril-22 juin 1945

Première publication traduit en anglais 1954, puis en Allemand en 1957. Réédité en français chez Gallimard en 2006
Récit de la conquête de Berlin par les Soviétiques, raconté par une berlinoise ordinaire. La narratrice tient ce journal pour ne pas perdre pieds, elle raconte la crainte, l’attente, le choc, la résignation, le combat pour la survie et les signes du retour à une certaines normalité. Elle décrit aussi toutes les horreurs de la prise d’une capitale ennemie : les bombardements, les exécutions sommaires, les viols, le travail forcé, la famine et la lutte pour la survie.

Ce journal est véridique. L’auteur raconte cette période difficile avec un certain recul et froideur, probablement pour réussir à raconter une situation aussi pénible. Ceci peut aussi s’expliquer par la profession de l’auteur : journaliste et rédactrice.

On en apprend sur cet épisode de la guerre. Les viols sont tellement courants qu’ils deviennent un sujet de conversation banal entre les femmes : « Est-ce qu’ils vous ont… Oui, mais seulement deux fois. » L’auteur est aussi obligé de faire certains compromis moraux pour se procurer nourriture et sécurité :

« C’est clair : ce qu’il nous faut ici, c’est un loup qui tienne les loups à l’écart. Un officier, il faut voir haut, un commandant, un général, ce que je trouverai. Sinon, à quoi bon une cervelle et ces rudiments de la langue de l’ennemi? » p.74

Un excellent livre qui dose bien les faits historiques avec les événements anecdotiques, dans un style qui nous pousse à tout lire.

4,5/5

le réaliste-romantique

"Une femme à Berlin" est le journal anonyme d'une journaliste de 34 ans du 20 avril au 22 juin 1945 vivant à Berlin au moment de l'arrivée des troupes russes.

La première chose que je veux souligner, car j'évite souvent les livres traitant de cette période trop tragique et récente, c'est le recul pris par cette femme pour décrire l'horreur. Elle es très factuelle, presque froide et sans aucune haine. On pourrait presque parler de fatalisme face aux conséquences inévitables des guerres sur les civils et particulièrement chez les femmes.
Il y a même de l'humour et la satisfaction profonde face aux petits bonheurs que la vie peut encore procurer.

Deux choses sont essentielles : manger et échapper aux viols.
Quand on est confronté au quotidien brutal et vital il n'y a plus de place pour une vie intérieure.

Ce livre n'est pas un livre idéologique mais une réponse pratique et vitale à la dureté d'un quotidien qui requiert toute l'énergie et ne laisse plus de place pour les idées.

On note cependant ça et là le peu de sympathie de cette femme pour l'idéologie nazie, son ignorance de l'existence des camps de concentration (elle y fait une vague allusion) et ses interrogations ponctuelles sur ses actes et ses décisions.

Le livre fit scandale à l'époque auprès des bien pensant. Privilégier le rapport sexuel avec un officier Russe pour éviter les viols collectifs et accepter ses cadeaux de nourriture fit pousser les haut cris aux "bourgeois honnêtes". C'est pourquoi l'auteur demanda que l'on attende sa mort (2001 je crois) pour rééditer son livre.

Le Clezio dans La Grande Librairie parlait avec beaucoup de justesse de ce que subissent les femmes en temps de guerre.

Le viol des femmes en temps de guerre n'est pas uniquement sexuel, il est aussi pouvoir et domination sur les vaincus.

Je me prends à penser que si les commandes étaient aux mains des femmes les choses seraient peut être différentes.
Quand l'homme se bat pour une idéologie, la femme se bat pour préserver la vie et la quotidien de ceux qu'elle aime.

Bref vous l'aurez compris, un coup de coeur.
Et une pensée émue pour toutes ces femmes et ces enfants victimes de la guerre.

Anonyme, Une femme à Berlin

Le livre est un journal intime rédigé entre avril et juin 1945. On y découvre la chute de Berlin et les premiers jours de l'occupation soviétique à travers les yeux d'une Berlinoise, ancienne journaliste.

Il s'agit d'un témoignage exceptionnel, vivant. L'écriture à chaud est impressionnante. Comment entre tout ce qu'elle raconte, trouve-t-elle le temps et l'énergie de confier le récit de ses journées à un cahier ?

Son récit nous informe bien sûr sur la banalité des viols commis par les soldats soviétiques sur les femmes restées dans Berlin mais aussi sur des relations assez cordiales que l'auteur entretien avec certains officiers soviétiques. Le quotidien a une grande place : comment trouver à se nourrir, où dormir dans un immeuble ravagé, les jours de travail forcé également...

Il est bien dommage que notre auteur n'ait pas tenu un journal aussi précis depuis le début de la guerre voire depuis l'arrivée au pouvoir d'Hitler en 1933. Ses réflexions politiques sont en effet aussi intéressantes que le récit de la chute du Reich et de l'installations des soviétiques à Berlin.

Ma note : 4,5/5