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Message  zeta Mar 13 Jan 2009 - 14:21

qu’est-ce que le roman ?



Résumer ou pas résumer Icon_post_target par terra.antiterra Aujourd'hui à 14:10
Une série d'échanges récents (dont avec Gallo, hier) sur le rôle des RESUMES dans la présentation d'un nouveau livre, m'a incité à reprendre ici un commentaire sur un interview de Philippe SOLLERS qui est en relation avec ce sujet.

Philippe SOLLERS interviewé récemment par une radio française (France Info) a fait une remarque tout à fait pertinente à propos de : qu’est-ce que le roman ?
Le journaliste qui présentait son dernier ouvrage se posait et lui posait la question : « est-ce vraiment un roman ? » Car SOLLERS, en parfait bobo germanopratin, ne parle jamais que de lui dans ses “romans” … même s’il parle –et écrit- très bien.

À cette question de savoir ce qui fait dire d’un livre qu’il est bien un roman, SOLLERS feignant une modestie de “petit Français” répond qu’évidemment il ne fait pas le poids face aux ouvrages que produit la “grande” littérature américaine et anglo-saxonne, qui offre des intrigues et des images si spectaculaires qu’ils sont facilement et rapidement transposés au cinéma. D’ailleurs -ajoute-t-il- « ce sont déjà des films » … au point que bien souvent « on ne lira le livre qu’après avoir vu le film … ou la “saison” TV ».

SOLLERS sait très bien que dans le monde actuel, l’édition n’est qu’un maillon dans la chaîne de production de l’« Entertainment ». En amont le marketing a étudié les goûts du public et en aval “rewriters » et scénaristes retravaillent le produit. D’ailleurs bien souvent l’auteur lui même est si bien intégré dans cette chaîne, qu’il anticipe par son écriture même la fabrication du produit final imagé (les exemples ne manquent pas, d’abord dans le monde anglo-saxon et aussi -et de plus en plus- en France).

SOLLERS évoque ensuite les grands écrivains qu’il admire : les surréalistes, Rimbaud, Baudelaire …. tout en reconnaissant qu’à leur époque, ils étaient ignorés du grand public et qu’en fait, ils ne faisaient que de se lire entre eux.

Si la littérature touche aujourd’hui un vaste public, ce “progrès” de la culture, est comme beaucoup de progrès, un progrès « de masse ». Globalement la culture littéraire s’étend : beaucoup en superficie, mais bien moins en profondeur. “Harry Potter” se vend en dizaines de millions d’exemplaires, et “Un balcon en forêt”, ou même “Nadja” en (petits) milliers ; progrès tout même car -à leur sortie, ces ouvrages tiraient à peine à quelques centaines et mettaient des années à trouver un lectorat.

Pour gagner en surface, la littérature doit “accrocher” le public : aborder un thème qui répond d’avance aux attentes du public (ou ce qu’on en suppose), c'est-à-dire un thème qui est déjà en relation avec des faits de l’actualité, ou avec des débats dans l’air, ou qui brode sur des petits détails du quotidien. Ensuite développer les rebondissements de l’intrigue pour garder le lecteur en haleine, et accentuer les drames et les passions des personnages. Tels sont les caractéristiques de la littérature “populaire”, souvent considérée par les intellectuels comme “vulgaire”. Se rappeler toutefois que vulgaire vient de « vulgus » qui signifie : "le commun des hommes". Cela ne devrait pas être péjoratif de vouloir toucher le commun des hommes, mais le commun est trop souvent pris au sens du « plus petit commun dénominateur » ...
Mais en profondeur, la littérature, c’est le style, l’écriture.
Le style, bien avant l'intrigue et les personnages. « La littérature ne montre jamais. Elle ne dessine pas. Elle évoque. » disait Julien Gracq. Car l'histoire est contingente ; la même intrigue pouvant procurer au lecteur un plaisir différent selon la façon dont elle est racontée.
Pensez par exemple à ce que devient une histoire drôle, fidèlement reprise par quelqu'un qui ne sait pas la raconter …
Regardez les meilleurs “Quatrièmes de couverture” : ils se gardent de vous dévoiler l’intrigue et de décrire le caractère des personnages, ils “évoquent” plutôt le décor (la Sardaigne ou les steppes d’Asie centrale…), l’époque, l’ambiance, … et surtout ce qui fait la qualité et l’originalité de l’auteur : c'est-à-dire son style.
Car le style est l’essentiel : c’est ce qui fait le plaisir que nous donne un auteur par sa façon d'écrire.

