Maurice ZERMATTEN (Suisse)

De : gallomaniac (Message d'origine) Envoyé : 19/01/2007 21:35

La fontaine d'Aréthuse, Maurice Zermatten, 3,5/5
Desclée de Brouwer, 1958/59, 254 pg.

On est dans les années 1950. Le curé de Flaches, petit village Suisse de 500 habitants, a été pendant dix ans intransigeant contre son voisin Lévy, qui a une épouse chroniquement malade et qui habite en concubinat. Par cette intransigeance le curé a perdu ses paroissiens; il est tourmenté de faim et de pensées noires. Lévy a une café-épicerie-boucherie et vend aussi des frigos et machines
à coudre et à laver. Il propage la modernité et une vie d'indépendance par rapport à la réligion. Un jour, Lévy propose une sorte d'armistice, à la condition que le curé le veut marier à sa concubine, sa femme n'étant pas encore morte; mais le curé refuse. Au café de Lévy on danse seulement un peu plus. "Pour mettre fin au scandale", le curé va ridiculement intervenir. Mais le ridicule change de camp. Dans la nuit qui suit, le curé est témoin d'un meurtre et le meurtrier se confesse à lui, fermant la bouche au curé par le secret d'une confession sacrilège. Le curé réfléchit longuement sur les conséquences, le meurtrier aussi; mais c'est le curé qui sous les yeux de la foule haineuse doit suivre le magistrat. Lévy a le dessus dans le village où il proclame que le curé était fou depuis longtemps. Et le curé en prison réfléchit: melangeant faits, foi, devoir, péché, pardon et prière dans un long monologue intérieur, il choisit le silence. Tandis qu'au village on nourrit les médisances sur le curé, le juge doute: les faits ne concordent pas: comment faire la lumière? L'interrogatoire glisse vers une dimension inaccoutumé pour le juge, qui laisse passer des mois et des
mois sans trancher un jugement. Mais la femme, cette fois, tranche pour l'homme.

Le livre se lit facilement; le contenu est un peu démodé, foncièrement réligieux et assez moralisant; les monologues intérieures restent assez concrets, sans mysticisme déplacé. Le récit, lourd au début, gagne à la fin de force et le livre n'est pas dépourvu d'une certaine poésie.

"Jolie village de bois dans la lumière du matin: on dirait que ces maisons sont l'image même de l'innocence et du bonheur. Quelle
maladie sous ces visages aux apparences de santé!"

Maurice Zermatten (Suisse, 1910-2001) est le cadet d'une famille de neuf enfants. Il passe son enfance dans son village où le Moyen Âge est à peine déclinant (il évoque cette époque dans Les sèves d'enfance, récit paru en 1968). Il étudie à l’Ecole normale, puis à l’Université de Fribourg. Il enseigne au Lycée de Sion, profession qu’il exerce jusqu'à la retraite. A partir de 1952, il est également chargé de cours à l’École polytechnique fédérale de Zurich. Il a eu plusieurs prix, dont le Grand Prix Catholique de Littérature et le Prix de l'Académie française 1960.
Maurice Zermatten, consideré comme élève de Ramuz, mais en plus catholique, a publié environ 120 ouvrages dont une moitié de romans.Tous ses romans portent le sceau de souvenirs autobiographiques. Ses œuvres les plus significatives sont :
Le Cœur inutile, roman, 1936 - La Colère de Dieu, roman, 1940 - Le Sang des morts, roman, 1942
Christine, roman, 1944 - La Montagne sans étoiles, roman, 1956 - Le Lierre et le figuier, roman, 1957
La Fontaine d'Aréthuse, roman, 1958 - Le Bouclier d'or, roman, 1961 - Le Cancer des solitudes, roman, 1964
Une Soutane aux orties, roman, 1971 - La Porte blanche: roman, 1973
Un Amour à Grenchen-Nord, roman, 1978 - Ô vous que je n'ai pas assez aimée, roman, 1990