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Simone de BEAUVOIR: Les mandarins

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Message  Prospéryne Sam 29 Nov 2008 - 20:22

De : zeta-b (Message d'origine) Envoyé : 2007-03-09 19:02
"Les Mandarins"

Paru en 1954, ce roman de Simone de Beauvoir a obtenu le prix Goncourt et a eu un succès considérable.

Sa construction en était assez originale : deux personnages sont tour à tour pôle d’attraction : Henri (récit fait à la troisième personne), directeur d’un journal et écrivain, séducteur, épris de ses libertés (intellectuelles et amoureuses), il entretient avec Paule une liaison qui ne le satisfait plus.

Anne (narratrice), psychanalyste, mariée avec Robert Dubreuilh, écrivain et chef d’un mouvement politique de gauche, de vingt ans son aîné, mère d’une jeune femme, Nadine.

Anne, Robert Nadine, Paule, Henri et d’autres personnages se côtoient, sont amis, et vivent dans le même microcosme, celui des intellectuels français de gauche, à la fin de la seconde guerre mondiale.

Les thèmes de ce roman sont multiples : l’indépendance de l’écrivain vis-à-vis des partis dont il se sent proche et qui veulent le récupérer, l’oubli et le pardon qu’on peut accorder ou non à ceux qui ont fait les mauvais choix pendant la guerre, la peur latente qui résulte de la tension entre les deux blocs que forment les Etats Unis et l’URSS à cette époque. L’impartialité et l’honnêteté dont ces hommes de gauche doivent faire preuve, au risque d’affaiblir l’idéologie marxiste en Europe, en révélant et dénonçant les camps d’internement staliniens.

Au delà de ces sujets principaux et cruciaux, il y a les histoires personnelles de chacun, au travers des personnages qui se croisent. Il y a les chapitres lumineux, lyriques,exaltés sur l’histoire d’amour entre Lewis et Anne

C’est intelligent, rigoureux, profond. Il y a des pages magnifiques sur le devoir de mémoire, sur les choix de vie, sur la littérature et la place de l’art au regard de la misère et de la réalité sociale.

A sa sortie, les critiques et les lecteurs ont cherché à mettre sur chaque personnage le nom d’une personnalité réelle. Anne c’était Simone de Beauvoir, Dubreuilh : Sartre, Henri : Camus. C’est trop simpliste. De Beauvoir s’en est expliqué dans ses mémoires, avec plus ou moins de bonne foi. Je pense qu’elle a mis en chacun de ses héros un peu d’elle, un peu de Sartre, et un peu de tout ceux qui ont partagé son existence à un moment donné.

Profondément observatrice, Simone de Beauvoir, on le voit dans ses mémoires, engrangeait avec passion les petites histoires, les travers et les qualités de ceux qu’elle rencontrait. Dans le roman, la fille d’Anne, Nadine, a vécu exactement l’histoire d’amour tragique qu’a vécu Lise, une étudiante-disciple de son entourage. Puis Nadine se défait de cette ressemblance pour devenir autonome, être de fiction à part entière. Paule, personnage de femme dépendante et complètement aliénée à l’amour fusionnel qu’elle porte à Henri, au point de sombrer dans la folie, est aussi un mélange de plusieurs de ses amies dont elle a analysé le comportement.

Certains dialogues, certaines situations, telles que les sorties mondaines de ses héros, sont devenus un peu vieillots, mais tout ce qui a trait aux pensées, aux émotions, et à l’amour sonne vrai et actuel.

Anne-Simone de Beauvoir, dans certains chapitres de ce long roman, et plus encore dans les toutes dernières pages, s’y montre habitée et terrifiée par la mort, la mort des disparus qu’elle a connus et aimés, la mort de son compagnon auquel elle ne pense pas pouvoir survivre, sa propre mort enfin. Pourtant, elle n’a, quand elle l'écrit, pas même cinquante ans. Elle a vécu très douloureusement la fin de son aventure avec Nelson Algren (aventure très similaire à celle d’Anne et Lewis). Il y a dans ce roman des phrases déchirantes, la détresse terrible d’une femme qui se sent vieillir, à qui la guerre et la vie ont enlevé les joyeuses certitudes de la jeunesse. Elle clôt le livre sur cette interrogation : « Qui sait ? peut-être un jour serai-je de nouveau heureuse. Qui sait ? ».

Cette relecture, alors que j’ai atteint et même dépassé l’âge de l’auteur, m’a été moins agréable qu’auparavant (sa peur de l’avenir, son angoisse envers l’inéluctable fin m’ont semblé par instant pesantes ). C’est un très bon livre cependant. Si vous aimez l’auteur, je vous le conseille.


De : gallomaniac Envoyé : 2007-03-11 18:41
Les Mandarins, Simone de Beauvoir (1954). Ma note 4/5
Lu dans la traduction néerlandaise, traducteur Ernst van Altena, 1963, Ed. Agathon, 1983, 732 pg.

Un excellent résumé pour le club des rats est donné par le réaliste-romantique et par zeta-b. Voici un petit commentaire:

Simone de Beauvoir écrit dans "La force des choses" (Ed. LP 1969 pag. 372): "Car, contrairement à ce qu'on a prétendu, il est faux que Les Mandarins soit un roman à clef; autant que les vies romancées, je déteste les romans à clef: impossible de dormir er rêver si mes sens restent en éveil; impossible de se prendre à un conte tout en demeurant ancré dans le monde. S'il vise à la fois l'imaginaire et le réel, le regard du lecteur se brouille et il faut être un bien méchant auteur pour lui infliger ce cumul."

Je cite ceci, puisque c'est justement ce que j'ai senti en lisant parallèlement "La force des choses" et "Les Mandarins": Malgré l'intention explicite de ne pas écrire "Les Mandarins" comme un roman à clef, la formidable mémoire de De Beauvoir frustre sa fiction: elle veut y mettre autant de détails personnelles que dans ses mémoires: les deux journaux; les voyages; la rélation avec l'Américain; la politique internationale; la chute du train d'un inculpé de collaboration non condamné; les rélations des ses amies: il y a tellement de transpositions, que, même si les personnages ont changé de caractère, d'âge, on retrouve tout le long du roman des détails de la vie de Simone: un cumul qui brouillait vraiment mon regard de lecteur. On pourrait faire un résumé de "Les Mandarins", qui serait applicable (sauf pour les noms) à "La force des choses"!

Donc à mi-chemin de la lecture j'ai changé d'optique et essayé de ne voir en "Les Mandarins" qu'un roman. Mais à partir de ce moment-là le livre perdait un part de son intérêt pour moi. Sauf un aspect: ce que le roman a en plus des mémoires, c'est la dimension émotionelle. Emotions d'avant la raison: dans ce roman comme dans ses autres, les émotions du moment tendent vers l'absolu, l'immuable, le sans mésure. Mais les émotions doivent trouver leur mésure, leur rélativité et leur balance dans la raison qui, en prenant conscience, forme les sentiments à partir des émotions. Beauvoir présente la tension entre émotions et sentiments comme des contradictions maladives: je n'ai pas compté les fois qu'un personnage du roman demande à la suite d'une émotion contrariante un affirmation du sentiment (amour, confiance, etc.). Au lecteur le fatiguant travail de les transcender vers un niveau sain de paradoxes. Mais même cela, peut-être, a été l'intention de De Beauvoir.

Ce chef-d'oeuvre n'est pas un coup de coeur pour moi, d'où ma note 4/5. La qualité de la traduction mérite un compliment.
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