John WILLIAMS (1922-1994) (Etats-Unis)

STONER - le dilettante - 5/5

Parmi toutes mes dernières lectures, j’ai choisi de garder le commentaire sur Stoner pour la fin. Il m’a semblé qu’il me serait plus difficile de rédiger un avis sur ce roman. Au commencement, si l’écriture m’a éblouie par sa maîtrise, son éloquence sèche, sa fluidité que n’alourdit aucune fioriture de langage ou de style, j’avais cependant une réserve : je ne participais pas à l’aventure, je restais en dehors de ce que vivait le personnage du jeune William Stoner . Le récit se déroulait sur la base des faits bruts, du simple vécu de la famille Stoner, sans que l’on pénètre leur psychologie, ce qui les animait, au-delà de leurs tâches journalières. On ne parlait pas chez les Stoner, et ce silence passait dans les lignes du roman, on y déchiffre une sorte de torpeur des âmes qui ne révèlent rien des envies, des motivations, des joies ou des espoirs, des affections qui pourraient éventuellement sourdre sous cette apparente placidité glaciale des membres de la famille.

Dans le cœur du Missouri les parents de William cultivent une terre ingrate qui les épuise à la tâche. William grandit entre ces personnes austères tout entières consacrées à leur ferme, sans espoir d’en sortir autre chose que leur maigre subsistance. Un soir le père de William annonce à son fils qu’on leur a parlé d’un nouveau cursus universitaire consacré à l’agronomie et qu’il tient à envoyer son fils le suivre dans la prestigieuse faculté de Columbia. William Stoner s’installe chez un cousin, qui l’héberge contre un harassant travail, et commence sa première année d’étude. Il obtient de bons résultats sans effort mais sans briller. « Il s’acquitta de son travail à l’université comme il s’acquittait de celui de la ferme –minutieusement, scrupuleusement, sans y prendre le moindre plaisir mais sans angoisse non plus. »

Au coursde sa deuxième année, une réflexion d’un professeur lui dessille soudain les yeux, lui plante au cœur des passions qui ne le lâcheront plus : la littérature et plus globalement un besoin d’apprendre insatiable.

« Au cours du deuxième trimestre, William Stoner abandonna les cours de sciences et mit fin à son cursus d’agronomie. Il s’inscrivit à un cycle d’introduction à la philosophie, à un cours d’histoire ancienne et à deux autres de littérature anglaise. »

Et comme la frénésie de ces nouveaux savoirs submerge la pensée de William Stoner, l’intérêt et l’empathie pour ce jeune héros se sont éveillés chez moi, car de ce fait il nous devient enfin compréhensible et proche. C’est ainsi que William Stoner s’éveille peu à peu à la vie, il s’aperçoit qu’il vit dans la plus terrible solitude, il s’ouvre aux beautés du monde qu’il côtoie, à la prodigieuse richesse intellectuelle qui lui est offerte. Mais, au fond de lui, William Stoner demeurera toujours cet être mutique, discipliné et passif -pour son plus grand malheur.

Son mentor déclare à Stoner qu’il est né pour être professeur, un passeur de connaissances.

Au cours de toute son existence William Stoner sera un être intègre à la rigueur monacale, un être chez qui tout ce qui est joyeux, bruyant, ardent, sera brimé par son passé et des événements dont il ne saura pas être le maître. Envers et contre tout, il suivra sa voie qui est d’apprendre et enseigner. Les tentations à participer aux événements historiques, les jalousies et les mesquineries de collègues, les manipulations de son épouse, les conventions sociales, les ambitions qui le cernent, même les bonheurs furtifs, rien ne pourra le distraire de ce but.

Ce roman paru en 1965 aux Etats Unis a été librement traduit pour la première fois par Anna Gavalda. Sa prose est très belle aussi dépouillée et limpide que l’esprit de son héros. C’est d’une grande sobriété, mais ce n’est jamais terne.

On regrette parfois le manque d’interventionnisme du personnage, on voudrait qu’il se batte pour être heureux. Mais les moments de félicité lui seront chèrement disputés. Si la vue d’ensemble de son existence nous semble si aride, si ascétique, peut-on dire qu’elle est vaine ? C’est Stoner lui-même qui répondra dans les dernières pages.

S’il vous vient l’envie de découvrir les très belles pages de John Williams, lorsque vous refermerez ce livre, je pense que, comme moi, vous serez saisis par la prodigieuse singularité qui façonne nos existences, toutes différentes, toutes enchâssant en leur cœur leur propre vérité.

et un de plus à lire, merci Zeta

Superbe critique, Zeta!!

Je le note!

La personne qui tient la bouquinerie où jai l'habitude d'aller m'en a parlé de façon dithyrambique
!!! Aurait-elle raison ?

