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Esther CROFT (Canada/Québec)

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Message  gallo Dim 14 Déc 2008 - 11:25

De: Polo

Esther Croft - De belles paroles
(Éd. XYZ, 2002, 168 p. )

"Paroles, paroles" chantait Dalida. Esther Croft a transposé cette chanson en roman, pour lequel elle a mérité le prix France-Québec 2003. C'est un défi d'aborder le thème de la parole sous forme romanesque. A priori, il semble que la poésie s'y prête davantage. Pourtant l'auteure a su inventer des Orphées assez convaincants pour charmer la bête sauvage qui taraudait le coeur d'une femme enseignant à des élèves en difficultés d'apprentissage.

Cette dernière a toujours souffert de son inaptitude à traduire ses sentiments en paroles. Quand, dans une famille, on n'appelle pas un chat par son nom, il n'est pas surprenant de voir surgir une telle déficience à l'âge adulte. Menant une vie sous la consigne du "motus et bouche cousue", elle ne peut se servir du langage comme exutoire à ses oppressions. Comme elle en est très consciente, elle espère libérer le verbe de sa prison.

Pour y arriver, elle cherche l'homme qui la ferait naître à elle-même. Celui qui connaîtrait les mots libérateurs, ceux que l'on veut entendre pour sortir de sa cache. Le premier volet de ce diptyque est consacré aux ensorceleurs qui savent faire danser le serpent aux sons de leur flûte. Elle marie un journaliste, un habile communicateur, qui sait choisir le mot approprié pour cicatriser ses blessures. Elle le considère comme le médecin de son âme, en qui elle a une confiance aveugle. Mais la parole ne fonctionne pas comme une vitre étamée. Il faut que la vulnérabilité du partenaire soit également visible à l'autre pour donner des assisses solides à l'amour. À la mort de son mari, elle apprend à ses dépens qu'elle fut le jouet de ses belles paroles comme elle le sera du nouvel homme de sa vie trois ans plus tard. Les sauveurs sont fort appréciés, mais la déception accompagne souvent la découverte de leur intention première.

Dans le second volet du diptyque, l'héroïne quitte son village pour se refaire une virginité. Elle décroche un emploi auprès des aphasiques. Grâce à ses connaissances de l'art théâtral, elle parvient à leur donner des instruments efficaces pour recouvrer la parole. Ce travail établit un pont entre son passé oppresseur et son avenir maintenant prometteur. Paradoxalement, c'est au sein de gens démunis comme elle que la rédemption se manifeste. Comme le dit l'héroïne, "il y a des gens qui, rien qu'à nous regarder, rien qu'à nous sourire, même au fond de leur fragilité, parviennent à nous offrir quelque chose de précieux. Il y en a d'autres qui, même les bras chargés, la bouche exubérante et l'oeil éblouissant, réussissent à nous déposséder. En ayant l'air, pourtant, de nous avoir comblés. Pourquoi est-ce si souvent ceux-là qui nous séduisent? Avons-nous à ce point besoin d'être trompés pour réussir à vivre?"

C'est un roman très bien ficelé, qui conduit rapidement vers le dénouement. Même si le sujet se prêtait à un traitement "intello", l'auteure a su éviter ce couloir de chapelle pour présenter une femme en proie à un réel problème de communication. Et sa plume parfois incantatoire pare son oeuvre d'une aura très poétique. Bref, Esther Croft dénonce les beaux parleurs comme La Fontaine dans Le Corbeau et le Renard.

Note : 4/5
gallo
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