Monique SAURIOL (Canada/Québec)

De: Polo

Monique Sauriol - Madame Petit-Pépin

À quarante ans, la femme comme l'homme doivent changer leurs rapports à la nourriture. C'est bien connu. Les cliniques minceur le prouvent. Comme la gourmandise déplace les montagnes, voilà que le bedon de l'homme se donne des allures alpines. Pour la femme, c'est une autre paire de manches pour ne pas dire que c'est une histoire de paire de fesses. Dans un cas comme dans l'autre, les lignes courbes revendiquent le droit de s'attaquer à la base de notre fierté une décennie plus tôt.

Véronique, 45 ans, en a gros à dire sur le sujet. En amorce, l'auteure l'emmène chez son médecin afin qu'il l'aide à réduire son poids. Mon Dieu, qu'elle porte mal son nom! Madame Petit-Pépin. Depuis que la loi accole le nom du mari à celui de la femme, il y a de ces dérisions qui font sourire. Mieux vaut être une Petit-Pépin qu'une LeBoeuf-Hachez. C'est moins traumatisant. Pas autant qu'elle le pense parce que le Dr Sanschagrin lui apprend avec attrition qu'il y a un petit pépin dans l'engrenage. Selon les analyses préalables, Véronique ne deviendra pas plus grosse parce que Dieu ne lui accorde que trois mois de vie. Au moins, elle sait qu'Il ne viendra pas la chercher comme un voleur.

L'élément déclencheur est assez fort pour assommer un bovin et encore mieux madame Petit-Pépin. Mais c'est mal connaître Véronique. Le développement présenté en anti-thèse nous montre une femme résolue à combattre le mal par le mal. Pourquoi s'en faire avec ses petites misères puisque, dans la vie, personne ne s'en sort vivant? Aussi bien se livrer avec plaisir à ses péchés mignons. C'est une façon comme une autre de faire poireauter la maladie dans la salle d'attente. Quand le moral tient bon, l'attaquant se sent moins fort. Dans son entêtement, Dieu a quand même voulu que Véronique soit un cordon-bleu. Pourquoi ne pas faire fructifier son talent tel que l'a demandé le Seigneur? Et ce sera le début d'une aventure gastronomique à faire rougir le chef chez Maxime à Paris. Surprise dans la famille! Les diètes ont foutu le camp. Madame Petit-Pépin a un mari, une fille de 18 ans, un garçon de 16 ans et un amant. N'allez pas croire qu'elle va profiter de l'occasion pour attirer la pitié sur elle. Ils ne sauront rien de la situation. Ils l'apprendont bien assez vite quand ses forces déclineront. Pour l'instant, elle est capable de vaquer à ses occupations, surtout celle de s'empiffrer, mais comme journaliste à la pige, elle ne rédige plus d'articles pour son journal.

Cette réaction à la maladie conduit l'auteure à tracer le portrait exhaustif d'une femme de la quarantaine. Elle n'oublie rien du passé qui a forgé la personnalité de son héroïne. Prise entre une mère qui n'aimait qu'elle-même à travers ses deux filles et un amour officialisé qui est mort comme l'a chanté Bécaud, elle s'en tire avec des amants pour conserver son estime d'elle-même. Elle n'a jamais voulu divorcer à cause des enfants, à cause des biens que le couple avait réussi à accumuler en 20 ans de vie commune. Allez savoir ce qui soude un couple sans amour. Partager ce que nous aimons ajoute souvent un bémol à nos haines quand l'exutoire comble les carences. Qu'arrive-t-il quand ce dernier devient plus exigeant? Il faut bien se dépêtrer des situations compliquées qu'on s'est créées. Véronique est une femme forte dans tous les sens du mot. Elle sait affronter l'adversité avec stoïcisme. En dernier recours, il reste la fuite quand on refuse de se montrer dans toute sa vulnérabilité. La maladie rend humble, mais il faut sauvegarder sa dignité. L'orgueil expliquerait-il le suicide des désespérés?

Ce roman suit le parcours d'une femme que beaucoup de ses consoeurs baby-boomers ont suivi. Appartenant à la classe moyenne, on réussit à se procurer des biens qui font l'envie des gens plus humbles. Deux autos, une résidence secondaire à Eastman sur le bord d'un lac... Mais ça reste une femme simple qui supporte la fragilité des siens. Une fille qui devient enceinte, un ado qui a des problèmes d'alcool, les incidents majeurs et mineurs qui meublent sa vie aux prises avec un mari, qui croit que la famille qu'il a fondée repose sur les épaules de sa femme. On comprend les motels bondés en plein coeur d'après-midi. Quand le bonheur n'est pas au rendez-vous, il reste les bonheurs d'occasion comme disait Gabrielle Roy. Les apparences sont saufs, mais les coeurs sont brisés. Quand en plus, l'obésité t'oblige de fréquenter les boutiques pour les tailles fortes dans une société qui prône la minceur, voire la maigreur, et que la maladie te ronge les entrailles, la mort apparaît comme une délivrance.

En gros, le roman trace le portrait de la femme de 40 ans aux prises avec ses problèmes personnels et ceux de la mère de famille aux prises avec de grands enfants et un mari inconscient de son rôle. Ça reflète bien un modèle de société. Si la thèse et l'antithèse sont bien posés, la synthèse est décevante. Le dénouement vient tout détruire le dossier que l'auteure a monté sur la femme. Avec sa fin imprévisible, elle opère un virage insignifiant de 180 degré. Dommage qu'elle ne découle pas de la logique! Quant au reste, c'est valable. Une grande simplicité anime l'ensemble, un peu trop même. On n'y apprend pas grand-chose, mais c'est bon de se faire rappeler ce qui se passe dans les chaumières. Sans être innovatrice, l'écriture faufile l'humour, la tendresse et l'émotion avec bonheur. On peut rapprocher ce roman de ceux de Nicole de Buron et de Ouf! de Denise Bombardier. Mais Monique Sauriol est plus positive que ses consoeurs. Madame Petit-Pépin rappelle plutôt Ma belle pitoune en or de Francine Allard.

Note : 3.5/5
(Polo)