Claude DAIGNAULT (Canada/Québec)

De: Polo

Claude Daigneault - L'Enfant qui rêvait d'être un arbre
(Logiques, 1998, 193 pages)
La sacro-sainte famille semble être le lieu privilégié de l'épanouissement des enfants. Que de bêtises ne disons-nous pas au nom de cette vénérable institution, qui ne vaut que ce que valent ses membres! L'auteur le démontre éloquemment dans L'Enfant qui rêvait d'être un arbre, l'histoire d'un garçon de cinq ans, retenu à la maison par une mère paranoïaque qui craint les dangers de la rue.

Claustré avec un grand-père en fauteuil roulant, qui a perdu l'usage de la parole après un ACV pourrait-on croire, ce jeune garçon se démène pour vivre normalement. Heureusement, son vieux compagnon de jeu n'a pas perdu toutes ses facultés. Il n'est non plus le complice de cette prudence pathologique. Il comprend ce qui se passe et offre à son petit-fils le meilleur de lui-même pour nourrir son imaginaire. C'est par le rêve qu'il l'empêche d'être un mort vivant, celui de devenir l'arbre libre qui se dresse à l'arrière de la maison. Cette relation est très émouvante et teintée d'humour pour ne pas verser dans le larmoiement.

L'auteur a su tirer profit de ce monde de l'enfance, où la réalité et le rêve ne se distinguent pas toujours nettement. Ainsi isolé, son jeune héros va se créer tout un monde à lui, un univers à la grandeur du placard de sa chambre. Ce sera son domaine de prédilection alors que son grand-père doit se reposer. Heureusement qu'il a aussi une soeur qui viendra lui raconter des histoires tirées de livres pour enfants. Avec elle et son grand-père, il peut satisfaire un de ses besoins d'enfant. Mais est-ce assez pour connaître un développement harmonieux? C'est le dilemme posé par le roman.

On pourrait le croire parce qu'il vit en somme dans une famille ordinaire comme il s'en rencontre partout. Le père est teinturier à Sherbrooke, la mère reste au foyer. Le modèle parfait des années 30-40. Mais derrière les portes se cachent toujours des drames. Cette mère est fatiguée d'être soumise à la morale de l'époque qui l'oblige à servir son homme. Et un mari privé des avantages des préceptes de l'Église jette des regards dans le pré de la voisine, sinon dans celui de sa propre fille. Le drame qui se prépare, c'est celui des relations conjugales qui se désagrègent au détriment des enfants. À cause d'un mariage qui tourne mal, des enfants seront hypothéqués pour leur vie.

Ce drame familial est raconté avec la plume d'un bon conteur. Malgré l'invraisemblance de la claustration du garçon, ce roman rend bien l'imaginaire enfantin et l'atmosphère de l'époque. C'est une oeuvre sans prétention et efficace, qui pointe les ravages familiaux quand l'amour tombe en panne.

Note : 4/5
(Polo)

Claude Daigneault est né à Sherbrooke en 1942. Il a fait ses études classiques au Séminaire Saint-Charles Borromée de Sherbrooke. Il débute sa carrière comme rédacteur publicitaire, puis il devient journaliste à L'Événement et au Soleil dès 1963. Il restera au Soleil jusqu'en 1979, tour à tour critique, rédacteur-traducteur aux informations internationales, chroniqueur à l'éducation, directeur de la section Arts et Lettres, éditeur des informations internationales et chef de pupitre. Ses fonctions l'amèneront également à faire des reportages dans plusieurs pays. Claude Daigneault quitte le journalisme en 1979 et entre à l'Institut québécois du Cinéma comme directeur, puis administrateur de l'aide à la scénarisation. En 1984, il occupe le poste de directeur des Communications à Téléfilm Canada. Il revient ensuite au journalisme, de 1985 à 1993, alors qu'il est chef adjoint du service français de la Presse Canadienne, puis responsable des textes documentaires. En 1993, il retourne à Téléfilm Canada en tant qu'analyste de scénarios. Depuis 1998, il est script-éditeur et scénariste pour diverses compagnies de production de films et de séries télévisées.