Linda LÊ (Viêtnam/France)
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gallo
Aurore
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Linda LÊ (Viêtnam/France)
Linda Lê est une auteur française d'origine viêtnamienne née en 1963.
Son père est ingénieur et est originaire du Nord du Viêtnam. Quant à sa mère, elle est issue d'une famille aisée naturalisée française. En 1969 la famille part pour Saigon afin de fuir la guerre. Linda Lê suit sa scolarité au lycée français et se passionne pour Hugo et Balzac. En 1977, toutes les femmes de la famille gagnent le Havre en France, tandis que le père reste au pays. C'est en 1981 que Linda gagne Paris et suit une classe préparatoire littéraire au Lycée Henri-IV et s'inscrit par la suite à la Sorbonne. En 1986, son premier roman, Un si tendre vampire est publié.
Linda Lê reste une auteur peu connue du grand public bien que plébiscitée par la critique. Certains de ses livres ont été traduits aux États-Unis, aux Pays-Bas, au Portugal mais son nom reste absent des prétendants aux prix littéraires. Peut-être est-il nécessaire de préciser que l'écrivain fuit les médias et se définit comme "un ours qui se terre". Une critique dans Le Monde évoque tout de même que "sans bruit, les livres de Linda Lê s'imposent". Son style d'écriture est définissable comme savant et exigeant, elle possède une grande force d'analyse qui pourrait la placer comme une digne héritière d'un certain classicisme du XVIIe siècle.
Son père est ingénieur et est originaire du Nord du Viêtnam. Quant à sa mère, elle est issue d'une famille aisée naturalisée française. En 1969 la famille part pour Saigon afin de fuir la guerre. Linda Lê suit sa scolarité au lycée français et se passionne pour Hugo et Balzac. En 1977, toutes les femmes de la famille gagnent le Havre en France, tandis que le père reste au pays. C'est en 1981 que Linda gagne Paris et suit une classe préparatoire littéraire au Lycée Henri-IV et s'inscrit par la suite à la Sorbonne. En 1986, son premier roman, Un si tendre vampire est publié.
Linda Lê reste une auteur peu connue du grand public bien que plébiscitée par la critique. Certains de ses livres ont été traduits aux États-Unis, aux Pays-Bas, au Portugal mais son nom reste absent des prétendants aux prix littéraires. Peut-être est-il nécessaire de préciser que l'écrivain fuit les médias et se définit comme "un ours qui se terre". Une critique dans Le Monde évoque tout de même que "sans bruit, les livres de Linda Lê s'imposent". Son style d'écriture est définissable comme savant et exigeant, elle possède une grande force d'analyse qui pourrait la placer comme une digne héritière d'un certain classicisme du XVIIe siècle.
- Un si tendre vampire, 1986
- Fuir 1987
- Solo 1988
- Les Evangiles du crime, 1992
- Calomnies, 1993
- Les Dits d'un idiot, 1995
- Les Trois Parques 1997
- Voix, 1998
- Lettre morte, 1999
- Les Aubes, 2000
- Autres jeux avec le feu, 2002
- Marina Tsvetaieva, ça va la vie? 2002
- Personne 2003
- Kriss suivi de L'homme de Porlock 2004
- Le Complexe de Caliban et Conte de l'amour Bifrons, 2005
- In Memoriam, 2007
- Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau, 2009 (Recueil de textes critiques sur des écrivains)
Dernière édition par gallo le Lun 31 Aoû 2009 - 21:28, édité 2 fois (Raison : Mise en page)
Le complexe de Caliban
Le complexe de Caliban - Linda Lê
Christian Bourgois éditeur (2005)
Christian Bourgois éditeur (2005)
C'est bien la critique la plus ardue qu'il m'ait été donnée de réaliser jusqu'à présent.
Une petite explication du titre qui évoque le personnage de Caliban, être démoniaque issu de la pièce de théâtre de William Shakespeare, La tempête. Il fait référence à la part sombre de chacun qui nous élève tout autant qu'elle nous fait stagner en plein doute.
