Emily RUETE

EMILY RUETE, Mémoires d’une princesse arabe
Emily RUETE, née Princesse d’Oman et de Zanzibar
Traduit de l’allemand par L. Lindsay
Réédition par CREDU-KARTHALA  - 1991  - 328 pages

 
Au milieu du XIXème siècle, l’île de Zanzibar, au large des côtes de l’Afrique orientale, était un port fréquenté, le premier entrepôt de la traite des esclaves et du commerce de l’ivoire, le plus grand producteur de girofle du monde. Y régnait alors un sultan, originaire d’Oman dans la péninsule arabique, dont l’île de Zanzibar était une des possessions les plus prestigieuses. Le sultan Saïd fit de Zanzibar, non seulement son lieu de résidence privilégié, mais aussi la capitale de son empire qui s’étendait à cette époque du Balouchistan à Zanzibar. Il déserta les sables et les sols arides de l’Oman pour les rivages de cette île tropicale. L’ île était à l’apogée de sa prospérité.

Salmé bint Saîd, était la plus jeune des nombreux enfants du sultan Saïd. Sa mère était une concubine et esclave circassienne. Elle nait à Zanzibar 1844 et y vécut les vingt premières années de sa vie. Son enfance fut insouciante au sein du harem de son père, mais son adolescence fut marquée par la mort de son père, puis de sa mère, ainsi que par la lutte entre ses deux frères Madjid et Baghash. 
Ces mémoires sont une source d’informations de premier ordre sur la vie intime et quotidienne de la famille royale d’Oman. Elle décrit en détail le palais et la multitude de personnes qui y vivaient. Elle raconte la vie quotidienne, ritualisée, réglée par les devoirs religieux et un protocole rigide. Chacun avait une place qui lui était assignée correspondant à son statut social. La vie se déroulait avec monotonie, rompue uniquement par des événements familiaux tels un mariage ou un décès ou les grandes fêtes qui suivent la fin du Ramadan. Elle parle aussi de politique, de la lutte fratricide qui opposa ses frères, de la mainmise de l’Angleterre sur Zanzibar, de l’esclavage qu'elle défend.

La vie dans le harem était confinée et surveillée. Nourrices, esclaves, eunuques entouraient les femmes de la famille royale. On ne sait comment Salmé put échapper à cette surveillance et rencontrer son voisin, un négociant allemand. Ils tombèrent amoureux l’un de l’autre Enceinte elle risquait la lapidation, elle put fuir à Aden et épousa Heinrich, et partit vivre en Allemagne. Elle eut trois enfants et c’est à eux que ces mémoires étaient initialement dédiés.
Salmé s’était convertie au christianisme et avait pris le prénom d’Emily. Elle avait une personnalité énergique et rebelle. Elle eut un destin hors du commun. Tout d’abord il eut cette rencontre improbable avec son futur mari dont elle fut veuve au bout de trois années. Elle savait lire et écrire ce qui était rare pour une femme musulmane à cette époque et parlait plusieurs langues. Elle restait fière de ses origines et bien que convertie, elle restait attachée à la religion musulmane. Elle était consciente que les européens traitaient l’Afrique et le monde arabe avec condescendance. « J'aimerais que vous compreniez, mon frère, que tout ce que les Anglais désirent, c'est limiter votre souveraineté et votre pouvoir; ils n'attendent que le moment de pouvoir vous arracher Zanzibar et tout ce qui s'y trouve comme ils se sont emparés de l'Egypte et de tout ce qui en dépendait grâce à leurs stratagèmes redoutables et meurtriers », écrivait-elle à son frère Baghash. 

Elle eut l’opportunité de revenir au bout de seize années à Zanzibar à la demande d’Otto von Bismarck qui avait des vues colonisatrices sur l’île et put la faire visiter à ses enfants. Un voyage emprunt de nostalgie et de désillusions car elle fut tenue à l’écart de sa famille.

Ces mémoires sont intéressants parce qu’ils racontent la vie d’une femme exceptionnelle qui nous fait pénétrer à l’intérieur du Palais du sultan de Zanzibar, mais aussi parce que celle-ci sait regarder l’occident de la fin du 19ème siècle avec recul et un oeil critique.


Note: 5/5

Très interessant et sacré destin pour cette princesse !

Merci Awara, encore un livre qui pourrait me plaire, je le note