Wahiba KHIARI (Algérie)

NOS SILENCES




Wahiba KHIARI

elyzad, 2010, 125 pp.

Nos silences est un court roman où deux voix, peut-être plus s’entremêlent, bien différenciées dans la mise en page par les caractères d’imprimerie. On entend la voix de la narratrice qui a quitté l’Algérie pour survivre. Elle enseignait l’anglais, langue suspecte ; elle refusait de porter le voile et de se conformer à des ordres qui contrevenaient à sa condition de femme libre, indépendante. L’autre, c’est cette élève brillante qui aimait Victor Hugo et qui a disparu brutalement. Pour assumer sa culpabilité d’avoir fuit, pour rendre justice à ces femmes qui subissent quotidiennement des outrages, la narratrice ponctue le récit de sa vie de celui de cette jeune-fille dont elle imagine les atrocités subies. D’autre voix de femmes se confondent avec celle de l’élève pour dire les violences subies, voix de femmes torturées, séquestrées, violées, enceintes de leurs tortionnaires. Celle qui a été sauvée par l’exil et par l’écriture, qui est loin, à l’abri des « mains sales » raconte l’autre qu’elle aurait pu être, comme si elle avait subi cette vie à laquelle elle a échappé. « Toutes les nuits je la retrouve, dans le noir derrière mes paupières…Mon écriture contre son drame, mes jours contre ses nuits. Je lui cède les mots pour libérer sa vie. Je lui donne la parole pour rompre mes silences ».

Les silences donnent son titre à ce bref récit où derrière la narratrice palpite le cœur de Wahiba Khiari, l’auteur qui, elle-même enseignante, a choisi de quitter l’Algérie. En exergue de son livre elle a mis la phrase de Marguerite Duras : « Ecrire c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit ». Ce livre est un cri de révolte écrit avec des mots forts, précis et poétiques. Cette retenue dans l’écriture de l’horreur vécue par ces jeunes-filles de la décennie noire des années 1990 force le respect du lecteur.

Wahiba Khiari a reçu le prix Senghor de la création littéraire en 2010 pour ce premier roman.

Ce livre a été un grand coup de cœur que j’aimerais faire partager.





J’ai découvert ce livre grâce à une opération organisée par Libfly « Ecrire et éditer au Maroc » pour la découverte de la littérature du Maghreb en lien avec deux maisons d’édition Elyzad ( Tunisie) et Barzakh (Algérie).



Note : 5 / 5

Merci Awara, je note ce livre ! Il a l'air assez dur mais j'ai bien envie de le découvrir. Je vais regarder s'il est disponible à la bibliothèque.

Shan_Ze, c'est effectivement un livre avec une grande violence contenue. La littérature vient à notre rencontre pour dire ce qui avec d'autres médias aurait du mal à passer. J'ai entendu une interview de l'éditrice qui dit que la littérature évite les confrontations frontales qui seraient censurées.

C'est un court roman qui dit beaucoup de ce que ces femmes ont souffert.

Nos silences de Wahiba Khiari
(Elyzad, 125 pages)


Note : 4.5/5

Awara : Je te le confirme, je lirai ce livre avec plaisir.

Shan_Ze, pourras-tu faire suivre le livre à Lacazavent au lieu de me le renvoyer, ce sera plus simple. Merci!

Awara a écrit:Shan_Ze, pourras-tu faire suivre le livre à Lacazavent au lieu de me le renvoyer, ce sera plus simple. Merci!

J'allais justement te demander, Awara ! Pas de souci, je vais voir si j'ai encore ton adresse Lacazavent.

Nos silences

Évocation des années 1990 en Algérie où de nombreuses jeunes femmes étaient enlevées, séquestrées et « mariées » à un combattant terroriste, puis « mariées » à un autre, et encore. Les chapitres sont la voix des femmes : le quotidien "normal" dans la peur, puis séquestrée, violée, libérée, enceinte, dédaignée. Ces femmes ont dû se taire parce qu’elles seraient rejetées mais aussi parce que, pour acheter la paix, l’état a décrété une absolution des combattants. La livre présente aussi la voix d’une femme, alter ego de l’auteure, qui a quitté le pays pour se sauver de ce drame, mais qui abandonne par le fait même toutes ses sœurs algériennes.

Le livre est court, le style est retenu, mais la peur, la colère et la douleur transpirent à toute les lignes. Il parle pour beaucoup qui n’oseront pas, ou ne pourront pas, le faire. Il présente aussi l’absurde des combattants religieux qui se dédouanent de leurs atrocités en simulant un mariage, répété au besoin avec une autre femme.

Le livre vient d’être réédité au Québec.

4/5

RR

Je suis contente qu'il soit réédité. C'est un livre qui est presque passé "sous silence"...

Elle s'est installée au Québec en 2016, ce qui explique probablement en partie la réédition chez nous. C'est un éditeur assez connu ici.