Ce livre est un pêle-mêle de littérature tant du point du vue du lecteur que de l'écrivain. S'y côtoient de multiples figures littéraires, des emblèmes internationaux dont l'œuvre magistrale a bercé la jeunesse de Linda Lê. En effet, c'est un récit presque autobiographique qui vient se substituer à la trame narrative. On suit l'évolution de notre auteur/narratrice de sa prime enfance à ses interrogations d'écrivain en devenir. On assiste à l'introspection d'une immense érudite qui daigne nous faire partager tous ces mentors qui l'ont jusque là fascinée.
Quand j'ai débuté ma lecture, je n'ai pu m'empêcher de faire à maintes reprises des parallèles avec Une histoire de la lecture d'Alberto Manguel. Parce que le parcours est identique : la migration, le refuge dans les livres, l'insoumission aux tierces personnes. Mais peu à peu le chemin dévie dans une sorte de forêt broussailleuse : car Linda Lê est une encyclopédie vivante maniant avec une justesse absolue culture classique et moderne (Manguel l'était aussi mais il était plus aisé à suivre). On se retrouve à flâner entre Antigone, Virgile, Shakespeare et Pessoa, et on apprécie l'éclairage bien que parfois la lumière soit tamisée. Il faut être dénué de toute distraction extérieure car le fil est assez dur à suivre : il requiert une intense attention bien qu'il soit palpitant d'opinions contrastées et de sources pertinentes.
Voici deux passages qui m'ont saisi par leur originalité :
A propos d'un professeur au Havre:
"A moi, il parla aussi de son amour des femmes auxquelles il avait échoué à communiquer sa passion pour la littérature, au point qu'il rêvait, afin de concilier son culte des livres et sa rage d'aimer, de s'adonner, comme Marcel Béalu, à la "bibliogynie" et de posséder une collection de femmes reliées où, sous l'apparence d'honnêtes in-octavo, ses bien-aimées seraient alignées l'une contre l'autre, enfin sages, chacune habillée selon sa nature : "En veau mort-né les romanesques, percaline rose les fausses naïves, cuir noir genre missel les passionnées et les vierges en maroquin blanc." (p. 39)
"Pourquoi lire les classiques? se demandait Italo Calvino. La réponse est dans la définition même que l'auteur de Palomar donne du classique - c'est un livre qui n'a jamais fini de dire ce qu'il a à dire. Les classiques ne sont pas des gardiens de sarcophages qui lèvent une armée de fantômes enveloppés dans le linceul d'une éternité d'autant plus rassurante qu'elle se confond avec un passé révolu. Pour lire les classiques, "on doit aussi établir "d'où" on les lit; sinon tant le lecteur que le livre se perdent dans un nuage atemporel". (p. 155)
En conséquence, je conseille ce livre à ceux qui apprécient une verve aiguisée et pointilleuse. N'ayez pas peur du lexique quasi universitaire employé au détour de chaque phrase car le talent est au-delà. Il est juste enthousiasmant de voir avec quel aplomb Linda Lê peut disserter sur tel ou tel sujet littéraire. Et à tous les fans d'Alberto Manguel : ce livre vous est destiné.
5/5
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
Merci pour la critique, ça m'intéresse fortement ce livre. J'ai vu que tu voulais le proposer en livre voyageur mais je pense que je le trouverai à la bibliothèque de ma ville qui est très bien fournie...Si je me trompe, je te fais signe. J'aimerai aussi savoir comment tu fais pour mettre un lien direct entre ton message et ta critique. Flop
Invité- Invité
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
Ok pour ce qui est du livre voyageur. Je sais que dans ma, pourtant grosse, bibliothèque d'Amiens il n'y est pas, ni Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau, l'autre livre paru cette année et qui m'intéresse fortement.
Pour ce qui est du fonctionnement du lien de la discussion de la semaine en cours vers mon message, je vais sur ma page de Linda Lê, je copie le lien url en haut. Je vais ensuite faire ma réponse dans la discussion hebdmadaire et je copie mon lien enregistré. C'est assez facile à faire !
Pour ce qui est du fonctionnement du lien de la discussion de la semaine en cours vers mon message, je vais sur ma page de Linda Lê, je copie le lien url en haut. Je vais ensuite faire ma réponse dans la discussion hebdmadaire et je copie mon lien enregistré. C'est assez facile à faire !
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
Cette critique vaut une place sur la long-list pour le premier gala du club des rats.