Merci Zeta!!! C'est en plein pour moi.

Très jolie critique Zeta, je le note aussi !

Merci , J'espère que si vous le lisez vous ne serez pas déçues.... l'histoire n'est pas glamour mais c'est tellement poignant ....

stoner

• Broché: 380 pages
  
• Editeur : Le Dilettante (31 août 2011)
  
• Collection : LE DILETTANTE -
  
• ISBN-10: 2842636449
  
• ISBN-13: 978-2842636449
  

Zeta, c'était magnifique, Merci!

On regrette parfois le manque d’interventionnisme du personnage, on voudrait qu’il se batte pour être heureux.

comme c'est juste...
on en vient à se demander: être heureux, est-ce vraiment le must de l'existence?
en tant que mère, tout ce que l'on désire, c'est que nos enfants soient épanouis et heureux....
mais le bonheur ne semble pas être La mesure d'une vie....

un récit envoûtant....on ne se détache pas facilement de Stoner...
4.5/5

• Poche: 377 pages
  
• Editeur : Editions 84 (2 janvier 2013)
  
• Collection : J'ai lu Roman
  
• Langue : Français
  
• ISBN-10: 2290041114
  
• ISBN-13: 978-2290041116
  

Résumé:

William Stoner commence sa vie dans une ferme de Missouri. Ses parents travaillent dur pour tirer leur subsistance de leur terre et, quand William atteint l'âge de l'université, ils décident de l'envoyer à celle de Columbia pour qu'il étudie l'agronomie et apprenne ainsi à mieux tirer partie de leur ferme. Le jeune William entame donc ses études et au hasard des cours découvre la littérature anglaise et se passionne pour elle. Délaissant peu à peu ses cours de science il s'oriente sans vraiment s'en rendre compte vers l'enseignement. Commence alors une vie tranquille qu'il subit avec indifférence, prêt à tout accepter tant qu'on lui permet d'enseigner. Mais la vie est souvent pleine de surprise et même les hommes qui semblent les plus indifférents peuvent vivre de grandes passions...

Commentaire:

La vie de William Stoner peut paraître assez banale, il enseigne là où il a étudié et se fait souvent moquer par les étudiants et les autres enseignants. Il enseigne avec passion mais pour le reste il vit sa vie avec une remarquable indifférence. que l'adversité vienne de ses collègues ou de son foyer, rien ne semble l'atteindre et il semble pouvoir s'adapter à tout dès l'instant où on le laisse lire et transmettre son savoir. Pourtant, quand on y regarde de plus près, la vie de cet homme est loin d'être insignifiante et le personnage ne manque pas de courage, car il en faut pour passer des travaux de la ferme aux études doctorales, mais aussi pour tenir à ses principes quitte à s'attirer les foudres des collègues et à en subir les conséquences longtemps ou encore pour supporter une femme telle que celle qu'il a épousé. Et au fond le courage de cet homme tient surtout à ça, à sa capacité de préserver sa tranquillité d'esprit et sa passion de la littérature envers et contre tous.

4,75/5

Butcher's Crossing
John WIlliams


Dans les années 1870, un jeune étudiant, Will,quitte Harvard pour trouver un sens à sa vie dans l'ouest sauvage. Possédant un certain capital, il finance une expédition pour chasser le bison, l'un des derniers grands troupeaux. Il se lance alors dans une chasse dont il sortira transformé.


Ce livre déconstruit le mythe de l'Ouest américain, avec une chasse qui n'a rien de grand ni de séduisant, tout en racontant une facette de l'histoire de l'Amérique, celle de la disparition des bisons, derrière laquelle se dessine celle des Indiens des plaines. L'écriture est lyrique, contemplative. Le lecteur est tenu en haleine, se demandant quel sort va être réservé aux chasseurs. Roman d'aventures et poésie des grands espaces se mêlent dans ce texte.

Note 5/5

Un livre de plus dont je note le titre.

Le sujet me plait aussi

STONER 


Résumé : Voir ceux de mes prédécesseurs. Ils sont excellents !!!

Mon avis : 

Voici le genre de roman que j'adore !!! 

Partant d'une histoire qui peut paraître des plus banale, l'auteur grâce à son style et à la précision de son écriture, nous  passionne de la vie de Stoner. Celui-ci s'est tracé une route, celle de transmettre sa passion de la littérature à ses élèves. Au détriment de son propre bonheur et de l'amour pour son enfant,  à l'encontre de la cruauté de son épouse et des pratiques de corruptions du collège, rien ne le fera détourner sa ligne. 

Les combats psychologiques sont décrits avec une rare adresse et avec un réalisme peu courant. 

Roman qui laisse une impression de grand pessimisme mais qui est terriblement touchant.

4.5/5