C’est donc ce qu'il faut s'efforcer de présenter et de rendre sensible aux lecteurs qui n'ont pas encore rencontré cet auteur. Ce n'est pas toujours facile à faire, ce n'est jamais objectif.

Mais c'est justement cela qui est intéressant parce que cela alimente la discussion. Discussion qui est une suite logique du plaisir de lire et qu’elle renforce. … ce que les razérates qui se retrouvent sur ce forum savent pertinemment .




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Message  zeta Mar 13 Jan 2009 - 14:48

Terra, je suis assez d'accord avec toi : parfois les résumés reprennent tous les éléments de l'histoire, décrivent les personnages, sont si exhaustifs que l'on a forcément l'impression de ne pas avoir à lire le livre, on le connaît déjà de bout en bout.
Je ne discuterai pas avec Monsieur Sollers par ton intermédiaire, je n'ai jamais pu lire cet auteur, il me passe bien loin au-dessus de la tête (ni le voir d'ailleurs tant il me procure des agacements).
Mais pour revenir aux résumés : un résumé bien fait pour moi c'est justement une quatrième de couverture pour nous rats, qui n'avons pas le livre entre les mains. Si l'on ne connaît pas l'auteur, si ce livre nous est complètement inconnu, faire un court résumé qui simplement donne une idée de l'intrigue et pose les bases de son déroulement, avec par exemple le lieu, l'époque, parfois aussi, si cela ne déflore pas trop le sujet, le sens qu'a voulu doner l'auteur à son roman, peut être utile pour nous inciter à le lire.
Juste avec un topo sur le style, dont l'appréciation par chacun est complètement subjective, nous n'aurons peut-être pas forcément envie de partager la lecture d'un autre rat.
Mais bien sûr l'écriture d'un auteur est ce qui fait toute la différence, et si l'on a le talent suffisant pour en parler bien, ce qui est loin d'être facile, l'on tombe aisément à cet égard dans les redondances, il est bon de souligner toutes ses particularités, toutes ses spécificités, car bien souvent c'est cela qui nous fait adorer un auteur plus qu'un autre, le reconnaître entre mille, adhérer complètement à son propos.
Dans un résumé, donc ne pas dire la fin n'est pas suffisant pour laisser au lecteur la joie de découvrir, mais j'ai souvent choisi mes futures lectures, parmi celles des rats, grâce au résumé qu'ils en avaient fait.
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Message  Philcabzi Mar 13 Jan 2009 - 15:03

Pour moi le résumé est essentiel à mon intérêt. Je choisis toujours mes livres en fonction de l'histoire selon mes envies du moment. J'ai envie de découvrir un pays? Je vois ce que les rats ont lu sur le sujet. Même chose pour l'époque ou tout autres sujets. ENSUITE, à la lecture du livre, le style m'incite à crier au chef-d'oeuvre ou au navet (avec toute la gamme de nuance, bien sûr!). Parce que tout d'abord le sujet doit m'interesser, je dois pouvoir en retirer quelque chose, me coucher moins "niaiseuse" comme on dit chez moi, ensuite viens le plaisir/déplaisir du style de l'auteur de discuter du sujet qui m'interesse. Bref pour moi, sans résumé il n'y a aucune chance que je lise le livre que l'on me propose!
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Message  Prospéryne Mar 13 Jan 2009 - 16:16

