Emile GABORIAU (France)

De : gallomaniac Envoyé : 13/12/2006 14:47

Emile GABORIAU, L'Affaire Lerouge.
Un polar ("roman judiciaire") de 1866. Ma note 4,5/5
Réédition Librairie des Champs-Elysées-Hachette 2004, 480 pg.

L'Affaire Lerouge, "roman judiciaire", a pour sujet le monde de la magistrature: des questions d'éthique juridique sont soulevés et le fonctionnement du Palais et du système des jurés est décrit. La tôle de fond est le Paris du 19e-siècle avec son tripartition des nobles, des pleutres et des bourgeois qui, eux, essayent de s'élever au niveau des nobles. L'histoire est centré autour des bourgeois Daburon, juge d'instruction en fonction, et de Noël Gerdy, avocat ici en tant que personne privé. Puis il y a la famille noble de Commarin avec son fils Albert, secrètement fiancé à la noble Claire d'Arlanges. Le peuple est representé par la tuée, veuve Lerouge, par un détective amateur, "agent de police volontaire" surnommé Tirauclair, et par la police officielle: l'inspecteur Gévrol et le jeune agent Lecoq. Veuve Lerouge nourrice, le juge amoureux de Claire, Tirauclair protecteur de Noël, qui lui est un fruit de la passion: tous ont un lien avec la famille Commarin.
L'aspect judiciaire étant un meurtre, une enquête est menée par le juge d'instruction et par Tirauclair, avec en arrière-plan les policiers. Grâce aux perspectives différentes de tous ses enquêteurs, le jeu de déduction prend parfois des tournures intéressantes. On donne beaucoup d'attention aux preuves matérielles comme point de départ pour des déductions psychologiques. Les raisonnements juridiques sont bien développés. L'intrigue est construit sur des données faussées dans le passée. Chaque personnage, pas seulement le meurtrier, a ses propres mobiles: l'honneur de famille noble et l'honneur de la conscience; l'amour et la jalousie, l'ambition et la convoitise. On aboutit à la solution de l'Affaire Lerouge par bien des détours, impliquant des fautes professionnelles, qui font le juge prendre sa démission. Et pour fin, le père Tirauclair, "après avoir cru à l'infaillibilité de la justice, il ne voit plus partout qu'erreurs judiciaires. L'ancien agent volontaire doute de l'existence du crime et soutient que le témoignage des sens ne prouve rien. Il fait signer des pétitions pour l'abolition de la peine de mort et organise une société destinée à venir en aide aux accussés pauvres et innocents."

Emile Gaboriau (1832-1873), né à Saujon en Charente-Maritime, fils de notaire, a étudié le Droit, puis est parti soldat en Afrique dont il revient malade; revenu, il se met à écrire et devient le secretaire de Paul Féval (auteur de Mystères de Londres, Le Bossu, Les habits Noirs). Par ses études de Droit, il pouvait donner à "L'Affaire Lerouge" la forme originelle d'un polar, genre pas encore défini dans le temps. Le succes était tel que Gaboriau écrira encore plusieurs livres autour du jeune policier Lecoq: 1867: Le crime d'Orcival; 1868: Les Esclaves de Paris; 1869: Monsieur Lecoq; 1873: la Corde au cou; 1876 posthume: Le petit vieux des Batignolles. Ceci a fait d'Emile Gaboriau "un des trois pères du roman policier, avec Edgar Allan Poe et Arthur Conan Doyle".

L'Affaire Lerouge serait inspiré des mémoires de Vidocq et du chef de la Sureté, Canler. Le livre, publié en feuilleton, est d'abord le récit d'un drame de famille et d'amour: il ne faut pas interpreter comme des longueurs les chapitres pas nécessaires pour le récit de détection. J'étais surpris par l'originalité et la "modernité" de ce polar, un "must" pour tout fan de polars qui s'interesse aussi un peu à l'histoire de la littérature. Qu'est ce que cet auteur aurait donné s'il n'etait pas succombé à 41 ans à sa maladie attrapé en Afrique.



