Eugène SUE (France)

De : lassy (Message d'origine) Envoyé : 2007-01-29 16:52
Issu d'une des familles de médecins les plus célèbres de l'époque, Eugène Sue (1804-1857) a fait partie de la jeunesse dorée parisienne. Dans l'énergie qu'il consacre à frayer avec la noblesse de l'époque de la restauration, on sent une pointe d'envie chez ce bourgeois qui veut à tout prix être dandy : anglophile, membre du Jockey Club qui lui coûte une fortune, faisant du luxe pour faire grand seigneur dira Balzac à l'époque. Ses romans maritimes ne sont pas inoubliables, ses romans mondains, puis Mathilde, mémoires d'une jeune fille (que Dumas tient pour être le chef d'œuvre de Sue) l'éloigneront des beaux salons. C'est peut-être un besoin de revanche qui donnera naissance aux Mystères de Paris.

Les Mystères de Paris n'est pas seulement un roman fleuve qui a tenu en haleine des centaines de milliers de lecteurs pendant plus d'un an (jusqu'aux illettrés qui s'en faisaient lire les épisodes (entre juin 1842 et octobre 1843), c'est aussi une œuvre majeure dans la constitution d'une certaine forme de conscience sociale. On dit même que la révolution de 1848 est en partie née dans les pages des Mystères de Paris ou, plutôt, que Les Mystères de Paris a créé le climat qui a permis la révolution de 1848. (wikipedia)


De : lassy Envoyé : 2007-01-29 17:12

Les Mystères de Paris Eugène Sue

Pour la première fois dans la littérature, (Victor Hugo et Emile Zola vont bientôt l'imiter) un auteur parle du pauvre Paris.

Eugène Sue s'emploie à glorifier les petites gens qui parviennent à vivre décemment avec un salaire de misère, tout en dénonçant la précarité de leur équilibre budgétaire : maladie, chômage, décès, vol, incendie... tout semble se liguer pour tenter de faire basculer le plus courageux des travailleurs dans une misère noire, voire dans le crime ! Le pitoyable le dispute donc à l'effrayant, puisque les honnêtes gens côtoient les pires malfrats dans ces quartiers sordides, mais Rodolphe, personnage énigmatique au début de l'histoire, endosse le rôle de justicier, s'efforçant d'aider les gentils, et de punir les méchants. Une ode à la charité, qui tournera vite en une démonstration de la nécessité d'une organisation d'entraide, sociale, banquaire, médicale... bref, pour la première fois, tous les aspects de la misère qui méritent d'être mis à l'index sont abordés.

Il faut bien reconnaître que la psychologie des personnages est simplissime, voire caricaturale ; Le roman, comme chorégraphié, tient de la ronde naïve, car tous les personnages qui évoluent dans ce récit sont liés, de près ou de loin. Et puis du quadrille, aussi, mettant face à face pauvres et puissants, honnêtes gens et profiteurs de tout poil, personnages du clergé, de la loi, de la noblesse, et miséreux ; tous ces personnages qui virevoltent, avancent, reculent, se croisent... ménagent le suspense, on frissonne, on espère, on s'émeut.

Mais plus de 1300 pages, c'est beaucoup ! je dois dire que les 350 dernières pages m'ont semblé bien longues... C'est pourtant bien écrit, bien sûr, la langue est simple et directe, (l'argot est peu utilisé et toujours traduit) et on s'amuse à trouver l'origine de quelques termes devenus ensuite populaires, par exemple, savez-vous d'où vient le mot pipelette ? hé bien la concierge du roman s'appelle... madame Pipelet !

J'en conseillerais donc la lecture en l'étalant sur un an, ce qui, d'ailleurs, rendrait l'oeuvre à sa forme première, un feuilleton !