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Gallo
gallo- Nombre de messages : 2598
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Date d'inscription : 29/10/2008
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
A l'enfant que je n'aurai pas- Nil éditions- Août 2011
Les éditions Nil ont créé la collection Les affranchis dans laquelle est publié ce court ouvrage. Le principe est de demander à des écrivains d'écrire la lettre qu'ils n'ont jamais écrite.
Comme le titre l'indique Linda Lê écrit sa lettre à l'enfant qu'elle n'aura pas, l'enfant qu'elle ne veut pas avoir.
En quelques 65 pages elle tente d'expliquer les raisons de son refus de la maternité. C'est ainsi qu'elle nous dévoile sa propre enfance, ses rapports avec sa mère qui ont certainement dû influencer sa vie adulte.
Elle ne se ménage pas non plus lorsqu'elle relate les périodes de crise qu'elle a traversé.
C'est une confession poignante que nous livre Linda Lê dans un style assez recherché. L'écriture est ciselée, les mots tombent justes.
Il n'est pas inutile de le lire posémment une deuxième fois pour se délecter de ce petit bijou d'écriture.
Vous l'aurez compris c'est un pour moi. Ma note 5/5
Les éditions Nil ont créé la collection Les affranchis dans laquelle est publié ce court ouvrage. Le principe est de demander à des écrivains d'écrire la lettre qu'ils n'ont jamais écrite.
Comme le titre l'indique Linda Lê écrit sa lettre à l'enfant qu'elle n'aura pas, l'enfant qu'elle ne veut pas avoir.
En quelques 65 pages elle tente d'expliquer les raisons de son refus de la maternité. C'est ainsi qu'elle nous dévoile sa propre enfance, ses rapports avec sa mère qui ont certainement dû influencer sa vie adulte.
Elle ne se ménage pas non plus lorsqu'elle relate les périodes de crise qu'elle a traversé.
C'est une confession poignante que nous livre Linda Lê dans un style assez recherché. L'écriture est ciselée, les mots tombent justes.
Il n'est pas inutile de le lire posémment une deuxième fois pour se délecter de ce petit bijou d'écriture.
Vous l'aurez compris c'est un pour moi. Ma note 5/5
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
A l'enfant que je n'aurai pas - Linda Lê
(NiL, 2011, 64 p., collection "Les Affranchis")
(NiL, 2011, 64 p., collection "Les Affranchis")
Ah Dodie, tu m'as devancée... et je te rejoins tout à fait sur ton commentaire. Ce texte de Linda Lê sur le choix de non-maternité est un témoignage émouvant (à destination de son enfant immatériel) qui en quelques soixante pages nous entraine dans une réflexion détonante. Quel est le point de la bonne société sur ces femmes qui ont décidé de ne pas enfanter? Il va de soi qu'elles sont jugées, pointées du doigt et doivent même se justifier car ne pas vouloir avoir de descendance est une décision lourde de conséquences. Linda Lê en fait l'expérience avec son petit ami, S., qui use de tous les arguments pour tenter de la convaincre d'enfin entrer dans le moule. Mais l'auteur a déjà bien réfléchi à la question et trouverait presque contre nature de donner naissance à un être non désiré. Doit-on abdiquer pour sa compagne ou son compagnon? Peut-on espérer un éveil de l'instinct maternel en voyant la "septième merveille du monde" pointer le bout de son nez?
Les mots de Linda Lê sont puissants, brillants et ont résonné en moi extrêmement fort car ils sont criants d'une autre vision de la vie, non moins belle, mais différente de la majorité. Je me suis plus d'une fois remise en question en me disant que foncièrement la femme a, à notre époque, son propre libre-arbitre et peut donc décréter ne pas vouloir être féconde. Est-ce un mal? Peut-on parler d'égoïsme? C'est un vaste débat auquel je ne suis pas sûre d'avoir une opinion très tranchée. Mais le non-désir de maternité m'interpelle car, au contraire de Linda Lê, j'ai un besoin viscéral de me "perpétuer". Je n'en suis pas encore là mais je ne pourrais concevoir un avenir sans enfant. D'un côté comme de l'autre il doit y avoir un certain égotisme, à vouloir avoir toujours une partie de soi et/ou de son nom sur Terre, pour continuer à exister, par prolongement.
