Stefan ZWEIG - Romans et nouvelles - Deuxième partie

Stefan ZWEIG
Romans et nouvelles I
Classiques modernes
La Pochothèque
1191 pages
2001


LA COLLECTION INVISIBLE :

Un antiquaire raconte une anecdote à un voyageur qui partage son compartiment, . Alors qu'il rendait visite à un vieil homme propriétaire d'une impressionnante collection de tableaux de grande valeur, il a été reçu par son épouse et sa fille, toutes deux terrifiées. En effet, le collectionneur est devenu aveugle, et n'ayant plus de quoi vivre, elles ont vendu, petit à petit, tous les tableaux ...

Extrait :
"La collection invisible, depuis longtemps disséminée aux quatre coins du monde, existait encore, intacte pour cet aveugle, pour cet homme trompé par charité. Et sa passion visionnaire avait quelque chose de si impressionnant que je commençais moi même presque à y croire."

Un récit à la fois pathétique et drôle. Le vieil homme montrant sa collection invisible est irrésistible.


LEPORELLA :

Extrait :
"De son nom elle s'appelait Crescentia Anna Aloisia FinkenHuber. Elle avait trente neuf ans, était de naissance illégitime et originaire d'un petit village du Zillertal. Sous la rubrique "signes particuliers" de son livret de service figurait un trait horizontal, négatif, mais si les employés avaient été tenus de donner un signalement caractérologique, un coup d'oeil même rapide, n'eût pas manqué de leur faire noter qu'elle ressemblait à un cheval de montagne osseux, fourbu et efflanqué."

Elevée aux frais de la commune, car c'est une enfant illégitime, elle n'en ait pas moins une travailleuse acharnée, et à douze ans elle est déjà cuisinière dans un hôtel. Remarquée par une placeuse, elle trouve un travail mieux rémunéré à Vienne dans une riche famille. La maîtresse de maison est plus agée que son époux qui la trompe allègrement. Déprimée, elle quitte son domicile pendant quelques mois pour recevoir des soins. Durant cette période Leporella, ainsi rebaptisée par son employeur, prend de l'ascendant sur ce dernier qui l'apprécie. Cette période agréable se termine hélas, dès le retour de la maîtresse de maison.
Je ne dévoilerai pas la suite, elle est fort triste.

Un récit vraiment passionnant, que j'ai adoré

LE BOUQUINISTE MENDEL :

De retour à Vienne après de nombreuse années, un homme se souvient d'un vieux bouquiniste, en entrant dans un café où il avait l'habitude de le voir. Sans trop y croire, il recherche dans l'établissement, quelqu'un d'assez âgé pour l'avoir connu. Une serveuse se souvient du bouquiniste Jakob Mendel. L'on apprend alors quel homme intelligent et généreux il était, ne vivant que pour les livres, et n'ayant pas vraiment le sens des réalités. La première guerre mondiale aura raison de lui.

Encore un récit très touchant. Cet homme brisé par la guerre et qui ne comprenait pas ce qui lui arrivait, m'a beaucoup émue. Un autre coup de coeur bien mérité


REVELATION INATTENDUE D'UN METIER

L'auteur observe un pickpocket et en deviens lui-même la victime.

Une histoire originale où le narrateur, tout en observant un homme qui subtilise fort adroitement l'argent dans les poches des passants, devient lui-même la cible du voleur.
Très intéressants les multiples sentiments par lesquels passent le narrateur, de la curiosité, voire même de l'admiration pour la dextérité du pickpocket à de la pitié pour la victime, puis pour le voleur lui-même.

VIRATA :

Avec ce récit nous voilà parti des siècles en arrière. Virata a défendu son roi mais a dû tuer son frère qui était dans l'armée adverse. Il fait alors le serment de ne plus jamais porter de glaive ni de combattre. Le roi le nomme alors juge. Il se veut équitable et condamne un meurtrier à une longue peine de prison, mais ce dernier réclame la mort qu'il ne lui accordera pas. Quelques temps après il décide d'aller voir ce prisonnier qui séjourne dans un geôle souteraine. Il lui propose alors de prendre sa place, à l'insu du gardien, et de revenir ensuite réintégrer sa cellule. Ceci afin de connaître les conditions de détention. Le prisonnier accepte et jure qu'il reviendra. Après quelques jours d'incarcération il est terrorisé à l'idée que ce dernier ne revienne pas. Fort heureusement le meurtrier a averti le roi qui libère l'un et l'autre. Virata décide alors de vivre en ermite et il laisse sa famille. Des années, après, alors qu'il est revenu dans son village, il est pris à parti par une femme qui lui reproche le départ de son mari. Voulant vivre lui aussi en ermite, il a laissé femme et enfants, causants ainsi la mort de ses derniers. Désespéré, Virata demande alors au roi : "Débarasse moi de ma volonté, car tout vouloir est confusion, toute servitude est sagesse." .
Ce dernier exaspéré par ses attitudes contradictoires, lui propose alors de devenir le gardien du chenil de son palais. Virata accepte, et après avoir été le premier de l'empire devint domestique. "Et lorsque son temps fut accompli et qu'il mourut, Virata fut enfoui dans la fosse immonde où l'on jetait les domestiques ; à ce moment-là il n'était plus personne, parmi le peuple, qui se souvînt de celui que le pays avait autrefois célébré par les quatre noms de la vertu".