Je partage plutôt l'opinion de Philcabzi: c'est avant tout l'histoire qui me motive à lire un livre. Le style? C'est trop abstrait avoir d'avoir mis le nez dans un bouquin. On le comprend à la lecture, pas avant. Alors, même si on me dit que le style d'un auteur est génial, je ne lirais pas le livre si l'histoire me semble ennuyeuse! Cela dit, le style est souvent à la lecture ce qui fait la différence entre les bons livres et les mauvais livres, quelle que soit la qualité de l'histoire. Dans mes critiques, je mets toujours un résumé que j'espère alléchant pour que le plus de gens possibles se mettent à la lecture, enfin, si j'ai aimé le livre évidemment! Ensuite, j'essaie de mettre le doigt sur ce qui fait le style de l'écriture de l'auteur, mais je n'en fait pas une obsession. Tout bon lecteur le voit par lui-même à la lecture d'une oeuvre. Je crois que là-dedans, tout est une question d'équilibre: trop tomber dans le populaire crasse ou l'élitisme hautain ne me semble pas particulièrement bon dans un cas comme dans l'autre. Alors, pourquoi bouder ses plaisirs? Un livre peut être très bon, nous détendre et nous faire rigoler sans être un chef-d'oeuvre, de même un classique déclaré chef-d'oeuvre peut nous endormir... ou nous émerveiller. Mais souvent, que l'on le veuille ou non, c'est le résumé qui est le moteur qui nous amène vers le livre en premier. Ensuite, on aime le style et on découvre l'auteur.

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Message  gallo Mar 13 Jan 2009 - 20:09

Pour moi, le résumé comme aussi la biographie plus ou moins succinte de l'auteur, des éléments geographiques dans le récit, et des remarques sur le style forment pour moi les données souhaitables sinon essentielles pour situer un livre par rapport à l'intérêt qui me guide dans le choix du moment.

Pour les lectures communes, notamment pour le livre du mois, c'est un peu différent: c'est une découverte à faire.

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Message  Invité Lun 19 Jan 2009 - 0:52

RESUMER ? Gallo a donné en quelque sorte le "résumé" de cette discussion et de ce qu'on doit trouver dans un Résumé.

Je crois qu'il y a un malentendu sur le résumé. Le terme est malheureux : il fait scolaire et incite à faire "en résumé" une narration seconde de l'ouvrage : c'est désastreux, même si on évite comme le signale Zéta de dire la fin. Je préfèrerais : "Le SUJET" : ce qu'il y a dans l'ouvrage : les lieux, les décors, l'époque, le genre de personnages et le genre d'histoire. Mais pas qu'on me la raconte, l'histoire ! Ca, c'est l'auteur qui le fait et le lecteur qui doit le découvrir (pour le meilleur ou pour le pire !).
Oui, je comprends Philcabzi et Prospéryne, qu'on ait envie de savoir ce qu'il y a derrière un titre : il y a tant d'ouvrages à lire qu'il faut pouvoir faire un choix. Mais voyez les meilleurs quatrièmes de couverture des bonnes maisons d'édition : ils reprennent la formule de Gracq : "la littérature ne dessine pas : elle évoque".

Quant au style, c'est visiblement un mot qui fait peur ! Je pourrais vous dire comme quelqu'un de célèbre : "n'ayez pas peur!" ... de parler du plaisir qu'on ressent à l'écriture d'un auteur, c'est à dire à la façon dont il nous raconte son histoire. Et ce n'est pas compliqué, ce n'est pas faire une thèse de doctorat : c'est expliciter ce qui nous a fait plaisir. Et on s'en sort aussi très bien en citant quelques unes des phrases qui nous ont le plus touché...

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Message  Invité Lun 19 Jan 2009 - 1:05

Juste un mot pour Zéta :
Oui, Sollers est un type épouvantablement agaçant, le prototype de l'intello parigot : snob, sûr et content de lui. Il écrit bien mais ce qu'il écrit est de peu d'intérêt (pour moi). Il parle surtout très bien, mieux sans doute qu'il n'écrit.
Ceci dit, il est intelligent et quand il ne parle pas de lui, mais de la littérature, cela vaut souvent le coup, parce que -là- il sait "de quoi il cause" et cela mérite qu'on s'y arrête (et qu'on en discute sans fausse modestie : il faut pas se laisser intimider par les réputations).

