Décembre 2012 - Les encombrants de Marie Sabine Roger - Critiques

C'est grâce au formidable "La tête en friche" que j'ai découvert Marie-Sabine Roger. C'est donc avec plaisir que je me suis orientée vers ce nouvel ouvrage, recueil de nouvelles dont le thème central est la vieillesse.
Et les personnages de ces récits sont tous attachants à leur façon : la vieille grand-mère qui prépare la venue expresse de ses petits-enfants, la centenaire qui souffle les bougies devant les caméras et tous les importants, le vieil homme qui erre dans un jardin qui n'est pas à lui, la dame qui travaille en maison de retraite et qui se sent indispensable pour ses condisciples de l'autre génération.

Il faut bien avouer que le titre est dérangeant (tout comme l'une des nouvelles) et qu'en me procurant ce livre je m'attendais à une peinture un peu cynique de nos personnes âgées, êtres laissés-pour-compte vers lesquels on se tournerait pour se donner bonne conscience mais qu'on oublie, la plupart du temps pour se concentrer vers l'"essentiel". En vérité, même si Marie-Sabine Roger dépeint une sacrée galerie de petits vieux isolés, elle nous les rend sympathiques, emplis de sollicitude et de bonne volonté. Et ils ne sont pas tous pareils, pas tous absents ou fatigués. Chacun gardant sa part d'humanité et conservant des habitudes mais aussi riches d'une expérience et d'une histoire. Certes, cela peut paraître féroce car le sujet est quelque peu tabou mais à travers ces pages d'une grande vitalité, on se sent, avec eux, plein de vie.

Les encombrants
(Babel, 97 pages)

Les encombrants ce sont ces personnes âgées parfois gênantes, parfois énervantes, que l'on ne veut plus voir et que l'on oublie dans ces maisons de retraite où on les place par commodité ou qu'on ne va jamais voir chez eux. Eux souvent ne s'en soucient guère car vivant dans leur monde, leurs souvenirs ou avec leurs petits compagnons de route qui leur sont restés fidèles malgré tout. Marie-Sabine Roger nous en décrit sept dans ce court mais percutant récit de nouvelles et l'on suit ainsi tour à tour une mamie soudain débordée par l'arrivée de ses petits enfants mais qui ne feront que passer par politesse, une centenaire fêtant en grande pompe avec toute la clique de notables et la télévision son anniversaire ou encore ce vieux con qui, dans sa solitude, va perdre le seul être qui l'accompagnait: son chien.

Les nouvelles sont cinglantes, dérangeantes parfois, avec cependant cette petite note de mélancolie qui vous étreint au fur et à mesure de la lecture. On se surprend ainsi à être ému, dérangé même par ces différentes histoires que néanmoins aucune lourdeur ne vient entacher en définitive. Car Marie-Sabine Roger a ce don - oui, on peut l'appeler ainsi - pour trouver la chute idéale et parfaite à chacune de ses nouvelles. Et pourtant, il n'y a rien de plus difficile que cet exercice ô combien délicat que sont les nouvelles.

Beaucoup de tendresse et d'émotion dans ces moments de vie où aucune tristesse ni déprime ne transparaît néanmoins. Car le but de l'auteur n'est pas ici de nous faire apitoyer sur le sort de ces "vieux" mais au contraire de nous les faire aimer, de nous montrer une nouvelle facette de leur existence, de celle qu'on ne voit jamais. Et c'est avec du baume au coeur que finalement on achève le livre avec un seul mot en tête : encore!

Ma note : 4/5