Albert T'SERSTEVENS (Belgique)

géromino Sam 23 Nov 2013 - 16:33

Né le 20 septembre 1886 à Uccle en Belgique, dans une famille fortunée, Albert t'Serstevens connaît une jeunesse dorée et dispendieuse et, après avoir tenté de fonderune communauté marxiste et publié à ses frais en 1911 un livre de poèmes, abandonne vite les rimes au profit de la prose. Installé à Paris en 1912 où il fréquente les plus grands de l'époque dont Jean Cocteau, Pablo Picasso et Blaise Cendrars qui deviendra un de ses plus proches amis, refusant le statut d'écrivain, il sera pourtant, au gré de ses multiples voyages, l'auteur de plus d'une cinquantaine de romans et recevra en 1932 le Grand Prix du Roman de l'Académie française, puis en 1960, le Grand Prix de la Société des gens de lettres. Ce voyageur insatiable, après avoir visité entre autres pays, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Equateur, la Colombie, la Yougoslavie, les Etats-Unis, le Chili, le Mexique, ou encore les îles Eoliennes, s'est éteint le 21 mai 1974 à Paris à l'âge de quatre-vingt-sept ans.

Franillon Sam 23 Nov 2013 - 20:51

Ah ! Géromino, T'Serstevens ! Un merveilleux conteur ! Il y a 25 ou 30 ans, j'ai lu La Grande Plantation. Un excellent roman, d'après le souvenir qu'il m'en est resté, bien que j'ai tout oublié de ce livre, sinon que j'avais eu un grand plaisir à le lire. Mais le meilleur souvenir que je garde de son œuvre abondante, c'est surtout son Itinéraire Espagnol et son Nouvel Itinéraire Espagnol, qui nous avait tellement emballé mon épouse et moi-même qu'il nous a servi de guide pour notre voyage de noce voilà cinquante ans. Mais il nous a fait passer par des routes tellement peu praticables qu'on se demandait souvent si nous arriverions à destination le soir dans de bonnes conditions. Finalement tout s'était très bien passé et nous avons visité des endroits peu connus à l'époque, peu fréquenté par les touristes, mais dont il se dégageait une vie fantastique. Que lis-tu de lui ?

géromino Mar 26 Nov 2013 - 9:10

"L'homme que fût Blaise Cendrars" Libretto 2012 183 pages

Albert t'Serstevens a écrit ce livre en 1970, neuf ans après la mort de Blaise Cendrars, pour apporter des éclaircissements sur la vie de son ami écrivain, dont journalistes ou biographes aurait diffusé nombre d'imprécisions ou de faussetés. Qui mieux que son meilleur ami était en mesure de connaître cet homme fantasque et gouailleur, au talent découvert tardivement et certainement mal perçu?

Ce livre est d'abord l'histoire d'une amitié de près de cinquante ans, une franche et indéfectible amitié qui a commencé en 1913 pour s'achever le 21 janvier 1961, à la mort de Cendrars.

t'Serstevens brosse le portrait d'un homme de lettres, poète, à la mémoire prodigieuse et à l'imagination fertile. Une imagination vraiment débordante, que lui ont reprochée certains critiques, parlant plutôt de mensonges, comme ces lieux qu'il décrit sans jamais y avoir mis les pieds ("La prose du Transsibérien" par ex).

Mais t'Serstevens explique: "... que ces récits participaient le plus souvent de la rêverie éveillée, qu'ils comportaient d'importantes lacunes et de fréquentes contradictions (...) Qu'importe que cela soit vrai ou non pourvu que cela nous émeuve! Même si le Transsibérien est sorti tout droit du cerveau de son créateur, nous ne pouvons mieux faire que de nous laisser entraîner par l'hallucinante beauté de ses évocations".

Rêveur et utopique, il se rêvait aventurier intrépide, brigand, etc... et mettait par écrit ses fantasmes, sa vie ("La main coupée"), ses voyages ("Bourlinguer") ou comme dans "Moravagine", ses névroses. Lecteur infatigable, il ingurgitait une somme considérable de livres et les emmagasinait dans sa mémoire phénoménale. "Il ne s'agissait pas de romans ou de babioles de la même farine, qui ne pouvaient rien lui apprendre, mais de tout ce que l'imprimé peut nous offrir de neuf dans l'univers matériel et spirituel".

t'Serstevens raconte son ami dans un récit enrichi de nombreuses anecdotes et émaillé de nombreux extraits de leur correspondance. Le portrait d'un écrivain voyageur génial, bourru pour la forme, qu'ont pourrait aussi qualifier de paresseux inventif, qui à sa mort a fait dire à t'Serstevens: "C'est moi, maintenant, l'amputé".

t'Serstevens possède une belle écriture, un peu "ampoulée" par moment mais pas désagréable. Un auteur que je ne connaissais pas, mais je pense découvrir d'autres des ouvrages de cet autre écrivain-voyageur, infatigable globe-trotter.