De : gallomaniac Envoyé : 15/12/2006 12:41

Emile GABORIAU, Monsieur Lecoq, tome I: L'enquête. 3,5/5
polar de 1869, Réédition Ed.Garnier 1978 250 pg.

C'est les années 1860. Trois morts dans un tripot juste au moment que les policiers de garde arrivent. Deux dames s'enfuyent, un homme est arrêté. Raison pour le jeune agent Lecoq d'étaler tous ses talents de détective. Il utilise toutes les techniques appris et il en invente des nouveaus comme fixer l'empreinte de pas dans la neige par du plâtre raclé des murs. Recherche poussée des environs du "crime scene", interrogatoires interprétés avec beaucoup de psychologie. Tout cela est peut-être vu d'un mauvais oeil par son chef mais apprécié par le juge d'instruction. Le prisonnier fait appel à l'autodéfense, donne une identité incomplète. Alors Lecoq, reçoit carte blanche du juge pour espionner, libérer et - en déguisements divers - filer le prisonnier à fin de découvrir la vraie identité. Devant un dernier insucces, Lecoq va demander conseil à son vieux ami le père Tirauclair, qui relève trois, quatre fautes dans l'enquête et revèle finalement l'identité du tueur.

Il est intéressant de voir le développement dans la façon que Gaboriau traite le sujet: on assiste à la naissance d'un genre. Lecoq, à peine présent dans le roman judiciaire "L'Affaire Lerouge", devient le personnage principal dans ce "roman policier", récit d'une enquête policière pur sang. Tous les aspects de la recherche policiaire sont développés en longueur et en largeur, les mobiles du rechercheur sont bien étalés, les expliquations des techniques et des inventions facile à suivre, les fautes visibles et prévu par l'auteur.
Il n'y avait qu'un grand inconvéniant: l'édition ne mentionnait pas qu'il s'agissait d'un premier tôme. Celui-là se lit indépendamment, mais on reste sur sa faim. Consolation: les deux tomes sont intégralement publiés sur le web, donc le tome II est accessible .

Ca fait plaisir de voir que Gaboriau a ses adeptes.J'en suis et si vous permettez...


Emile Gaboriau - Le crime d'Orcival

Monsieur Gaboriau


Voici l'écrivain que les spécialistes du policier considèrent comme ayant influencé Conan Doyle et Sherlock Holmes; Emile Gaboriau et son détective du XIX° Siècle sont les précurseurs du roman noir. Si vous avez envie d'intrigues criminelles bien ficelées qui explorent la socièté bourgeoise de cette époque entre Les Mystères de Paris et Arsène Lupin ou à peu près plongez-vous dans ces romans très dépaysants tous publiés en feuilletons à l'époque. C'est un régal que de lire ce qu'on appelait des romans judiciaires, les premiers en France à mettre en scène un privé, Monsieur Lecoq, ancêtre de Sam Spade ou Philip Marlowe. Lecture bien agréable en vacances. Gaboriau a beaucoup d'imagination et de la rigueur aussi pour mettre en lumière les minces indices sur l'assassinat du du Comte et de la Comtesse deTremorel,dans le paisible village d'Orcival, en bords de Seine avant l'urbanisation.


Emile Gaboriau - L'affaire Lerouge


Le crime d'Orcival est le plus connu mais on peut s'amuser avec L'affaire Lerouge ou Le dossier n°113,également écrits avec un souci du détail qui frise le naturalisme. Admirées par Cocteau ou Simenon les enquêtes de Mr.Lecoq conjuguent la poésie du premier et l'analyse sociale du second. Personnellement je vois une certaine filiation à Gaboriau chez le Nestor Burma de Léo Malet. Pourquoi pas? On pourrait citer Poirot et tous les autres.

J'ai récemment trouvé Le Dossier no 113 qui attend dans mon PAL.

