Patricio MANNS (Chili)

"Cavalier seul" Phébus 1996  280 pages 
                  
               ... Julio Popper, véritable ingénieur, chercheur d'or, homme d'action, intellectuel, franc-maçon, futur militant de l'Union Civique argentine, juif renégat, explorateur, géographe, voyageur solitaire, célibataire endurci, fanfaron, raciste, psychologiquement complexe et de toute évidence prisonnier d'une perpétuelle attitude défensive (...) et opiniâtre exterminateur d'un bon quart de la race Selk'nam...


                   Voici résumé en quelques mots le portrait d'un homme qui a réellement existé. Au départ de sa Roumanie natale, il a sillonné le monde avant de s'installer en Terre de Feu (côté argentin). C'est là qu'à la fin des années 1880, il monte (plus ou moins légalement) une société d'exploitation aurifère: Les laveries d'or du sud (qu'il préfère appeler sa moissonneuse d'or). 
                    Les premiers occupants de cette contrée s'appellent Selk'nam, Tehuelches, Qàwaskars, Yamanas, etc... Ou plutôt s'appelaient, vu qu'ils ont été chassés impitoyablement -génocidés même!- depuis que Magellan a découvert le détroit qui porte son nom. Drimys Winteri est une Selk'nam. Elle a déjà été capturée deux fois, puis a séjourné plusieurs mois dans une mission anglicane à Ushuaïa avant qu'on l'a trimballe en Europe. Elle connaît l'espagnol, l'anglais et l'allemand. Elle a hérité des dons de chaman de son père. Elle avait vingt ans quand Popper, après avoir tué son frère, l'a prise sous sa protection. Curieusement, Winteri est sans doute la seule personne qui ait eu de l'affection pour Popper. 
                     Etranges destinées que celles de ces deux êtres, que raconte avec un admirable talent d'écriture Patricio Manns. C'est une lecture qui m'a transporté de bout en bout. On y trouve: des personnages au fort tempérament; un récit de faits réels agrémenté de façon romanesque, qui absorbe toute l'attention; des jalons historiques pour donner une consistance authentique; un décor somptueux dans un environnement des plus hostiles qui puisse exister. Car ce Grand Sud de la Patagonie, la Terre de Feu, possède une nature des plus cruelles et des plus cauchemardesques que les Hommes ont eu a affronter; du moins pour des "occidentaux civilisés"! Parce que les indigènes, eux, se sont fort bien accoutumés aux épouvantables conditions climatiques, vivant nus par des températures, glaciales neuf mois sur douze, et bien fraîches les trois mois restants. Ils ont été rayés du monde des vivants, par des blancs venus s'approprier des terres et piller leurs richesses. C'est un air connu; qui s'est produit dans bien des endroits sur la Terre. Mais leur histoire à ceux-ci est moins connue. Ce livre permet de se rappeler que ces peuplades ont existé.
                    La Patagonie, c'est un peu le Far-West américain. Patricio Manns nous fait revivre une époque où la Ruée vers l'or patagon autorisait tous les meurtres, les exactions, les brutalités ou les trahisons au nom de l'enrichissement personnel. La fièvre du métal jaune, ici aussi, a apporté son lot de violence.
                     Un livre dépaysant, qui n'en finit pas de vous happer; jusqu'aux dernières pages.


Note: 4,5/5

Sur ces peuples anéantis par les blancs dans cette partie du monde, on peut lire aussi: Qui se souvient des hommes de Jean Raspail, sur la tribu des Alakalufs.

Geromino Il faudrait que je redonne une chance à ce livre