Henry de MONFREID (France)

géromino Mer 7 Oct 2020 - 19:47

Henry de Monfreid est né à Leucate (Aude) en 1879. Son père était peintre et graveur, ami de Gauguin. Henry débarque en 1911 à Djibouti. Commence pour lui une existence de commerçant, plus ou moins aventurier, voire contrebandier. Il sillonne la Mer Rouge au large de Djibouti, entre les côtes arabes et éthiopiennes, en quête de produits à commercer; à l'occasion les autorités se servent de lui comme espion pour la France.
Il a rencontré Theilhard de Chardin et Joseph Kessel. C'est ce dernier qui l'a encouragé à mettre en forme ses nombreuses notes tenues sur des carnets, pour en faire des romans. C'est ainsi qu'il publiera Les secrets de la Mer Rouge en 1931.
Son existence est celle d'un aventurier, d'un homme d'action, que les trafics de perle, de haschisch ou d'armes conduiront à quelques séjours en prison. De ses pérégrinations qui le conduiront de la Mer Rouge à l'Océan Indien et jusqu'au Kenya, il tirera une importante oeuvre composée de récits, romans, contes, reportages journalistiques, etc...
Des zones d'ombres noircissent la vie de ce personnage libre mais sans doute immoral: il aurait tué plusieurs personnes, et soutenu le régime fasciste italien en Ethiopie, par exemple. Mais il mériterait certainement qu'on se penche sur son oeuvre en tant que témoignage sur l'époque coloniale française dans cette portion de l'Afrique.

Henry de Monfreid est mort à Ingrandes (Maine et Loire) en 1974.

Quelques livres:
Les secrets de la Mer Rouge
Les guerriers de l'Ogaden
La route interdite
La croisière du haschisch
A la poursuite du Kaïpan
L'homme sorti de la mer
Le drame éthiopien
Le lépreux
L'avion noir
La cargaison enchantée
Du Harrar au Kenya ...

géromino Dim 25 Oct 2020 - 10:30

"Les secrets de la Mer Rouge" Le Livre de Poche "exploration" 1968 440 pages
Henry de MONFREID (France) Z

1ère édition Grasset 1932
A la fin du XIXe siècle, Djibouti est sous administration française; comme d'autres puissances, la France se doit d'être présente sur l'échiquier international. Monfreid y débarque en 1911. Comme Rimbaud avant lui, il envisage de lancer dans le trafic d'armes à feu. "Commerce" sans doute lucratif dans cette région du monde, mais très dangereux et surtout complètement illégal. Jugeant l'opération quand même trop hasardeuse, il renonce finalement: ce sera pour plus tard. Pour l'instant, le bateau qu'il a acheté et le modeste équipage dont il dispose lui serviront à la récolte des huîtres perlières
C'est ainsi qu'une vie pleine d'aventures s'ouvre à lui. Une vie tumultueuse, à courir la Mer Rouge et caboter le long des côtes somaliennes et yéménites hérissées de mille pièges: récifs, pirates, douanes et autres requins (autant hommes que poissons!). Il va mener une existence grisante et dangereuse, frôlant la mort à maintes reprises, pour finalement tomber dans un piège machiavélique tendu par l'administration douanière. Emprisonné, mis au secret, il sera finalement expulsé vers la France: là-bas, on a besoin de chaire à canon; la Guerre de 14 vient de commencer.

Porté par une écriture spontanée et riche, c'est un magnifique roman auto-biographique qui restitue avec une profusion de détails la vie aventureuse que Monfreid a menée à cette époque de sa vie. Son récit témoigne aussi du contexte international dans les parages et surtout de la présence coloniale française. Monfreid soulève le voile de la gestion officielle des autorités coloniales pour en dénoncer la corruption et les pratiques frauduleuses. Pas sûr que cela ait plu à tout le monde...
Monfreid, malgré ses agissements peu recommandables et même immoraux, ne nous apparaît pas comme réellement antipathique. On hésite à condamner sa conduite (qui n'est finalement pas pire que les méthodes utilisées dans la région). Il aurait même plutôt quelque bienveillance à l'égard de son équipage, même s'il use de violence à l'égard de certains de ses membres. Il faut se rappeler que l'esclavage, même s'il a été aboli, perdurera encore jusque dans les années trente -plus ou moins illégalement- dans cette région de l'Afrique. Ce qui n'a d'ailleurs pas l'air de choquer Monfreid plus que ça... Les moeurs sont rudes, le pays est âpre, la violence est partout. Les gens qui oeuvrent dans ces trafics ne sont pas des enfants de choeur.
Admirable récit qui nous entraîne dans un tourbillon irrésistible d'aventures au fort goût d'authenticité. La mer, le sable, le soleil brûlant, on ressent tout cela dans l'écriture de Monfreid; formidable conteur.

Note: 5/5

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