Serge REZVANI (France)

Lacazavent Dim 23 Nov 2008 - 13:54

De :Flo7717 Envoyé : 04/01/2005 10:50
Serge REZVANI - L'éclipse

Présentation : Le 11 août 1999, jour d'éclipse, Rezvani et sa femme Danièle (Lula) se trouvent dans le bureau du neuropsychiatre. Quelques moments plus tard, le médecin pose un diagnostic de maladie d'Alzheimer sur les troubles de comportement dont est atteinte la compagne de l'écrivain. Par cet épisode débute un texte nourri de douleur, d'exigence et de nécessité. Douleur de savoir l'être aimé promis à une lente dégradation. Exigence d'écrire, de témoigner. Nécessité de ramener au coeur de l'oeuvre celle qui l'inspira, qui partagea une existence entière de création.

Avis : Le témoignage émouvant d’un homme déboussolé et dévoré de douleur devant la dégradation inexorable de la femme de sa vie. Il explique très bien ce sentiment étrange d’être face à l’être aimé tout en étant face à une étrangère ; Alzheimer en effet dénature le malade, change sa personnalité au point d’en devenir méconnaissable. Et les moments de lucidité de Danièle ne sont qu’à peine l’occasion de se réjouir car on devine alors la souffrance qu’elle éprouve à se savoir perdue… Une très belle écriture porte ce texte poignant. Rezvani nous fait partager ses doutes, ses colères, ses découragements et aussi son amour-passion pour la femme qui partagea 50 ans de sa vie (de très belles pages d’amour !!). En vérité, il écrit non pour témoigner mais plutôt à titre thérapeutique, parce qu’il devine que l’écriture est peut-être le seul moyen pour lui de ne pas basculer dans la folie. Les caractères des deux protagonistes sont aussi très intéressants et montrent qu’il y a plusieurs façons de vivre cette maladie.

Il y aurait beaucoup à écrire sur ce livre tant il est riche de sentiments et d’émotions. Il est simplement bouleversant sans que l’auteur ne s’apitoie pour autant sur son sort. En revanche j’ai trouvé la fin trop brutale et laissant un goût d’inachevé.

Actes Sud / 170 pages

4,75/5

zeta Mar 11 Mai 2010 - 14:16

Serge Rezvani est né en 1928, il n’est plus très lu (ni très connu) aujourd’hui mais il a eu dans les années 70 une belle notoriété due d’abord à ses toiles, puisqu’après guerre il fut avec d’autres très jeunes artistes à l’initiative d’un renouveau de la peinture moderne. Puis par ses romans largement autobiographique qui racontent son enfance chaotique et surtout la magnifique histoire d’amour qui le liait à son épouse Danièle (Lula), son égérie, sa muse. "Les années lumière" et "les années Lula" contaient aussi leur départ, leur fuite de paris et du parisianisme et leur installation en Provence, au cœur d’une nature encore très préservée, où ils ont vécu et se sont aimés longtemps. Dans "le Testament amoureux", Rezvani s’est débarrassé des pseudos-noms employés pour ses personnages secondaires dans ses précédents romans. Il s’agit là d’une vraie autobiographie, elle en a la force, mais elle en a aussi les travers. Il approfondit l’histoire de ses jeunes années, parle de son père un magicien qui a aussi connu son heure de gloire, de sa mère, dont il a été orphelin très tôt, de ses amitiés célèbres, le peintre Dmitrienko, Jacques et Claude Lanzmann, dont il épousera d’ailleurs la sœur Evelyne Rey. Je n’ai pas vécu cette époque, mais j’ai beaucoup lu sur elle et ses acteurs en lisant les mémoires de Simone de Beauvoir ; et les figures éphémères ou plus persistantes de Picasso, Eluard, Nicolas de Stael, Queneau, Truffaut, Jeanne Moreau des personnalités qui ont compté dans le passé, sont toujours attrayantes à approcher.

Mais …. Il y a un côté moins reluisant des biographies dans lequel Rezvani ne se garde, hélas, pas de tomber, celui du règlement de compte. On raconte sa vie, celles des autres et on en profite pour « casser » . Ce livre est d’ailleurs parsemé de "blancs" entre crochets car il a fait l’objet d’une décision de justice et certains passages ont dû être supprimés à la demande de la famille Lanzmann. C’est dommage que même un être fascinant, à la personnalité aussi riche et généreuse que Rezvani se soit laissé aller à des mesquineries qui finalement n’intéressent pas grand monde puisqu’elles concernaient des affaires strictement privées.

