Laurent MAUVIGNIER (France)

Des hommes de Laurent Mauvignier



On fête les soixante ans de Solange dans la salle communale du village. Anciens collègues de travail, vieux amis, frères, soeurs, cousins dans le brouhaha se retrouvent et s'observent dans une ambiance à la fois conviviale et pleine d'artifices. Il y a dans un coin "feu-de-bois", décalé, le frère alcoolique et clochard qui vit de la générosité des uns et des autres. On le voit qui s'approche de Solange pour lui offrir dans un écrin un beau bijou. C'est une boîte de Pandore qui ouvre une saignée dans le passé. Rabut, le cousin, remonte le temps à la vitesse d'une tragédie antique : après-midi, soir, nuit, matin. Les fantômes et les anecdotes de l'enfance surgissent dans l'ombre pour éclairer Feu-de-bois de l'histoire qui l'a construit et amené à être de qu'il est. Laurent Mauvignier raconte la guerre d'Algérie à travers des portraits saisissants, un combat qui dure dans la mémoire malgré le silence que l'on s'est efforcé de garder. Soleil brûlant, ciel magnifiquement bleu qui s'oppose aux drames personnels, à la terreur d'ennemis invisibles, il rend à ses personnages leur histoire pour que l'on voit des hommes là où vivent des fantômes. Les phrases incluent le dialogue pour donner de la force au monologue intérieur de Rabut. Il a un style très personnel que j'ai trouvé magnifique avec des reprises de mots, quelque chose du "nouveau roman" en plus accessible.
"Et personne n'a eu besoin de nous dire que c'était à cause de nous.
Non.
Ils n'ont pas eu besoin de dire.
Vos conneries, c'est vos conneries - et alors comme tous ils ont veillé simplement à ne pas nous parler, à se détourner de nous, à baisser les yeux devant nous, changer de conversation, aller voir plus loin, nous mépriser. Comment il a fallu vivre ça aussi avec Bernard. Repenser aussi à des images peut-être pire que tout : nos lits pas défaits et propres. La couverture marron bien pliée au-dessus du lit. Et les photos près de l'oreiller, punaisées sur le mur, nous souriant. Moi, c'était la photo d'Eliane et pour Bernard la carte postale de la Sainte Vierge phosphorescente, les mains jointes et le regard larmoyant, extatique, pendant qu'autour il y avait tout ce silence et ce carnage avec seulement cette saloperie de tortue qui redressait sa tête toute noire et ridée, la tête qui dodelinait, les petits yeux noirs qui clignaient, lumineux comme des yeux de chat la nuit ou des chromes de voiture, l'innocence d'une petite vieille qui traverse un champ de mines sans que rien ne lui pète jamais à la gueule.
Alors après on peut toujours dire que c'est de la faute de Bernard, de moi, de Rabut, de qui on veut.
C'est surtout la faute de ceux qui l'on fait." p237

J'ai adoré ce livre, sans condition.

Laurent Mauvignier est né en 1967. Prix Livre Inter 2001 pour Apprendre à finir. Prix du roman Fnac 2006 pour Dans la foule.

Bibliographie (extrait) :
* Loin d'eux, roman (Minuit, 1999 et « double » n°20, 2002).
* Apprendre à finir, roman (Minuit, 2000 et « double », 2006).
* Ceux d'à côté, roman (Minuit, 2002).
* Seuls, roman (Minuit, 2004 et « double » n°27, 2004).
* Le Lien, roman (Minuit, 2005).
* Dans la foule, roman (Minuit, 2006).
* Des hommes, roman (Minuit, 2009).

Hier, des amis libraire et bibliothécaire m'ont parlé de Dans la foule avec enthousiasme, alors je ne devrais pas tarder à le lire. Je ne connaissais pas du tout cet auteur, sauf que je me rappelle avoir lu ta critique, Flop, en son temps.

J'ai lu il a quelques années "Dans la foule" de Mauvignier, et ça m'avait beaucoup touché : le drame du Heysel, et les dérives du football, le deuil. Pas une histoire facile !

Tout est bon dans Mauvignier...Lisez des Hommes un jour, c'est le meilleur parmi ceux que j'ai lu à la rentrée mais ses autres titres m'ont aussi procuré beaucoup d'émotions. Par contre Dans la foule, je ne l'ai pas lu. Je me le garde en tête. Flop

J'avais un peu peur de ce livre, je n'étais pas sûr de l'aimer mais ta critique m'a convaincu. Je vais le réserver de ce pas !