Et comment aurais-je subvenu à leurs prodigalités, moi qui suis une cigale, gaspillant mon avoir dans les librairies, moi qui tombe toujours amoureuse d'irresponsables sans fortune, moi qui n'ai pas un métier solide, mais ne suis qu'un écrivain dont les romans ne font pas un tabac? (p. 27)
Sitôt tournée la dernière page, j'ai voulu reprendre certains passages et reparcourir le livre, avec un second plaisir, celui de bien m'imprégner de ces mots, touchants de sensibilité et pourtant très justes et mesurés. Car Linda Lê nous fait part de sa vie, avec S., mais aussi avec des parents (qui n'ont peut-être pas été des exemples de parents), mais aussi avec elle-même et ses démons.
A lire d'une traite et à reprendre à l'occasion pour ne pas garder des œillères sur l'inévitable "fatalité" d'assurer la lignée. D'autres points de vue existent... et c'est tant mieux !
Les mots de Linda Lê sont puissants, brillants et ont résonné en moi extrêmement fort car ils sont criants d'une autre vision de la vie, non moins belle, mais différente de la majorité. Je me suis plus d'une fois remise en question en me disant que foncièrement la femme a, à notre époque, son propre libre-arbitre et peut donc décréter ne pas vouloir être féconde. Est-ce un mal? Peut-on parler d'égoïsme? C'est un vaste débat auquel je ne suis pas sûre d'avoir une opinion très tranchée. Mais le non-désir de maternité m'interpelle car, au contraire de Linda Lê, j'ai un besoin viscéral de me "perpétuer". Je n'en suis pas encore là mais je ne pourrais concevoir un avenir sans enfant. D'un côté comme de l'autre il doit y avoir un certain égotisme, à vouloir avoir toujours une partie de soi et/ou de son nom sur Terre, pour continuer à exister, par prolongement.
Et comment aurais-je subvenu à leurs prodigalités, moi qui suis une cigale, gaspillant mon avoir dans les librairies, moi qui tombe toujours amoureuse d'irresponsables sans fortune, moi qui n'ai pas un métier solide, mais ne suis qu'un écrivain dont les romans ne font pas un tabac? (p. 27)
Sitôt tournée la dernière page, j'ai voulu reprendre certains passages et reparcourir le livre, avec un second plaisir, celui de bien m'imprégner de ces mots, touchants de sensibilité et pourtant très justes et mesurés. Car Linda Lê nous fait part de sa vie, avec S., mais aussi avec des parents (qui n'ont peut-être pas été des exemples de parents), mais aussi avec elle-même et ses démons.
A lire d'une traite et à reprendre à l'occasion pour ne pas garder des œillères sur l'inévitable "fatalité" d'assurer la lignée. D'autres points de vue existent... et c'est tant mieux !
5/5
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
Une critique du Magazine Littéraire avait déjà attiré mon attention sur ce livre. Dodie et Aurore, vos avis me confortent dans cette première impression positive, j'ai bien fait de le noter !
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Louvaluna
« Écrire consiste à rêver avec une intensité telle que nous parvenions à arracher au monde un morceau. » - Pierre Jourde
« J'aime la lecture en général. Celle où il se trouve quelque chose qui peut façonner l'esprit et fortifier l'âme est celle que j'aime le plus. » - La Rochefoucauld
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
A l’enfant que je n’aurai pas
Linda LÊ
Nil, « les affranchis », 2011, 65 pages
Linda LÊ
Nil, « les affranchis », 2011, 65 pages
Dans le cadre de la collection « les affranchis » proposée par les éditions du Nil, où il s’agit pour l’auteur d’écrire une lettre qu’il n’a jamais écrite, Linda Lê s’adresse à l’enfant qu’elle a choisi de ne pas avoir.
On assiste au choc frontal entre une femme toute entière consacrée à la littérature et le terrible diktat de la maternité. Linda Lê se pose mille et une questions sur ce que serait son lien à l’enfant au vu de sa douloureuse histoire hantée par sa toute-puissante mère surnommée « Big Mother », son caractère aux accents inflexibles, ses obsessions d’écrivain et de lectrice vorace, ou encore ses redoutables passages à vide.
