Stefan Zweig: Amok ou le fou de Malaisie

géromino Sam 10 Juil 2010 - 9:23

"Amok ou le fou de Malaisie" suivi de
"Lettre d'une inconnue" et "La ruelle au clair de lune"
paru en "Livre de poche" 1998 (188 pages)

Préface de Romain Rolland

Trois nouvelles au sujet du même thème: Jusqu'où l'Amour peut-il conduire? Ici, la passion effrènée est sans limite et mène à la déraison, la folie, à la mort même...

"Amok":
Un récit dans le récit. De retour d'Inde le narrateur fait une rencontre nocturne insolite sur le pont du bateau qui le ramène en Europe. Un docteur va lui raconter la désastreuse aventure qu'il a eu avec une femme dont il est tombé amoureux; amoureux fou. Et il cite ces indigènes Malais saisis par une folie meurtrière qui les fait courir droit devant eux, tuant tous ceux qu'il trouve sur son chemin, puis s'écroulent anéantis, parfois morts. Cette folie est connue sous le nom de "l'amok". Je ne veux pas en dire plus, il faut laisser le lecteur déguster ce petit bijou...
Par contre, je peux vous dire que c'est un hallucinant récit porté par l'exotisme des pays lointains du début du XXe siècle et dont la tension ne cesse de croître au fil de la lecture pour aboutir à un petit chef-d'oeuvre en 70 pages.

"Lettre d'une inconnue":
Un romancier à succès découvre dans son courrier une longue lettre écrite par une femme inconnue. Elle lui raconte l'amour passionné qu'elle lui porte depuis son adolescence; leurs brèves rencontres au creux d'un lit; elle lui raconte sa vie passée à essayer d'attirer son attention, en vain; son désepoir de n'être jamais reconnue. Elle raconte la mort de son enfant...
Une lettre poignante, un dernier message d'amour; un courrier posthume de 53 pages...

"La ruelle au clair de lune": 23 pages
Encore une fois, un récit dans le récit. En se promenant dans les ruelles sombres d'un port Européen, le narrateur pousse la porte d'une maison de bas-quartier, dont l'aspect mal-fâmé l'attire malgré lui. Il assiste à une scène entre un homme miséreux et une des filles "de compagnie" qui l'accable d'insultes et l'humilie devant tout le monde, déversant sa haine et sa méchanceté sans que celui-ci ne réagisse.
Plus tard, ne retrouvant pas son chemin de retour, le narrateur tombe sur l'homme qui lui raconte tout: la femme de tout à l'heure était sa femme, une femme dont il était amoureux mais qu'il ne cessait de rabaisser et d'humilier. Mais les choses se sont inversées, et lui subit désormais les pires tortures pour regagner cet amour. Coupable et martyr, rongé par le remords d'avoir traité ainsi sa compagne. La fin laisse planer un doute affreux, mais chuuut.....
Une nouvelle à l'atmosphère glauque et inquiètante qui rappelle un peu les histoires des "Bas-fonds du rêve" de J.C. Onetti.

D'une écriture précise et raffinée Stefan Zweig nous emmène au coeur de l'Amour et ses conséquences dramatiques quand celui-ci devient synonyme de folie et de perdition.

Note: 4/5 (pour l'ensemble, mais pour "Amok", j'aurais mis 5/5)