Des hommes

ne connaissais pas cet auteur....l'ai acquis sur recommandation de ma soeur..

superbe, partage l'avis de Flop-itude.
une langue simple, ample, forte.
L'histoire est minimaliste: un cadeau offert à un anniversaire fait remonter des souvenirs douloureux.
la guerre et ses séquelles....
séquelles tenaces, d'autant plus que celui qui revient de la guerre d'Algérie ne rentre pas vainqueur...

5/5

Loin d'eux


120 pages
editions de minuit


quatrième de couverture:
Lorsque Luc est parti, ses parents, Jean et Marthe, ont pensé que c’était mieux pour eux trois. Gilbert et Geneviève, son oncle et sa tante, eux aussi ils y ont cru. Mais pas Céline, sa cousine.
Elle, c’est la seule qui n’a pas été surprise, la seule à avoir craint que ce qui en Luc les menaçait tous finisse par s’abattre sur eux.

une langue superbe
des monologues intérieurs fabuleux....Mauvignier est une valeur sûre!
on ressort de cette lecture assommé!

 5/5

une très belle critique
http://www.laurent-mauvignier.net/revue-de-presse/loin-d-eux/liberation.html

Autour du monde      
Laurent Mauvignier     
Editions de minuit 4 septembre 2014   
             372 pages


Quatrième de couverture
Rencontrer une fille tatouée au Japon ; sauver la vie d’un homme sur un paquebot en mer du Nord ; nager avec les dauphins aux Bahamas ; faire l’amour à Moscou ; travailler à Dubaï ; chasser les lions en Tanzanie ; s’offrir une escapade amoureuse à Rome ; croiser des pirates dans le Golfe d’Aden ; tenter sa chance au casino en Slovénie ; se perdre dans la jungle de Thaïlande ; faire du stop jusqu’en Floride. Le seul lien entre les personnages est l’événement vers lequel tous les regards convergent en mars 2011 : le tsunami au Japon, feuilleton médiatique quotidien donnant à tous le sentiment et l’illusion de partager le même monde. Mais si tout se fond dans la vitesse de cette globalisation où nous sommes enchaînés les uns aux autres, si chacun peut partir très loin, il reste d’abord rivé à lui-même et à ses propres histoires, dans l’anonymat.
Mon avis

J’ai aimé la majorité de ce roman ou l’auteur nous fait circuler sur la planète entière  avec diverses personnages. Chaque texte est coupé par des photos et sur la pointe des mots, l’air de rien et pour relier entre elles les nouvelles,  il prend comme sujet le tsunami qui a frappé le Japon en 2011. Et pour cela, il nous ancre dans l’avant et l’après de cette catastrophe, avec des individus qui se trouvent, soit sur un bateau de croisière, dans un safari, dans un casino et même avec deux hommes dans la maison de l’un deux pendant que sa femme s’accouche dans un hôpital….Des pages 161 à 166, que j’ai trouvées dégoutantes, ces deux hommes baisent et cela est raconté dans les moindres détails, beurk !!! Quand ils ont terminé leurs cabrioles, le téléphone sonne, c’est un garçon, alors il va immédiatement voir sa femme  et l’embrasse sur les lèvres avec les siennes qui viennent de se promener partout sur le corps d’un homme, rebeurk !!! dommage ça aurait pu être un bon livre mais……2/5

Autour du Monde

des histoires autour du monde
et toujours en toile e fonds, le tsunami de Fukushima....
Comme Lalyre, j'ai eu plaisir à lire...
ce n'est pas le meilleur, mais Mauvignier a une si belle écriture que l'on se laisse prendre.
J'eusse préféré des nouvelles: chaque histoire reste en suspens, on peut bien imaginer une fin à chacune,
mais j'ai eu comme une petite pensée malveillante: Mauvignier ne passe-t-il pas abruptement à la suivante faute de pouvoir terminer.?
14 ou 15 fois de suite, un saut plutôt qu'une fin, c'est quand même dommage, non?

Bref, petite déception
4/5

Histoires de la nuit

Résumé : Il ne reste presque plus rien à La Bassée : un bourg et quelques hameaux, dont celui qu’occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu’une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années.
On s’active, on se prépare pour l’anniversaire de Marion, dont on va fêter les quarante ans. Mais alors que la fête se profile, des inconnus rôdent autour du hameau.