Doutes, questionnements, arguments, obstination ou effondrement, on suit l’auteur dans son cheminement de femme qui ne souhaite pas devenir mère et qui brandit volontiers, tel un bouclier, cette citation tirée du Journal de Tolstoï : « La maternité n’est pas la plus haute vocation d’une femme. » D’ailleurs, au-delà de l’enfant qu’elle n’aura pas, ce sont « toutes celles qui se sont dispensées de se conformer aux lois de la nature » qui se voient adressées ces lignes d’une réelle sagacité et d’une surprenante ténacité.
L’enfant, lui, trouve sa place en tant qu’être immatériel, mais doué de vie, lové dans les replis d’une âme. Et c’est dans cet état de présence, bénéfique car validée par Linda Lê, qu’il peut lui tendre un miroir pour qu’elle puisse à partir de ce bienveillant reflet se dépasser et s’améliorer.
Ma note : 5/5
Mots-clés : la maternité, le métier d’écrivain, l'introspection, l’emprise psychique, la folie
On assiste au choc frontal entre une femme toute entière consacrée à la littérature et le terrible diktat de la maternité. Linda Lê se pose mille et une questions sur ce que serait son lien à l’enfant au vu de sa douloureuse histoire hantée par sa toute-puissante mère surnommée « Big Mother », son caractère aux accents inflexibles, ses obsessions d’écrivain et de lectrice vorace, ou encore ses redoutables passages à vide.
Le « je » de cette lettre, dans sa diaphanéité, s’appréhende comme un complexe et précieux objet, tel une montre à gousset dont on ouvrirait le boîtier, pour en exposer les rouages afin de comprendre le mécanisme responsable de l’affichage qui nous est donné à voir.Je m’offusquais de ce mépris pour mes enseignants, sans qui le dressage de Big Mother aurait occasionné un ébranlement. Aller en classe, c’était lui échapper pour quelques heures, fouiner dans les bibliothèques, c’était amasser des trésors et y puiser, pas seulement afin de me doter d’une teinture de culture : forte de ces richesses, je me fabriquais une personnalité, je me blindais contre les méchancetés de celle qui, en tous lieux, se plaisait à nous diminuer, mes sœurs et moi. (p.20)
Doutes, questionnements, arguments, obstination ou effondrement, on suit l’auteur dans son cheminement de femme qui ne souhaite pas devenir mère et qui brandit volontiers, tel un bouclier, cette citation tirée du Journal de Tolstoï : « La maternité n’est pas la plus haute vocation d’une femme. » D’ailleurs, au-delà de l’enfant qu’elle n’aura pas, ce sont « toutes celles qui se sont dispensées de se conformer aux lois de la nature » qui se voient adressées ces lignes d’une réelle sagacité et d’une surprenante ténacité.
L’enfant, lui, trouve sa place en tant qu’être immatériel, mais doué de vie, lové dans les replis d’une âme. Et c’est dans cet état de présence, bénéfique car validée par Linda Lê, qu’il peut lui tendre un miroir pour qu’elle puisse à partir de ce bienveillant reflet se dépasser et s’améliorer.
A l’enfant que je n’aurai pas est un texte court mais dense, livré dans une écriture exigeante parsemée d’un vocabulaire pointu, d’images frappantes et de références éclairantes. Dans ces lignes, on voit palpiter une sensibilité extrême comme les veines sous une peau fine et pâle. Un texte poignant à la maîtrise remarquable.Tu m’as aidée à me transcender, j’ai des audaces qu’avant de me rendre compte de mes déficiences, je ne me permettais pas. Je te dois de m’être surmontée, de n’être plus tout uniment cette imprécatrice tirant à boulets rouges sur mes prochains, j’ai tenté d’enrichir mes compositions de subtiles gradations. Au quotidien, ce ne sont plus les montagnes russes – les hauts et les bas qui me détraquent les nerfs se succèdent à un rythme moins rapide. Depuis que je ne me récuse plus en évitant d’anticiper, de m’interroger sur les modifications qui auraient résulté de ta venue au monde, tu n’es plus pour moi un tourment. (p.63-64)
Ma note : 5/5
Mots-clés : la maternité, le métier d’écrivain, l'introspection, l’emprise psychique, la folie
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Louvaluna
« Écrire consiste à rêver avec une intensité telle que nous parvenions à arracher au monde un morceau. » - Pierre Jourde
« J'aime la lecture en général. Celle où il se trouve quelque chose qui peut façonner l'esprit et fortifier l'âme est celle que j'aime le plus. » - La Rochefoucauld
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
Je viens de l'acheter et j'ai commencé à le lire ce matin. Je pense que mon enthousiasme rejoindra le vôtre ! Je découvre également cette collection et j'aime beaucoup l'idée.
