Franck GIROUD

1916, Pavlos, petit village grec situé en zone neutre. Nous suivons la succession d'évènements qui se déroulent alors sur la base aérienne française au travers quatre personnages qui, à priori n'ont rien en commun, à part leur participation commune à un groupe de musique, Quintett. Tour à tour, nous découvrons ainsi Dora, artiste de Music Hall un tantinet romantique et naïve. Venue à Pavlos retrouver l'homme qui l'a séduite une nuit à Paris, Armel, aviateur émérite mais aussi, coureur de jupons notoire ce que la jeune femme va découvrir avec amertume. Dora se lie d'amitié sur place avec Elias Cohen, mécanicien, qui lui, se soucie du sort misérable d'une jeune bergère grecque, Aléka, maltraitée par son oncle. Le lieutenant Alban Méric, quant à lui, doit faire face au pire des chantages qui pourrait bien compromettre son histoire d'amour avec son ordonnance Manolic. Enfin, Nafsika, travaillant à l'auberge du village, décide de tout faire pour sauver son fiancé du terrible piège vers lequel il court.

Après le terrible succès du Décalogue, où Franck Giroud remontait le temps via le destin de documents théologiques, Quintett en est un peu le contre pied. Le but du jeu est ici de décrire les faits tragiques de Pavlos à travers quatre regards différents. En effet, chacun des personnages va en réalité vivre les mêmes évènements que les trois autres mais les retranscrire de manière diamétralement opposée! Le dernier opus de la série La chute, est l'épilogue de l'histoire où nos héros découvrent, seize ans plus tard, de quelle terrible manipulation ils ont en vérité été les victimes.

Alors quoi? Que retenir de cette série? Franck Giroud, ici, relate une partie de l'histoire méconnue - la participation de l'armée française dans le conflit aux Balkans, mais aussi le comportement plus que contestable des élites françaises et le sort de la population locale, ambivalente (autant les Grecs étaient pour les Allemands, autant les Macédoniens pour les Français). Quant à la machination en elle-même... Evidemment, le lecteur comprend très vite que le quintett étant composé de cinq musiciens, la découverte du mystérieux pianiste pourrait bien être la clé de l'histoire. Mais autant les quatre premiers tomes étaient passionnants, autant le dernier casse complètement l'ensemble et laisse une impression de déception. La grande qualité des quatre "mouvements" comme Giroud les nomme est en effet que chaque histoire peut se lire de manière indépendante, tout en étant reliée habilement aux autres histoires. Les personnages en eux-mêmes sont également, malgré leurs disparités certaines, tous plus vrais que nature. Dora Mars en particulier, de par sa nature entière et impétueuse, fera tout pour sauver son amant aviateur disparu en plein vol.

Mais, mais, mais... Cela ne suffit pas à faire de Quintett une série complète et encore fois, c'est avec une certaine déception que l'on referme cet ensemble. La chute en elle-même n'a rien de renversant; au contraire, l'apothéose que l'auteur nous propose dès le départ se dégonfle comme un pur ballon de baudruche. Le complot à proprement dit est décevant; quant à l'idée de mettre en scène les personnages seize ans plus tard, cela casse le rythme de l'histoire plutôt que de le relancer et fait de La chute, un album presque à part, voire incongru.

Quant aux dessins en eux-mêmes (car il s'agit ici de bande dessinée, ne l'oublions pas), saluons le style flamboyant de Cyril Bonnin et les détails fabuleux de Jean-Charles Kraehn. J'ai personnellement moins aimé les dessins de Giancarlo Alessandrini.

Une série que les amateurs de dyptiques romantiques aimeront surement. Pour les autres, allez voir ailleurs, il y a mieux, dans le même style, c'est certain.

Ma note : 3/5