Mohamed CHOUKRI (Maroc)

géromino Sam 9 Avr 2022 - 21:55

Mohamed CHOUKRI est né en 1935 dans la province de Nador au Maroc. Ici, c'est Le Rif; un pays de montagne moyenne et (à l'époque) de campagne miséreuse: on y crève littéralement de faim. Ses parents, chassés par la famine qui y sévit, s'installent à Tanger. Enfant de la rue, Mohamed est confronté à la violence, la drogue, l'alcool, la sexualité débridée. Lors d'un bref séjour en prison, un de ses compagnons d'infortune le pousse à s'instruire et à apprendre à lire et écrire. Un changement radical dans sa vie, puisque Mohamed Choukri deviendra instituteur, puis écrivain.;
Son récit autobiographique Le pain nu a été traduit en 39 langues. A noter qu'il a été censuré dès sa sortie au Maroc (1983), à cause des trop nombreuses allusions au sexe et à la drogue, relatées dans son récit.
En 2003 à Rabat, il décède des suites d'un cancer.

Quelques livres:
Le pain nu
Paul Bowles: le reclus de Tanger
Jean Genet et Tenessee Williams
Zoco chico
Le fou des roses
Le temps des erreurs
Des nouvelles du Maroc (en co-écriture avec une quinzaine d'auteurs marocains)

géromino Dim 10 Avr 2022 - 10:44

"Le pain nu" Points 1997 157 pages
Préfacé par Tahar Ben Jelloun
Mohamed CHOUKRI (Maroc) OIP.VPgpyt0HE3nJiWbq89eSigAAAA?w=182&h=307&c=7&r=0&o=5&pid=1

Début des années 40, Mohamed a sept ans. Dans le Rif, la famine tue; elle vient d'emporter son oncle. Ses parents décident d'aller habiter à Tanger. "On y trouve du pain en abondance; on ne meurt pas de faim à Tanger". C'est ce que lui a dit sa mère... N'empêche que Mohamed se retrouve dans la rue, à glaner de quoi survivre au quotidien, quitte à voler, ou faire les poubelles, car la faim est toujours omniprésente. Sa mère gagne quelques "pésètes" en revendant des légumes et des fruits sur le marché. Son père, un ancien soldat qui a déserté, a fini par se faire prendre et purge une peine de prison. C'est un homme brutal, qui bat Mohamed et sa mère. Il a tué de ses mains son propre fils, Abdelkader, sous les yeux de la famille. Mohamed le déteste d'une haine incommensurable.
Petit à petit Mohamed délaisse le foyer familial. Il fréquente les bas-fonds de Tanger, touche à la drogue et à l'alcool, couche avec les prostituées, expérimente la prostitution masculine, participe à des opérations de contrebande, trafique un peu, vole quand il faut... A à peine vingt ans, il se fait râfler par la police chez des prostituées qui l'hébergent. Il passe quelques jours en cellule; c'est là qu'il rencontre Hamid, un homme qui l'initie aux lettres et le pousse à apprendre à lire et écrire. A sa sortie de prison, il ira s'inscrire dans une école à Larache. Le livre se termine là.

C'est un récit autobiographique d'une rare intensité réaliste. Les mots sortent des tripes, crachés. L'émotion est là (même si elle s'estompe plus on avance dans le livre, je trouve) et elle n'est pas de celle qui fait s'apitoyer mais qui nous ferait plutôt partager la haine et la souffrance de l'auteur. Quand il décrit les scènes de sexe, Mohamed Choukri ne s'embarrasse pas de détours ni de polissage des termes qu'il utilise: ça sort crû! De même pour les mots orduriers; c'est le langage de la réalité de la vie avec sa misère et sa violence au quotidien. On comprend que le livre ait été interdit à sa sortie au Maroc: il y avait de quoi heurter les moeurs et les tabous de la société marocaine!

Note: 4/5

Awara Mar 19 Avr 2022 - 6:54

Merci Géromino, je le note!

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