Ysla- Nombre de messages : 1800
Location : France
Date d'inscription : 23/12/2008
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
Quelle magnifique critique Louvaluna ! J'ai hâte de lire la tienne Ysla. J'aime moi aussi beaucoup l'idée de cette collection. Pour une première mise en bouche en la matière, j'ai été particulièrement soufflée !
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
Comme Aurore, j'ai hâte de savoir ce que tu auras pensé de ce livre Ysla. En attendant, bonne lecture !
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Louvaluna
« Écrire consiste à rêver avec une intensité telle que nous parvenions à arracher au monde un morceau. » - Pierre Jourde
« J'aime la lecture en général. Celle où il se trouve quelque chose qui peut façonner l'esprit et fortifier l'âme est celle que j'aime le plus. » - La Rochefoucauld
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
À l’enfant que je n’aurai pas
Les Affranchis, 68 pages
2011
Pour la collection les Affranchis, un écrivain écrit la lettre qu’il n’avait jusque là pas osé composer. Linda Lê écrit à l’enfant qu’elle n’aura pas. Elle explique d’abord les raisons : sa mère, son (ex-)partenaire, ses troubles de santé mentale. Elle explique aussi comment cet enfant aurait eu une vie difficile et qu’il est préférable pour lui de ne pas avoir vu le jour. Linda Lê est marginale, car la pression sociale est toujours très forte pour pousser les femmes à enfanter envers et contre tous. Linda Lê a eu la lucidité de voir que la relation avec son partenaire n’était pas assez forte, et qu’elle risquait de ne pas être capable d’assumer toutes les responsabilités de la maternité.
Linda Lê écrit très bien. Dans la mer médiatique pro-famille, le propos est rafraichissant. J’ai toutefois trouvé que la plaquette, bien que courte, étirait quand même l’idée.
3/5
le réaliste-romantique
Les Affranchis, 68 pages
2011
Pour la collection les Affranchis, un écrivain écrit la lettre qu’il n’avait jusque là pas osé composer. Linda Lê écrit à l’enfant qu’elle n’aura pas. Elle explique d’abord les raisons : sa mère, son (ex-)partenaire, ses troubles de santé mentale. Elle explique aussi comment cet enfant aurait eu une vie difficile et qu’il est préférable pour lui de ne pas avoir vu le jour. Linda Lê est marginale, car la pression sociale est toujours très forte pour pousser les femmes à enfanter envers et contre tous. Linda Lê a eu la lucidité de voir que la relation avec son partenaire n’était pas assez forte, et qu’elle risquait de ne pas être capable d’assumer toutes les responsabilités de la maternité.
Linda Lê écrit très bien. Dans la mer médiatique pro-famille, le propos est rafraichissant. J’ai toutefois trouvé que la plaquette, bien que courte, étirait quand même l’idée.
3/5
le réaliste-romantique
Réaliste-romantique- Nombre de messages : 3252
Age : 48
Location : Outaouais, Québec
Date d'inscription : 30/12/2008
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
Lame de fond - Linda Lê
(Christian Bourgois, 2012, 276 p.)
(Christian Bourgois, 2012, 276 p.)
Quel plaisir de retrouver la plume de Linda Lê ! Après Le complexe de Caliban et A l'enfant que je n'aurai pas, c'est son tout dernier, Lame de fond, qui m'a accompagné ces quelques jours.
Que ce soit un mort qui raconte son histoire m'a tout de suite semblé intéressant et intrigant. Le récit est en fait choral car il alterne les voix de Van (le père de famille), Lou (sa femme), Laure (leur fille) et Ulma (la maîtresse). Van débute la prise de parole avec ce qui semble être une confession, celle de sa vie qui n'a pas été rectiligne et ni même tournée vers un même but, la justice. Fils d'un père vietnamien, c'est un déraciné qui a appris le français en s'installant dans sa jeunesse en France, grâce aux sacrifices de sa mère. Il y a trouvé une terre d'adoption accueillante où la culture s'est mêlée à son métier puisqu'il est devenu correcteur (ironie pour un expatrié). De sa rencontre avec Lou, s'est fondée une relation forte bâtie sur un mariage et la naissance de leur fille unique, choyée et portée à devenir une brillante jeune femme.