Une incursion dans le passé très réussie. Les pérégrinations de Virata sont à la fois curieuses, intéressantes et assez inattendues. Un récit très original.

RACHEL CONTRE DIEU

Le peuple de Jérusalem a de nouveau fait des sacrifices aux idoles et déclenchés la colère de Dieu. Rachel prêche alors la miséricorde et raconte au Seigneur ce qu'elle a fait pour l'amour de sa soeur.

Une très courte histoire sentimentale.

LE CHANDELIER ENTERRE :

Les vandales attaquent Rome et font main basse sur tout ce qui a de la valeur. Les juifs ont un chandelier en or, La menorah, qui avait été dissimulé dès l'arrivée des barbares. Quelques vieillards et un enfant décident alors de fuir avec le chandelier. C'est leur périple qui est raconté dans ce récit, afin de le cacher dans un lieu secret. Il est ainsi à jamais à l'abri de la cupidité des hommes.

"Il demeure le secret de Dieu et dort dans les ténèbres des âges."

LES DEUX JUMELLES :

Filles d'un roi mort et déchu, son épouse et ses deux filles se retrouvent dans la misère.
Elles sont très belles et choisissent deux voies différentes. Sophie se consacre aux bonnes oeuvres et Hélène à la prostitution. Hélène essaie alors de remettre sa soeur dans le droit chemin. Et c'est finalement elle, qui tombe dans un piège tendu par sa soeur et devient à son tour prostituée. Devenues riches elles légueront toute leur fortune aux habitants de leur village.

Amusant !

LA PITIE DANGEREUSE :

Préface :
"Il y a deux sortes de pitié. L'une molle et sentimentale, qui n'est en réalité que l'impatience du coeur de se débarrasser au plus vite de la pénible émotion qui nous étreint devant la souffrance d'autrui, cette pitié qui n'est pas du tout de la compassion, mais un mouvement instinctif de défense de l'âme contre la souffrance étrangère. Et l'autre, la seule qui compte, la pitié non sentimentale mais créatrice, qui sait ce qu'elle veut et est décidée à persévérer avec patience et tolérance jusqu'à l'extrême limite des forces, et même au-delà."

L'histoire débute en 1913, Anton Hofmiller a vingt cinq ans, issu d'une famille aux revenus modestes, il se voit contraint de s'engager dans l'armée et devient officier de cavalerie. Sa garnison se situe à la frontière hongroise. Un jour où il est en ville il rencontre dans une pâtisserie une très jolie jeune fille. Il apprend alors qu'elle est la nièce des Kekesfalva, qui est l'homme le plus riche de la contrée. Il parvient à se faire inviter à un bal où il danse avec Ilona la jolie fille et d'autres également. Il prend alors conscience qu'il n'a pas encore invité la jeune fille de la maison et sans tarder va à sa rencontre :
"Permettez moi mademoiselle..."
Ce qui se produit alors est affreux. Le buste penché en avant se recule brusquement, comme pour éviter un coup. Un flot de sang monte aux joues blèmes, les lèvres encore entrouvertes se serrent avec violence, seuls les yeux restent immobiles et me regardent avec une étrange expression d'effroi, comme je n'en ai encore jamais vu".
Il se rend alors comtpe de sa bévue, la jeune fille ne peut plus marcher à la suite d'un accident. Anton se sent très honteux et pour se faire pardonner prend l'habitude de rendre des visites quotidiennes à Edith. Lorsqu'il se rend compte que la jeune fille est amoureuse de lui, il prend peur, car il ne ressent pour elle que de la pitié.

Dans le récit, faisant référence au titre, la pitié est toujours évoquée par le héros qui ne croit pas qu'une union basée sur ce sentiment soit possible. J'ai beaucoup aimé le personnage d'Anton qui se sent incapable de répondre à l'amour de la jeune fille, puis l'accepte, et a même envisagé de mettre fin à ses jours. On le sent pris au piège de la pitié. Je me posais d'ailleurs la question suivante : La jeune Edith se serait-elle intéressée à Anton, jeune homme peu fortuné, si elle n'avait pas été infirme ?
Quoiqu'il en soit, j'ai adoré cette histoire, c'est celle que je préfère parmi toutes celles que j'ai lues !

LE JOUEUR D'ECHECS

Czentovic qui a été un enfant rustre et incapable d'apprendre quoique ce soit, devient champion mondial de jeux d'échecs, la seule chose dans laquelle il se montre brillant. Au cours d'un voyage en paquebot, il est sollicité par des joueurs amateurs et mis en difficulté par M. B... Ce dernier a appris seul à jouer à l'aide d'un manuel alors qu'il était prisonnier. Il parvient presque à battre Czentovic, mais ne peut continuer à jouer une autre partie, car son médecin le lui a interdit.

L'histoire peut plaire aux amateurs de ce jeu, mais ce n'est pas mon cas !

Le livre étant terminé, je note donc les deux parties.

Note : (Partie 1 et 2) 4,75