Simone SCHWARZ-BART (France)

"Pluie et vent sur Télumée Miracle"  Points 1980    250 pages


                                   
                                   
                                   La vie est dure dans cette ruralité guadeloupéenne, où le seul moyen pour un Noir de grappiller quelque argent est de travailler pour l'homme blanc. Après les siècles d'esclavage, c'est une triste liberté qui attend la communauté noire: vie chiche et désoeuvrement; et pour ceux qui ont choisi de ne pas aller grossir les rangs des mendiants à la ville et de rester dans les campagnes, c'est même carrément la misère. En ce début de XXe siècle (on suppose), Télumée a été abandonnée par sa mère, tôt dans l'enfance, mais heureusement recueillie pas sa grand-mère, Reine Sans Nom. A Fond-Zombi, elle connaîtra la tendresse, la douceur et les bons conseils de cette grand-mère qui a su garder sa dignité malgré les cruels revers que la vie lui a infligée. Elle découvrira l'amour, avec Elie, se marieront et vivront quelques années en bienheureux avant qu'Elie ne devienne fou. Alors, Télumée reviendra "à la canne", s'user le dos et les mains. Puis il y aura Amboise, qui était prêt depuis longtemps à l'accueillir; mais Amboise mourra, brûlé par la vapeur, lors d'une grève à l'usine de canne. Alors, devenue vieille et solitaire, Télumée trouvera un dernier refuge au bourg de La Ramée. Résignée, elle s'enfermera dans sa nostalgie et "ses rêveries d'ancienne", et ira vendre ses cornets de cacahuètes sur la place du marché, le dimanche. "Oui, c'est bien triste... mais c'est comme ça...".


                                  S'il y a un livre qui est capable de retranscrire l'âme profonde des femmes noires de Guadeloupe c'est bien celui-ci. Car c'est un livre qui parle des femmes, de leur dure condition de femme. Car si l'existence des hommes n'est franchement pas une sinécure, que dire de celle des femmes? Non seulement exploitées par les Blancs, comme leurs compagnons de couleur, mais soumises aux mauvais traitements infligés autant par les hommes blancs que par les hommes noirs. Exploitées, battues, violentées, elles subissent le déferlement de la violence inhérente à l'homme, qui a besoin d'un exutoire pour y déverser son trop-plein de malheurs et de misère. Pourtant, Simone Schwarz-Bart évoque ces femmes dignes, solides, qui ont su résister à l'infortune, à la fatalité, à la brutalité de la vie. Ces femmes, ces Négresses, ont su résister, par amour de la Vie, dans une quête du bonheur de vivre à tout prix. 


               "Reine Sans Nom était une talentueuse, une vraie négresses à deux coeurs, et elle avait décidé que la vie ne la ferait pas passer par quatre chemins (...) Elle n'exultait pas, ne se plaignait pas, ne gémissait pas devant n'importe qui, et nul ne savait ce qui bouillait au fond de sa marmite, soupe grasse ou galet de rivière. Elle avait posé sa case au bout de Fond-Zombi, en dehors de toutes les autres, à l'endroit même où commence la forêt, où les arbres viennent à la rencontre du vent et le porte sur les hauteurs. Les gens ne la comprenaient pas toujours, c'était une "femme fantaisie", une "lunée", une"temporelle", mais tout cela ne l'amenait qu'à hocher la tête et sourire, et elle continuait à faire ce pour quoi le Bon Dieu l'avait créée, vivre".


                                  C'est un roman éblouissant, servi par une belle écriture imagée, débordant de couleurs et de saveurs des îles. C'est généreux, tendre, violent et plein d'amour tout à la fois.


Note: 5/5 

C'est totalement le genre de livre qui m'attire toujours!! Merci Géromino   Je le note en rouge, en gras, avec plein de points d'exclamation!

Pluie et vent sur Télumée Miracle de Simone Schwartz-Bart

Télumée vit pauvrement dans la campagne guadeloupéenne,  aux côtés de sa grand-mère, Reine Sans Nom. Pluie et vent sur Télumée Miracle est un roman sur les femmes de l'époque. Au début du XXe siècle, c'est la fin de l'esclavage mais les Blancs font toujours travailler les Noirs durement, comme dans la canne à sucre. Elles doivent travailler leur terre, profiter des courts moments de bonheur et faire face aux malheurs quand ils tombent sur vous sans avoir eu le temps de s'y préparer. 
Mes parents sont nés en Guadeloupe, j'aime beaucoup revenir à mes origines et savoir comment on y vivait là-bas, même s'ils m'en ont beaucoup parlé (mais plutôt les années 70). J'ai beaucoup aimé ce livre qui raconte la vie de ses femmes guadeloupéennes qui résistent aux injustices morales et sociales de leur époque. Leur vie est difficile et pourtant, elles relèvent la tête et reprennent le chemin. J'ai été portée par l'écriture poétique, les métaphores fleuries, par les chants de l'île, les petits actes de sorcellerie et l'amour. Mais il y a comme un goût amer quand on repense à toutes ses souffrances... Un roman dur mais nécessaire. Un bel hommage à ces femmes, ce roman a reçu le prix Elle des lectrices de 1973.

Note : 4.5/5