J'ai aussi trouvé une bibliographie de Gaboriau (1835-1873), impressionnant pour un auteur mort à 42 ans, dans une période d'à peine une douzaine d'années d'écriture.
1860 - Les cotillons célèbres, 2 volumes.
1861 - L'ancien Figaro; études satyriques.
1861 - Le 13e hussards; types profils etc.
1862 - Les gens de bureau.
1863 - Les mariages d'aventure.
1862 - Ruses d'amour.
1863 - Les comédiennes adorées.
1866 - L'affaire Lerouge (en feuilleton en 1865, c'est son premier polar, qui lui a valu sa renommée)
1867 - Le dossier no 113.
1869 - Monsieur Lecoq.
1869 - Les esclaves de Paris.
1870 - La vie infernale.
1871 - La clique dorée.
1873 - La corde au cou.
Posthume
1874 - L'argent des autres.
1876 - Le petit vieux des Batignolles.
1877 - Les billets doux (drame)
1882 - L'avocat des maris (drame).

Merci pour cette liste.J'essaierai d'en lire quelques-uns.La Bibliothèque de ma ville est assez bien fournie.

Emile Gaboriau - Le dossier 113. (1867)
Série Les grands maitres du roman policier- Editions de St.Clair, 1974 . 430 pg. Ma note 4/5.

Le vol d'un coffre-fort sème la panique: seuls le directeur et le caissier ont clé et code. Le caissier est arrêté, mais fautes de preuves on le lâche. Partant d'une mince indication qu'une tierce personne doit être involvée, Monsieur Lecoq, pour élucider ce problème, va étudier le passé des personnages autour de la famille du banquier. On découvre qu'il y a eu un secret dans la vie de la femme du banquier, un enfant caché, né d'un amour secret. Là où il y a secret, il peut y avoir du chantage; et chantage il y a, par un mauvais frère et un faux fils. Là où l'honneur est primordial, les filles aimantes peuvent sacrifier leur amour pour la sauvegarde de l'honneur de la mère, ou de la tante.

Le roman traite de deux histoires d'amour à l'intervalle de vingt ans à peu près. Les deux histoires sont liés par le vol et Monsieur Lecoq déduit avec précision les éléments de l'intrigue.
Avec Gaboriau, le polar en est encore qu'à ses débuts. Il a écrit un roman d'amour autour d'une intrigue criminelle, résolu par le fameux policier Lecoq. Mais déjà, le policier sort des coulisses pour se mettre sur le devant de la scene à coté des personnages principales. Il aide même les jeunes amoureux à voir clair dans leurs sentiments.
J'ai bien apprécié cette lecture. Ma note 4/5.

Une nuit de juin 1871, le maire de Sauveterre en Saintonge est averti que le château de Valpinson est en feu et que son propriétaire, le comte de Claudieuse, a été grièvement blessé... Un jeune paysan un peu simplet a cru reconnaître en l'agresseur du comte, Jacques de Boiscoran, un propriétaire voisin qui se retrouve bientôt en prison. La défense de l'inculpé s'organise et un jeune avocat parisien, Manuel Folgat, se persuade rapidement de l'innocence de l'accusé. Il découvre cependant le passé du jeune homme, uni par un lien secret avec la comtesse de Claudieuse. Celle-ci ayant appris quelque temps plus tôt que Jacques venait de se fiancer avec la jolie Denise de Chandoret, a exigé de récupérer ses lettres d'amour. Un rendez-vous avait été fixé près de Valpinson, le soir du drame...

A mon avis l'un des plus passionnant des ouvrages de Gaboriau. L' intrigue est traitée de façon plus moderne que dans les autres romans, on ne suit pas l'enquêteur qui a un rôle plus effacé, mais le prévenu et les angoisses de ses proches. L'absence d'enquête n'enlève rien au suspens qui est constitué par le doute sur la façon dont le suspect va prouver son innocence.
Il parait que cette oeuvre aurait été considérée comme la meilleure de Gaboriau et je partage cette opinion, ayant lu plusieurs romans de cet auteur, celui-ci est mon préféré.

Note : 4,75/5

Tu m'as donné envie de retrouver Gaboriau.Je n'ai jamais lu La corde au cou maisj'aime l'ambiance de ces enquêtes.Bonne idée,merci.