Kate Elisabeth RUSSELL

zeta Mar 23 Nov 2021 - 16:31

"Ma sombre Vanessa" - Pocket

Vanessa, 32 ans est effrayée, une jeune fille, qui faisait ses études dans le même établissement qu'elle, vient de rendre public sur les réseaux sociaux son combat contre un professeur qui l'a harcelée sexuellement. Et si Vanessa est si dérangée par cette révélation c'est que ce professeur est son premier amour, celui qu'elle a rencontré à 15 ans alors qu'il en avait 42. Leur liaison est restée secrète et elle a juré à son amant qu'elle n'en parlerait jamais.

Ce roman peut être un pendant à Lolita. Dans Lolita le narrateur était Humbert Humbert, là c'est la jeune-fille séduite qui raconte son histoire. Une histoire de grand amour, elle en reste persuadée, même si les faits qui se sont passés lors de sa quinzième année l'ont parfois fait douter. Le poids de cette liaison dont elle garde, de façon indélébile la trace, entre nostalgie et amertume, la marquera dans tout son être. Vanessa avait 15 ans au moment de sa séduction, entreprise avec beaucoup de machiavélisme par son professeur. Elle pensait décider, être consciente de ce qui se passait. Mais le consentement, les sentiments, étaient-ils réels ? A-t-elle eu vraiment conscience de ce que serait sur sa vie future, le résultat de l'emprise mentale et physique à laquelle elle a consenti, si cela était bien un consentement.
Ce livre est vraiment bien fait, l'auteure aborde ce thème difficile avec une empathie et une finesse psychologique rare. Elle dépeint les contradictions du côté dela victime d'un pédophile, qui peuvent sembler étranges et mensongères, tant les faits nous paraissent (à nos yeux de lectrices) un bloc compact de sévices, mais elle aborde aussi les contradictions du côté de l'assaillant avec le même talent : un homme qui se veut délicat et respectueux tout en manipulant et forçant sa proie.
A lire absolument. Nous sommes à une époque où les affaires de pédophilie, semblent se multiplier. On entend beaucoup de choses, et on peut se poser beaucoup de questions sur le pourquoi et le comment : la première question entendue, choquante c'est « peut-on différencier l'homme de son œuvre ? », puisque souvent celles qui arrivent jusqu'à nous concernent des célébrités. On entend également des justifications, en se référant à une période libertaire, qui permettait beaucoup, mais un enfant ou un jeune adolescent reste ce qu'il est à travers les époques.. Est-ce la même chose quand la mineure est une fille de quinze ans ou le mineur un garçon du même âge ? Je pense en particulier à l'affaire Gabrielle Russiér. Est-ce toujours une histoire de pouvoir, de sexe plus que d'amour ? Que ces histoires sont compliquées à juger, à comprendre. Mais dans le doute, je pense que la société doit assurer une protection infaillible, exercée en tout lieu où l'enfant est sous l'autorité d'un adulte, à l'école, à l'église, dans les familles.