Si vous connaissez et aimez la chanson de Jules et Jim, « le tourbillon de la vie », ou celle intitulée « j’ai la mémoire qui flanche », si bien chantées par Jeanne Moreau, vous ignorez sans doute qu’elles ont été écrites (ainsi que bien d’autres) par Rezvani qui avait décidément plusieurs cordes à son arc.

La France, des années 30 à nos jours représentées par les événéments et ses célébrités, une belle écriture qui nous parle avec talent de l'art et de la passion qu'il exige, et une très belle histoire d’amour fou, font le charme de cet ouvrage.

Franillon Mer 12 Mai 2010 - 13:40

Zeta, c'est vrai, on ne parle pas très souvent de Rezvani, pourtant il a écrit de très beaux et très bons livres, outre ceux dont tu parles. Je pense en particulier à Phoenix et surtout à La traversée des Monts Noirs que j'ai lus respectivement en 1993 et en 1996. C'est déjà un peu loin pour m'en souvenir avec précision, mais j'avais bien apprécié ces deux livres. Il mériterait d'être proposé comme auteur du mois... Pour compléter la biographie que tu en donnes, j'ajouterai qu'il est né à Téhéran, d'origine iranienne et russe.

géromino Sam 28 Oct 2023 - 10:49

"L'Eclipse" Babel 2007 198 pages
Serge REZVANI (France) OIP.ewhqXHpwZtcs5y0Z1B-LOQAAAA?w=187&h=300&c=7&r=0&o=5&pid=1

Le 11 aout 1999 une éclipse solaire a assombri par endroits le ciel d'Europe. Ce même jour, à Cannes, c'est une terrible nouvelle qui vient anéantir l'existence de Serge Rezvani et de sa femme Danièle (qu'il surnomme Lula). Le diagnostic d'un neuropsychiatre confirme les doutes qu'avait Serge depuis quelques années: sa compagne est bien atteinte de la maladie d'Alzheimer, et de plus à un stade bien avancé. La dégradation cérébrale en cours va s'accélérer; il n'y a pas d'amélioration à attendre; il n'existe pas de médicament efficace.
Dans un immense épanchement poignant Serge Rezvani nous fait part de sa douleur et de son désespoir de voir sa compagne aux prises avec cette maladie. Face à sa tristesse et surtout à son impuissance, il lui reste l'écriture comme refuge: "... à vrai dire le seul secours devant la dégradation quotidienne de la femme de ma vie me vient de la possibilité, je dirais, d'épuisement par les mots que me procure le défi d'écriture" ... "C'est mon dernier recours, c'est mon dernier lieu de lutte que ces pages".
Car c'est désormais une lutte quotidienne âpre, sans espoir, que de vivre au côté de sa compagne, qui ne le reconnait plus, dont les repères petits à petits s'effacent à jamais ("je veux rentrer chez moi", "je veux revoir mes amis; tu ne les connais pas, toi"), qui ne veut pas entendre parler de maladie ("je suis comme tout le monde"), qui se fâche à chaque remarque de bon sens, car l'habillement, ou même l'hygiène de base n'ont plus de sens ("...je la vois avec consternation passer sa brosse à dents sur ses paupières, sur ses lèvres, sur ses pommettes et sur son front comme si cette sorte de toilette du soir allait de soi.").
La vie devient vite un enfer pour Rezvani (qui pense un moment "à en finir": une cartouche pour elle, une pour lui). De temps en temps il s'évade à Paris, laissant sa Lula à La Béate (leur propriété près de St Tropez), qu'il confie à quelques amis proches. C'est lors d'une de ses escapades que surviendra le décès de son amour, fin 2004.

Rezvani a tendance à souvent répéter les mêmes propos; on ne peut guère lui en vouloir, cette écriture lui tient lieu de thérapie, sans laquelle il aurait probablement sombré. Cela n'enlève rien à ce récit extrêmement poignant, d'une tristesse infinie.

Note: 4/5