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Message  Invité Lun 19 Jan 2009 - 12:56

Je viens juste de trouver à la fin d'un livre de J.L. BORGES que j'ai achevé hier :
« Le livre de sable »[El libro de arena] éd. Gallimard – Folio, 1978, 147 p [ Emecé Ed., 1975]
des exemples -de la main de l'auteur- sur comment présenter un récit, une histoire.


Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer ce texte (que Borgès a mis en Epilogue, en expliquant pourquoi) :

« Écrire une préface à des contes qui n'ont pas encore été lus est une tâche presque impossible, puisqu'elle oblige à analyser des situations dont il convient de ne pas dévoiler la trame. Je préfère donc m'en tenir à un épilogue.

Voilà donc comment BORGES présente en Postface le RESUME ses récits :

(1) Le premier récit : L’autre, reprend le vieux thème du double, qui inspira si souvent la plume, toujours heureuse, de Stevenson. En Angleterre son nom est fetch ou, de façon Plus littéraire, wraith of the living; en Allemagne, doppelgänger. Je soupçonne que l'une de ses premières désignation fut celle d'alter ego. Cette apparition spectrale aura sans doute été un reflet renvoyé par un métal ou par l'eau, ou simplement par la mémoire, qui fait de chacun de nous un spectateur et un acteur. Il me fallait faire en sorte que les interlocuteurs fussent assez distincts pour être deux et assez semblables pour n'être qu'un. Dois-je avouer que l'idée de cette histoire me vint en Nouvelle-Angleterre, au bord du fleuve Charles, dont les eaux froides me rappelèrent le lointain cours du Rhône?

(2) Le thème de l'amour intervient très souvent dans mes vers, mais pas dans ma prose, qui ne présente d'autre exemple qu'Ulrica. Les lecteurs remarqueront sa parenté formelle avec L'Autre.

(3) Le Congrès est peut-être la fable la plus ambitieuse de ce livre; son thème est celui d'une entreprise tellement vaste qu'elle finit par se confondre avec le cosmos et avec la somme des jours. Le début, par son opacité, veut imiter celui des fictions de Kafka; la fin cherche à s'élever, sans doute en vain, jusqu'aux extases de Chesterton ou de John Bunyan. Je n'ai jamais mérité semblable révélation, mais j'ai essayé de la river. En cours de route, j'ai introduit, selon mon habitude, des traits autobiographiques.

(4) Le destin qui dit-on, est imperméable ne me laissa pas en paix que je n'aie perpétré un conte posthume de Lovecraft, écrivain que j'ai toujours considéré comme un pasticheur involontaire d'Edgar Allan Poe. J'ai fini par céder; mon lamentable fruit s'intitule : There are more things.

(5) La Secte des Trente consigne, sans le moindre document à l'appui, l'histoire d'une hérésie possible.

(6) La nuit des dons est peut-être le récit le plus innocent, le plus violent et le Plus exalté qu'offre cet ouvrage.

(7 et Cool La bibliothèque de Babel (1941) imaginait un nombre infini de livres; UNDR et Le miroir et le masque, des littératures séculaires qui ne comportent qu'un seul mot.

(9) Utopie d'un homme qui est fatigué est, à mon sens, la Pièce la plus honnête et la plus mélancolique de la série.

(10) J'ai toujours été surpris par l'éthique obsessionnelle des Américains du Nord ; Le Stratagème cherche à illustrer ce trait de caractère. […..]

(11 et 12) Deux objets essentiellement différents et également inconcevables forment la matière des derniers contes. Le disque, c'est le cercle euclidien, qui ne comporte qu'une seule face; Le livre de sable, un volume au nombre infini de pages.

J'espère que ces notes hâtives que je viens de dicter n'épuiseront pas l'intérêt de ce livre et que les rêves qu'il contient continueront à se propager dans l'hospitalière imagination de ceux qui, en cet instant, le referment. »
(J.L.B. Buenos Aires, 3 février 1975)

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