Mon avis : avis mitigé pour ce gros roman. Ce que j'ai apprécié d'abord. Le fait que ce fût une lecture exigeante. Parfois, j'aime sortir de ma "zone de confort" littéraire, et là : en plein dans le mille ! C'est une lecture qui se mérite, l'auteur demandant à son lecteur un effort de concentration soutenu pour accéder à toute la puissance des mots choisis, des images invoquées. L'ambiance est pesante, tendue, on est sur nos gardes, tous nos sens en alerte pour repérer dans les phrases fleuves (certaines font plus d'une page ) un indice qui nous permettrait de relâcher la pression. C'est intriguant, habile, parfois un peu lourd, mais les 600 et quelques pages défilent assez vite pour nous laisser pantelants, lessivés, interloqués, en un mot secoués. Il y a une véritable maîtrise de la langue, du sens du suspens, c'est de la lecture en apnée.
Ce qui m'a moins plut : l'intrigue. Assez mince finalement, et qui sert plus de contexte que de fil conducteur. Je resterai vague sur ce sujet, pour ne pas gâcher le plaisir d'éventuels futurs lecteurs. Mais j'avoue être restée sur ma faim.
Tout semble donc reposer sur le style de l'auteur, le rythme qu'il arrive à impulser au récit grâce à de longues phrases, des digressions, des descriptions extrêmement précises faisant appel à tous nos sens.

Une expérience de lecture à vivre, si tant est qu'on arrive à s'approprier le style de l'auteur (il m'a fallu une bonne centaine de pages pour me sentir à l'aise). Je le conseillerais aux curieux et aux endurants

Ma note : 3,5/5

Interessant cet avis Pistoufle je l'avais noté je n'imaginais pas une lecture aussi exigeante

Histoires de la nuit


Dans le centre de la France, dans un hameau un peu isolé vit une peintre âgée qui a fuit la ville et le « milieux », ainsi qu’une famille avec une fille de onze ans. Le père est agriculteur tandis que la femme travaille à l’imprimerie. Le livre semble composé de deux parties : d’abord une étude de ces personnages, de leurs milieux, leurs tensions, leurs relations, leurs non-dits. Mais ensuite, lors de la soirée d’anniversaire de Marion, le livre bascule dans un roman noir, dur, où les secrets gênants font surface, et le lecteur se doute que cela va mal se terminer.
 
Il n’y a pas de rupture dans le style, et l’auteur dépeint aussi bien la psychologie que l’action (la fin est haletante, mais, avertissement, aussi violente). Les deux composantes se marient donc étrangement bien ensemble, selon moi. Le livre fait plus de 600 pages, mais se lit rapidement, à la fois par le format (les pages semblent courtes) et le style (40 chapitres, des mots qui se bousculent). Le texte est dense, car on suit des cheminements de pensées, et mêmes des cheminements possibles, de plus les dialogues sont intégrés au corps du texte, mais la lecture se fait quand même rapidement. J’en ai seulement ressenti un effet d’essoufflement, comme si je courrais à travers les pages. Au final, j’ai bien aimé cette lecture.
 
4,5/5

RR

Des hommes

 
 

DES HOMMES
Laurent MAUVIGNIER
Editions de Minuit 283 Pages
 
Résumé ( 4° de couverture)
Ils ont été appelés en Algérie au moment des " événements " en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d'une journée d'anniversaire, d'un cadeau qui tient dans la poche, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
 
Mon avis
 
   Le style et l’écriture de Laurent Mauvignier m’avaient titillé à la lecture de « Apprendre à finir ». Deuxième tentative avec « Des Hommes » et : Ouhaaaaaaaaaaaaaa !!! Oui oui, vous avez bien lu : Ouhaaaaaaaaaaaaa !!!
A travers un thème des plus tabous dans les familles françaises (et dans la mienne en premier lieu), la guerre d’Algérie, Laurent Mauvignier nous balade à travers une histoire de mystères. Des mystères de famille, des mystères de mémoires, des mystères d’idées qui se succèdent pour ensuite ouvrir des plaies. Admirablement construit, ce roman tient en haleine de la première à la dernière page.
A savoir maintenant s’il est bon de rouvrir des plaies ??? Faut-il faire lire ce livre à ceux qui sont les premiers concernés ? Je ne sais pas, même si je sais, cependant, que la littérature est aussi faite pour cela.
 
Ma note 4.5 / 5

DKOIS Il est rare que tu mette une aussi bonne note . J'espère découvrir cet auteur en 2022 j'ai noté histoire de la nuit

CONTINUER
Laurent MAUVIGNIER
Minuit 235 Pages
 
Résumé (4° de couverture)
Sibylle, à qui la jeunesse promettait un avenir brillant, a vu sa vie se défaire sous ses yeux. Comment en est-elle arrivée là ? Comment a-t-elle pu laisser passer sa vie sans elle ? Si elle pense avoir tout raté jusqu’à aujourd’hui, elle est décidée à empêcher son fils, Samuel, de sombrer sans rien tenter.
Elle a ce projet fou de partir plusieurs mois avec lui à cheval dans les montagnes du Kirghizistan, afin de sauver ce fils qu’elle perd chaque jour davantage, et pour retrouver, peut-être, le fil de sa propre histoire.
 