En somme, la relation familiale est on ne peut classique avec un duo de parents présent et avec leur progéniture, parfois très en rébellion. L’élément déclencheur qui fait basculer tout l'équilibre patiemment établi, c'est Ulma, l'intruse qui était bien là à l'enterrement. Quelle est son implication dans le malheur survenu? Quel lien entretenait-elle avec Van?
Le mystère ne demeure pas longtemps car on apprend que c'est Lou qui a renversé Van, de son plein gré et par jalousie fomentée dans le temps. Le nerf du problème n'est donc pas de savoir qui a fait cela mais plutôt pourquoi et comment l'acte dramatique a-t-il pu avoir eu lieu.
Même si l'homme n'est plus, il a toujours voix au chapitre, entouré de ses trois femmes essentielles de son vivant. Car à l'heure où il faut aller de l'avant, chacun s'appesantit et prend sa part de faute et de culpabilité.
Je crois que ça ne se commande pas mais je suis extrêmement sensible au style de Linda Lê. Son ton n'est pas au jugement mais à l'expiation par la parole. Et elle raconte si bien !
Je la relirai car certains passages m'ont bouleversée comme celui-ci où la fille part d'un fait pour offrir une série de négations de tout ce que son père ne fera plus avec elle. Je me suis arrêtée en cours de page mais ça se poursuit encore et encore et c'en est obsédant. Quelque part, ça prend aux tripes !
Elle ne sait pas que j'ai passé une partie de la nuit et de la matinée à gribouiller dans mon calepin et que j'étais claquée à cause de ça. A moins que ce ne soit parce que je subis le contrecoup des derniers jours, où j'ai été paumée, où tout me rappelait que jamais plus Van ne me projetterait des films, ne me réciterait des ballades de Villon, ne me ferait râler en corrigeant mes fautes de français, ne me ferait découvrir des installations de vidéastes, ne rentrerait les bras chargés de bouquins achetés à la Foire du Livre ancien, ne partirait avec nous dans l'arrière-pays provençal, n'aurait avec Hugues et Rachid des discussions sur les hyperréalistes américains ou les cinéastes iraniens, ne viderait une bouteille de bordeaux en retardant le moment d'aller au charbon [...] (pp. 217-218)
Il y a les histoires d'amour, celles qui durent et celles qui, éphémères, peuvent tout briser. Ici tout y est et le quatuor infernal pourrait bien arriver à sa perte avec l'éviction du seul homme. Cela reste à voir et, seule certitude, c'est ingénieusement mené !
Linda Lê, une auteur à retenir ! La rentrée littéraire de septembre recèle bien des perles, preuve en est.
Que ce soit un mort qui raconte son histoire m'a tout de suite semblé intéressant et intrigant. Le récit est en fait choral car il alterne les voix de Van (le père de famille), Lou (sa femme), Laure (leur fille) et Ulma (la maîtresse). Van débute la prise de parole avec ce qui semble être une confession, celle de sa vie qui n'a pas été rectiligne et ni même tournée vers un même but, la justice. Fils d'un père vietnamien, c'est un déraciné qui a appris le français en s'installant dans sa jeunesse en France, grâce aux sacrifices de sa mère. Il y a trouvé une terre d'adoption accueillante où la culture s'est mêlée à son métier puisqu'il est devenu correcteur (ironie pour un expatrié). De sa rencontre avec Lou, s'est fondée une relation forte bâtie sur un mariage et la naissance de leur fille unique, choyée et portée à devenir une brillante jeune femme.
En somme, la relation familiale est on ne peut classique avec un duo de parents présent et avec leur progéniture, parfois très en rébellion. L’élément déclencheur qui fait basculer tout l'équilibre patiemment établi, c'est Ulma, l'intruse qui était bien là à l'enterrement. Quelle est son implication dans le malheur survenu? Quel lien entretenait-elle avec Van?
Le mystère ne demeure pas longtemps car on apprend que c'est Lou qui a renversé Van, de son plein gré et par jalousie fomentée dans le temps. Le nerf du problème n'est donc pas de savoir qui a fait cela mais plutôt pourquoi et comment l'acte dramatique a-t-il pu avoir eu lieu.
