Herta MÜLLER (Allemagne/Roumanie)

Prix Nobel de littérature 2009. Née en Roumanie en 1953 dans une famille allemande, elle fuit la dictature en 1987. Elle écrit en allemand.

La bascule du souffle

Léopold a 17 ans lors de la libération de la Roumanie par les Soviétiques. Mais comme ses ancêtres sont allemands, il est envoyé dans un camp dans les steppes ukrainiennes. Il va y passer cinq ans, dans des conditions de travaux forcés, de famine et de danger. Lorsqu’il rentre chez lui, il ne fait plus parti de la famille.
 
Les camps soviétiques ressemblaient aux camps nazis qu’ils avaient remplacés. Les prisonniers ne peuvent toutefois pas espérer une libération, car il n’y aura pas de fin de guerre, ils célèbrent les anniversaires de la victoire, heureusement dans ce cas ils sont libérés après le quatrième.
 
J’espérais beaucoup de ce livre qui raconte le sort des familles d’origine allemande accusées automatiquement de collaboration avec l’occupant fasciste. Le livre est composé de courts chapitres qui décrivent le quotidien de se camp. La grand-mère de l’auteure a été déportée, mais elle n’a jamais raconté son expérience. Herta Müller a recueilli les souvenirs d’un autre homme pour écrire ce livre. La construction devient toutefois lassante. De plus, l’accent est mis sur le quotidien, je ne trouvais pas ça très intéressant. J’avais aussi l’impression de lire les Récits de la Kolyma de Chalamov (avec moins de neige). Je n’ai donc pas beaucoup aimé.
 
3/5

RR

LA BASCULE DU SOUFFLE
Herta MULLER
Traduit de l’allemand par Claire de Oliveira
Folio  -  2011  - 350 pages


Herta Muller relate sous la forme du roman la déportation, par les russes, d’allemands vivant en Roumanie. En janvier 1945, Staline exigea de  son nouvel allié roumain que cette population, soupçonnée d’avoir soutenu l’Allemagne nazie, participe à la « reconstruction » de l’Union soviétique détruite par la guerre. Des milliers d’ hommes et de femmes de dix-sept à quarante-cinq ans furent déportés dans des camps de travaux forcés. La mère d’Herta Muller y a passé cinq ans.

Herta Muller avait le projet d’écrire sur cette période dont personne ne voulait parler. Elle avait rencontré d’anciens déportés.  Très liée avec le poète Oskar Pastior qui lui aussi avait été interné en Ukraine, ils avaient commencé à rassembler les souvenirs de ce dernier avec le projet d’écrire un livre ensemble. Le décès de Oskar Pastior l’a amenée à écrire ce texte seule.
 
Dans La bascule du souffle, l’auteur donne la parole à Léopold Auberg qui comme  Oskar Pastior a été arrêté et déporté à l’âge de dix-sept ans. Il est presque soulagé de partir, sa vie étant menacée par son homosexualité. Mais rattrapé par un quotidien avec mirador, rats-taupes, vermine, excréments, poux, brimades, brutalité,  privations,…, il  poétise pour survivre la vie sordide du goulag. Léopold fait surgir ses souvenirs et  plonge le lecteur dans l’univers des camps.

Léopold y est emmené avec comme viatique le message d’au-revoir de sa grand-mère : « je sais que tu reviendras », message d’espoir qui le tiendra debout envers et contre tout. Dans sa valise, quelques vêtements chauds, trois livres, peu de choses dont il se débarrassera au fil des jours pour quelques grammes de sucre ou de sel. Léopold s’accroche à la vie. Avec son état d’esprit poétique qui transcende la réalité sordide du camp, les humiliations, les hivers glacials, les étés torrides, il évoque la poussière du ciment qui s’infiltre dans narines et poumons, les chaussures en bois ou en caoutchouc, les parpaings de mâchefer, le linge pour couvrir le pain, la pelle en forme de coeur avec laquelle dans la mine « chaque tranche de travail est une oeuvre d’art », les substances chimiques qui brûlent le visage, les usines de charbon. Le quotidien, c’est aussi ces morceaux de charbon dérobés qui servent de monnaie d’échange avec les habitants des villages alentours, le pain distribué et partagé avec respect, équité et parcimonie par la vieille Fenia.
Dans la mécanique du quotidien les objets prennent le pouvoir: « Je voudrais que la pelle en coeur soit mon outil, or elle règne en maître. Et surtout « l’ange de la faim » les accompagne en continu.
« La faim est un objet. L’ange est monté au cerveau »…  « Les yeux béants, l’ange de la faim fonce dans un seul sens, décrit des cercles étroits en titubant, en équilibre sur la bascule du souffle. »
Les rêves éveillés permettent de rester en vie.  Et de rares lumières disent que toute humanité n’a pas déserté ces lieux quand une vieille femme lui donne un mouchoir de baptiste dont il ne se servira pas mais qui ira rejoindre ses trésors les plus précieux.

Les chapitres sont courts, l’écriture est poétique et sobre. Léopold porte sur les hommes et la réalité un regard décalé. Ce livre est un récit magnifique sur l’horreur du goulag.

Note: 5/5

Les lecteurs se suivent et les avis divergent! R.R.

J'ai mis mon mari sur la piste! J'attends son avis...