Thomas MORE

géromino Sam 19 Fév 2011 - 13:01

"Utopie" Librio/philosophie 2009 125 pages (1ère éd. 1516)

"Discours du très excellent homme Raphaël Hythloday sur la meilleure constitution d'une république par l'illustre Thomas More vicomte et citoyen de Londres noble ville d'Angleterre".

Définition Larousse: Utopie - n.f. (latin utopia, titre d'une oeuvre de Thomas More; du grec ou, non; et topos, lieu). Système ou projet irréalisable; conception imaginaire. // Philos. Conception d'une société idéale où les rapports humains sont réglés mécaniquement ou harmonieusement. (Ceux qui ont imaginé des utopies sont Platon, Th. More, Saint-Simon, Fourier, Orwell).

Quelques mots sur l'auteur: Thomas More est né en 1478 en Angleterre, fils de John More, haut magistrat londonien. en 1492 il part étudier à Oxford, reçoit des leçons de philologie, de critique, et d'exégèse. Il y apprend aussi le grec.
En 1504 il commence une carrière politiqueen étant élu membre à la Chambre des Communes.
1508, son père, qui s'est élevé contre les exigences d'Henry VII est enfermé dans la tour de Londres.
En 1510, il est élu vice-sheriff de Londres et est avocat des marchands de la cité.
En 1511 Erasme lui dédie son "Eloge de la Folie".
En 1515 il écrit le livre II d' Utopie", le livre I sera écrit l'année suivante.
Homme politique devenu important au service d'Henry VIII, il l'accompagne dans ses déplacements et est aussi mandaté par le Roi pour la signature des traités de paix entre la France et l'Angleterre.
En octobre 1529 il est nommé Chancelier, mais entre en désaccord avec le Roi au sujet de l'Acte de Suprématie (qui place le Roi à la tête de l'Eglise d'Angleterre). More sera emprisonné, maltraité, puis finalement décapité en place publique en 1535.
Il sera canonisé en 1935.
(source: "Utopie, Thomas More" par Michèle Madonna Deszabeille.

Le livre est divisé en deux parties; le Livre I ayant été écrit postérieurement au Livre II.
La première partie traite de la rencontre entre Thomas More et son ami Pierre Gilles qui lui présente Raphaël Hythloday (ce personnage est fictif, contrairement à Gilles qui a réellement existé). Raphaël a parcouru le monde, participant même à trois des quatre voyages d'Amérigo Vespucci. Il raconte son débat chez l'Archevêque de Cantorbury, avec un savant-légiste. Débat houleux où Hythloday bat en brèche par une virulente critique, le système économique, politique et social en vigueur en Angleterre. Il évoque cette île d'Utopie où il a séjourné plusieurs années et où la vie y est douce et bien meilleure que partout ailleurs pour ses habitants.
Cette une introduction habile qui prépare le lecteur à la seconde partie.

Livre II: c'est le coeur de l'ouvrage. Ici, Hythloday décrit cette société idéale, où tout est harmonie et équilibre, peuplée de citoyens vertueux qui vivent en paix, dirigés avec le souci d'équité par des sages institutions afin que chaque être humain s'y sente à l'aise et mène une existence saine et sereine.

Tout d'abord, cette société a aboli la propriété individuelle. La base de cette société, c'est la communauté; tout a été pensé pour l'intérêt du groupe avant tout. Tout le monde participe aux différents travaux agricoles, artisanaux: il n'y a pas d'oisif sur l'île.
Pas d'argent: l'île étant en auto-suffisance, chacun se nourrit sur les réserves communément engrangées.
Pas de richesses: l'or, les bijoux en général sont donnés comme jouets aux enfants, qu'ils délaisseront en grandissant, comme des jouets ayant perdu leur intérêt.
Peu de lois, mais un ordre humain, naturel, règle les conflits.
Je ne peux pas reprendre le livre, mais vous aurez compris que More a repensé en profondeur la société qui existe à son époque. D'ailleurs, son ambition n'est pas tant de proposer une société idéale que de dénoncer les abus et les injustices d'un système présent partout en Europe; il cherche aussi à apporter des éléments de réflexion sur les multiples problèmes économiques et sociaux. Il dit clairement à la toute fin du livre: "Grand nombre de choses me paraissaient absurdes dans les lois et les moeurs des Utopiens, tels que leurs système de guerre, leur culte, leur religion et plusieurs autres institutions..." et le livre se termine ainsi: "...d'un autre côté, je confesse aisément qu'il y a chez les Utopiens une foule de choses que je souhaite voir établies dans nos états. Je le souhaite plus que je ne l'espère."

C'est un livre dont les problèmes sociaux, économiques et politiques qui y sont traités restent toujours d'actualité dans nos questionnements contemporains sur l'amélioration à apporter nos existences. Ainsi, More a institué la semaine de 36h! (6h/j; 6j/7):
"...Le travail matériel y est de courte durée, et néanmoins ce travail produit l'abondance et le superflu..." "...Le but des institutions sociales en Utopie est de fournir d'abord aux besoins de la consommation publique et individuelle, puis de laisser à chacun le plus de temps possible pour s'affranchir de la servitude du corps, cultiver librement son esprit, développer ses facultés intellectuelles par l'étude des sciences et des lettres. C'est dans ce développement qu'ils font consister le vrai bonheur".

ou encore:
"...Partout où est la propriété est un droit individuel, où toutes choses se mesurent par l'argent, là on ne pourra jamais organiser la justice et la prospérité sociale..."

Un passage avait retenu mon attention; il concernait une sorte d'euthanasie:
"Les malheureux affligés de maux incurables reçoivent toutes les consolations , toutes les assiduités , tous les soulagements moraux et physiques capables de leur rendre la vie supportable. Mais lorsque à ces maux incurables se joignent d'atroces souffrances , que rien ne peut suspendre ou adoucir, les prêtres et les magistrats se présentent au patient , et lui apportent l'exhortation suprème...." "....Ils l'engagent à ne pas nourrir plus longtemps le mal qui le dévore , et à mourir avec résolution , puisque l'existence n'est pour lui qu'une affreuse torture".... "Ceux qui se laissent persuader mettent fin à leurs jours par l'abstinence volontaire, ou bien on les endort au moyen d'un narcotique mortel et ils meurent sans s'en apercevoir. Ceux qui ne veulent pas de la mort n'en sont pas moins l'objet des attentions et des soins les plus délicats..."

Je ne voulais pas tenter une analyse quelconque (hors de portée de mes compétences!) mais vous présenter un livre qui soulève de nos jours encore de multiples questions sur notre existence, apporte parfois des solutions mais toujours amène débat et réflexion. Et qui, s'il pouvait être lu et quelques uns de ses préceptes adoptés par nos dirigeants politiques, sans doute l'HOMME aura-t-il accompli la plus grande oeuvre humanitaire de tous les temps.

Invité Lun 21 Fév 2011 - 8:28

Déjà intriguée, ton avis me donne encore plus envie de le lire. Je note.

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