Même si l'homme n'est plus, il a toujours voix au chapitre, entouré de ses trois femmes essentielles de son vivant. Car à l'heure où il faut aller de l'avant, chacun s'appesantit et prend sa part de faute et de culpabilité.
Je crois que ça ne se commande pas mais je suis extrêmement sensible au style de Linda Lê. Son ton n'est pas au jugement mais à l'expiation par la parole. Et elle raconte si bien !
Je la relirai car certains passages m'ont bouleversée comme celui-ci où la fille part d'un fait pour offrir une série de négations de tout ce que son père ne fera plus avec elle. Je me suis arrêtée en cours de page mais ça se poursuit encore et encore et c'en est obsédant. Quelque part, ça prend aux tripes !
Elle ne sait pas que j'ai passé une partie de la nuit et de la matinée à gribouiller dans mon calepin et que j'étais claquée à cause de ça. A moins que ce ne soit parce que je subis le contrecoup des derniers jours, où j'ai été paumée, où tout me rappelait que jamais plus Van ne me projetterait des films, ne me réciterait des ballades de Villon, ne me ferait râler en corrigeant mes fautes de français, ne me ferait découvrir des installations de vidéastes, ne rentrerait les bras chargés de bouquins achetés à la Foire du Livre ancien, ne partirait avec nous dans l'arrière-pays provençal, n'aurait avec Hugues et Rachid des discussions sur les hyperréalistes américains ou les cinéastes iraniens, ne viderait une bouteille de bordeaux en retardant le moment d'aller au charbon [...] (pp. 217-218)
Il y a les histoires d'amour, celles qui durent et celles qui, éphémères, peuvent tout briser. Ici tout y est et le quatuor infernal pourrait bien arriver à sa perte avec l'éviction du seul homme. Cela reste à voir et, seule certitude, c'est ingénieusement mené !
Linda Lê, une auteur à retenir ! La rentrée littéraire de septembre recèle bien des perles, preuve en est.
4,5/5
Re: Linda LÊ (Viêtnam/France)
Je ne répondrai plus jamais de rien / Linda Lê
(Stock, 2020, 142 p., coll. Bleue)
Changement de maison d'éditions pour Linda Lê et aussi, étonnamment, de style. Elle qui filait de longues phrases très travaillé passe à un texte brut et abrupt. Dans ce monologue où une narratrice prend la parole, elle se veut revendicatrice et en quête de justice.
Dans les faits, une femme s'adresse à sa mère récemment disparue. De son vivant, la narratrice l'a idolâtrée, l'a protégée du monde extérieur et surtout de son mari volage. Bien qu'il soit aussi son père, elle le nomme continuellement "ton mari" et instaure une distance qui en dit long sur cette complexe triangulaire. L'histoire familiale est marquée par un exil, celui de sa mère qui a quitté le Vietnam et qui a été "secourue" par un homme à son arrivée en France. De cet homme qui est devenu son mari, il n'y a que des apparitions fugaces entre les lignes. L'homme était engagé auprès d'une femme et a repris son ancienne vie rapidement. Ce n'est pas la naissance de la narratrice qui le retint auprès de ce foyer d'adoption. Mais la mère, bien qu'abandonnée continue à attendre et à défendre l'indéfendable. Elle ne reconstruit rien et patiente dans son petit pavillon de banlieue pendant que l'homme va à son gré.
Le ton du récit alterne entre affront et revanche, toujours cinglant et volontaire. De cette mère qui a subi, l'auteure ne veut retenir que la femme énigmatique. Car le titre du livre est la rengaine que sa mère prononçait sans fin, peu de temps avant son décès. De quoi ne devait-elle plus répondre ? Quelle charge énorme pesait ses épaules ?
La narratrice prend le contre-pied de sa génitrice et entend bien faire élever leurs deux voix. Elle ne pardonne pas l'homme ni le père qui ont tout deux été absents. Et comme les griefs peuvent être nombreux, elle s'interroge aussi sur huit mois de vie pendant lesquels sa mère a purement et simplement disparu de la circulation. Où était-elle ?
Ce livre est un vibrant hommage qui montre que le lien filial est aussi tortueux qu'indissociable des notions de haine et d'amour. J'y ai beaucoup puisé !
4/5
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