4/5

Eugène Sue - Thérèse Dunoyer.
1842, Alandis Editions 1999, 358 pag. Ma note 4,5/5

En Bretagne, pas loin de la Baie des Trépassés, où le passeur vers l'Île de Sein nourrit des superstitions et prédit des morts pour le mois noir (novembre), le jeune baron Ewen rêve dans son château auprès d'un portrait de femme d'un amour prédestiné.
À Paris, Thèrése Dunoyer, fille bâtarde d'un notaire, rêve de la nature bretonne et d'un amour parfait en lisant "René" de Châteaubriand . Les deux personnages sont faits pour s'accorder, surtout puisque Dunoyer est le notaire d'Ewen, qui part à Paris pour des affaires d'argent.
Mais Paris n'est pas un ville romantique: il y a que Dunoyer est un notaire malhonnête et un mauvais père d'adoption; il y a que des dandys blasés qui vont au théâtre pour montrer leur maîtresses essaient de renflouer leur capital gaspillé par un mariage riche; il y a surtout un comte appauvri sans scrupules, charmeur qui intrigue pour gagner le coeur et le dot de Thérèse, qui, elle, sera répudiée par son père d'adoption.
Ewen vient trop tard: comme lui, Thèrése n'a qu'un coeur et ce coeur, elle l'a donné au comte traître. Ewen peut tout de même sauver Thérèse et son enfant de la pauvreté et du deshonneur, mais pas de la mort... superstitueusement prédit et executé par le passeur au baie des Trépassés.

Ce roman-feuilleton bien construit a un caractère double de roman social et de roman noir. Eugène Sue joue surtout aux contrastes.
Ce qui m'a frappé c'est que le texte est si proche du théâtre: on pose le décor (nature, salon, chambre ou mansarde) en détail; on présente les personnages avec leurs vêtements, caractère et histoire; et puis vient un long dialogue qui pourrait être porté directement sur scène; un chapître, le diner des dandys et des mondaines est même écrit dans la forme d'un acte de théâtre, avec une liste de personnages au diner.

Eugène Sue (1804-1875) a débuté avec des pièces de théâtre, et de la plupart de ses romans (y compris ses oeuvres les plus connus (Les mystères de Paris et Le juif errant) sont faits des adaptations théâtrales. Par ce livre, j'ai pris conscience du fait que le rôle qu'a le cinema dans notre époque, avait le théâtre au 19ème siècle.

Lassy a dit que Sue était un dandy: dans ce livre les scènes les plus frappantes sont ceux sur les dandys parisiens, et sa réprobation cynique est évidente.
Je lis dans la préface de "La Marquise Cornélia d'Alfi" de Sue (1852):je cite
C'est en 1841, à l'âge de 37 ans, qu'Eugène Sue le dandy cynique, le lion (comme on disait vers 1830-1840) adulé des duchesses et des mondaines, le co-fondateur du jockeyclub, se trouve subitement et fortuitement touché par la grâce en connaissant, par l'intercession de Félix Pyat, journaliste et écrivain, agitateur, puis communard, la révélation de l'existence des bas-fonds du lumpenprolétariat parisien, de la misère du peuple. Suit la conversion: Eugène Sue embrassera désormais la cause du peuple paupérisé et opprimé, et entreprendra de mettre son talent et son audience d'écrivain à son service. Populaire par sa popularité, son oeuvre devient alors populaire par son objet. - Bernard Caburet.

Savoir cela, me fait caractériser "Thérès Dunoyer", écrit et publié en 1842 en feuilleton juste avant "Les Mystères de Paris" (1842-43), comme le roman qui saisit ce moment de conversion au socialisme. Dans Thérès Dunoyer, il y a un Major, appelé "le Lion", dandy qui regrette sa vie de dandy et se fait tuer à une chasse. Mort symbolique du "lion" Sue?

Ce livre m'a éclairé pas mal sur plusieurs aspects de la littérature de la prémière moitié du 19ème siècle et sur Sue. Plus que la lecture, c'est tout son contexte qui me fait noter ce livre 4,5/5.

J'aime vraiment beaucoup tes critiques Gallo. Elle sont si complète et renferme une foule de détails très intéressant. Merci!