L’auteur, le livre et moi
 
   Troisième lecture de cet auteur Français découvert via le forum. La première « Apprendre à finir » ne fît que titiller mon attention toutefois suffisamment pour m’entrainer dans une seconde tentative qui fut, elle, la bonne avec « Des hommes ». La question est maintenant de savoir si Laurent Mauvignier méritera ma fidélité. Réponse dans quelques lignes…
 
Mon avis
 
Pourquoi attendre quelques lignes ? Pourquoi attendre pour affirmer que cette lecture fut pour moi une gifle littéraire, une passion de chaque ligne, bref pour parler « rat » : Un coup de cœur.
Rarement il m’a été permis de vibrer autant pour un personnage, en l’occurrence Sybille femme à genou face à une vie subie. Tout y est : le rêve, l’échec, la désolation, la peur mais jamais la résignation. De l’agglomération Bordelaise aux grands espaces du Kirghizistan on suit la vie de cette femme accrochée aux seuls liens qui lui restent, ceux de l’amour. Rien n’est à jeter. Pas un chapitre, pas une ligne, pas un mot. Quand on s’arrête, c’est pour reprendre son souffle. Que d’émotion !!
 
Ma note 5 / 5

Et bien … à parcourir vos avis , je me dis qu’il est incontournable ce Laurent mauvigner ! Je note , je note …
Et ce n’est pas la première fois que je le dis ;-)

Petitemartine : Ce livre est pour toi. J'avais d'ailleurs l'intention de t'en informer lors de ma prochaine intervention dans la rubrique "lecture en cours". C'est du Olivier Adam puissance 10. Je ne peux pas trouver meilleur argument.

5/5 il est vraiment rare que tu mette cette note du coup très intriguée par ce roman

kattylou a écrit:5/5 il est vraiment rare que tu mette cette note du coup très intriguée par ce roman

Je me suis dit exactement la même chose   ! Je note ce titre.

Je l'avais déjà noté lors de sa parution, mais là, tu as finis de me convaincre!! Merci DKOIS!!

DANS LA FOULE
Laurent MAUVIGNIER
Minuit 427 Pages
 
Résumé (4° de couverture)

Jeff et Tonino venus de France, Geoff et ses frères de Grande-Bretagne, Tana et Francesco qui viennent de se marier en Italie, mais aussi Gabriel et Virginie à Bruxelles, tous seront au rendez-vous du « match du siècle »: la finale de la coupe d'Europe des champions qui va se jouer au stade du Heysel, ce 29 mai 1985.
 
L’auteur, le livre et moi
 
Quel talent ce Mauvigner ! Je ne cesse de répéter cette exclamation depuis le début de la lecture de ce « Dans la foule ». J’y reviendrai dans mon avis.
Il est évident que cet auteur fait à présent parti de ceux pour lesquels je dois rattraper le temps perdu de ne pas l’avoir connu plutôt et pour lesquels les sorties littéraires sont à suivre de près.
Mais pourquoi tant d’engouement ?
 
Mon avis
 
J’avais 22 ans et me souviens de m’être installé confortablement dans mon fauteuil pour assister ce 29 Mai 85 à ce que je pensais être une superbe finale de coupe d’Europe de football, entre Italiens et Anglais avec en Guest star l’idole de toute une France, Michel Platini. Ma stupeur fut réelle quand les premières images m’arrivèrent. Un stade de foot ? Non un champ de bataille…
Voici des souvenirs qui me sont revenus à la lecture de ce « Dans la foule ». Mais il ne faut pas s’y tromper. Ce livre n’est pas qu’un reportage sur cette catastrophe, ce livre n’est pas qu’une étude sociologique de cette catastrophe, non ce livre est avant tout un beau roman. Et oui. Un beau roman écrit sur les ruines d’une tragédie.
Et toutes la force de ce roman tient dans cela. A travers différents regards, de ceux du moins qui dégagent de l’humanisme dans cette histoire, on traverse des vies qui convergent vers ce 29 Mai 1985 et qui ensuite divergent comme des errances.
C’est admirablement bien écrit. On mesure des sentiments comme rarement une lecture propose de les mesurer. Les images sont inutiles pour faire vivre la tragédie au plus près. Les mots suffisent et évitent le voyeurisme.
Mon bémol : Le déséquilibre de l’évocation des victimes et des coupables. L’auteur effleure que trop peu, l’étude des coupables qui s’éteint au fil des chapitres. J’aurai aimé en savoir plus sur la vie de la famille Andrewson.
 
Ma note : 4.5 / 5