Pat FRANK (Étas-Unis)

1908-1964

Alas, Babylon
1959

Les Soviétiques ont réussi à rattraper les Américains avec leur arsenal nucléaire et saisissent un incident international pour tenter la chance de l’affrontement atomique. Malgré la doctrine de la « destruction mutuelle assurée ». Le livre raconte les mois qui suivent du point de vue de Randy, habitant désinvolte de Fort Repose, une petite ville de Floride. Celui-ci aura toutefois été prévenu quelques jours avant l’assaut par son frère militaire. Il a fait quelques provisions et accueillera aussi sa belle-sœur et ses neveux, devenant un leader. Les grandes villes et les bases militaires sont éliminées par les bombes, la Floride est désignée zone contaminée et les survivants de Fort Repose coupés du monde. Ils ont heureusement évité les retombées radioactives, mais ils perdent rapidement l’électricité et toute forme d’approvisionnement. Ils s’organisent pour vivre de la rivière et de la terre, mais ils doivent aussi faire face à des pillards, au manque de matériel médical, de moyen de transport et d’information.
 
Ce roman aurait été le premier livre postapocalyptique nucléaire. Enfant, j’avais été marqué par le téléfilm Le jour d’après, et j’ai retrouvé plusieurs moments forts du film dans ce livre. Il est bien documenté. Depuis toujours j’ai été fasciné par ces récits catastrophes, même s’ils nuisent à mon sommeil, parce que je réalise que je ne survivrais pas longtemps (et je manquerais peut-être du goût de survivre dans un monde dévasté, comme la femme du protagoniste de La route). Dans ce livre, il y a un bon équilibre entre information technique et aventures.
 
Il y a quelques éléments qui surprennent ou dérange aux yeux du lecteur d’aujourd’hui. D’abord, les personnages ne semblent pas particulièrement affectés lorsqu’ils apprennent qu’une ville complète a été rasée, Orlando par exemple. Mais il faut se situer à cette époque, la guerre froide n’était pas encore très froide, la deuxième guerre mondiale et ses millions de morts pas loin, et on avait presque utilisé l’arme atomique durant la guerre de Corée. Rappelez-vous en comparaison la réaction du 11 septembre, où il y a eux près de 3000 morts. Ensuite, j’ai d’abord été choqué de la place des Noirs, mais il faut aussi se rappeler que la discrimination était encore légale aux États-Unis en ces années, avec des fontaines dans les parcs White only, Colored only. Mais ensuite j’ai aimé comment l’auteur tourne cet aspect et unis la maisonnée de Randy et celle de leurs voisins noirs. En décrivant la place du village où a lieu les échanges, il mentionne aussi que « le désastre ajoute une taxe au préjudice » (traduction maison, car j’ai lu le livre en anglais), donc que quelqu’un qui se soucie de la race de l’autre risque de ne pas avoir à se soucier longtemps de quoi que ce soit. Donc finalement, considérant l’époque, ce n’est pas si mal. Mais la place des femmes à l’époque était aussi de second ordre, et là ça le demeure. Oui, après le désastre, les femmes de la maisonnée de Randy font leur part et prennent les choses en main, mais seulement en suivant les indications des hommes et s’en tenant aux rôles féminins. La petite sœur n’a pas le droit de faire quoi que ce soit, alors que son frère de 13 ans monte la garde avec une arme. Et à un moment une crise se produit alors qu’il n’y a que des femmes dans la maison, et le personnage se dit qu’il faut toujours qu’il y ait un homme. Donc pour ce sujet, la vision de l’auteur est moins évoluée, mes les femmes sont quand même moins « décoratives » que dans certains films d’aujourd’hui, elles font des choses.
 
Au final, c’est une bonne lecture, à la fois pour comprendre l’époque, mais aussi pour se rappeler que ces puissances ont encore un énorme arsenal nucléaire prêt à être utilisé, et d’autres pays s’en procurent.
 
4/5

RR