Note: 4/5

géromino Mar 26 Nov 2013 - 9:16

Franillon, t'Serstevens a écrit un grand nombre d'ouvrages consacrés à ses voyages et ses rencontres dans le monde; ça donne envie d'aller fureter dans son oeuvre. Original votre périple!! et de se dire que vous suivez le même itinéraire que l'auteur.

majeanne Mer 27 Nov 2013 - 18:20

Merci pour cette critique Geromino. Je lisais justement un article sur ce livre ce matin et cela m'a donné envie de reprendre Cendrars.

Je dis reprendre car j'ai très vite abandonné Moravagine qui m'a déroutée.

L'article m'a donné envie de lire sa tétralogie qui est une autobiographie en fait. J'espère que ce sera plus abordable.

Certains auteurs sont plus faciles à lire quand on en sait un peu plus sur eux, du moins sur leur écriture. sunny

géromino Ven 29 Nov 2013 - 14:28

Tout à fait d'accord avec toi Majeanne quand tu dis que les auteurs sont plus faciles à lire quand on les connaît un peu. Pour prendre l'exemple de Cendrars, et comme tu parles de Moravagine, je l'avais lu comme un roman un peu bizarre, (on dirait "border line"), avec dans l'idée que l'auteur s'en servait comme un exutoire quelconque, mais je ne savais pas réellement où situer la réalité. La lecture de t'Serstevens m'a éclairé sur ce trait de caractère de Cendrars, cette part de folie, de violence, qu'il possèdait en lui: lui, c'est Moravagine.

Lacazavent Ven 29 Nov 2013 - 16:16

Géromino, Franillon et Majeanne : Vous piquez ma curiosité, je vais retenir cet auteur.

géromino Ven 29 Nov 2013 - 17:54

Lacazavent, en plus cet ouvrage est édité chez Libretto -une de tes éditions favorites- wink

Lacazavent Ven 29 Nov 2013 - 21:06

J' avais pas fait attention ! Votre discussion plus cette maison d' édition où je suis rarement déçu, si je le croise demain je ne résisterai pas ! Laughing

géromino Lun 19 Jan 2015 - 14:32

"Les Corsaires du Roi" Libretto 2011 196 pages

"J'ai quelques fois pensé que les gens curieux de nos histoires de la flibuste seraient peut-être contents de lire ce qui s'est passé autour d'un boucan de cochon, le jour de la fête du Roi, en 1705".
Ainsi commence le livre, par la bouche du narrateur, écrivain à bord de la Pomme-Couronnée, un navire corsaire français commissionné par le gouverneur pour faire la guerre aux Anglais et à leurs alliés.

Deux navires corsaires français dont les capitaines sont amis, se retrouvent fortuitement aux environs de la Martinique. La Pomme-Couronnée, capitaine Bréart, a recueilli deux femmes anglaises et leurs serviteurs noirs abandonnés par leur équipage lors de l'échouage de leur bateau. La Capucine, capitaine Lambert, traîne sa prise anglaise en remorque, avec son équipage captif.
Pour fêter ces retrouvailles, il est décidé d'un festin autour d'un cochon sauvage, façon boucanière. Sur l'île déserte où ils débarquent, la soirée s'annonce conviviale entre gens du monde, amis et ennemis. A la requête de Mme Shepherd, pour égayer le repas chaque convive doit raconter une de ses aventures qui n'ont certainement pas dû manquer à ces gens de mer dont l'existence est souvent mouvementée et pleine de péripéties.

S'ensuivent alors plus d'une vingtaine de récits épiques, émouvants, cruels ou merveilleux. Il sera question de grands faits d'armes, d'abordages, de chasses au trésor, de bateau fantôme, etc... Des histoires toutes plus savoureuses les unes que les autres, qui dressent un véritable tableau de la marine à voile au temps de Louis XIV, quand la France se battait sur toutes les mers du globe contre les anglais, espagnols ou hollandais. Du parfait gentilhomme à la pire des crapules, du capitaine auréolé de gloire au dernier des matelots anonyme, on découvre qui étaient ces gens de mer qu'on appelait flibustiers ou corsaires. On s'immisce dans leur quotidien, qu'il soit de bonne fortune ou d'effroyable destin.

Ces histoires ont-elles des sources authentiques? On pourrait le croire tellement les accents de vérité sont omniprésents. Quoiqu'il en soit, t'Serstevens nous délecte avec des récits passionnants, dans le fracas des boulets, les clameurs des abordages, le bruissement du vent dans les voiles et le choc du clapot sur l'étrave.

Note: 4,5/5