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Léon BLOY (France)

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Message  Mousseline Sam 1 Nov 2008 - 5:29

De : ThomThom12932 (Message d'origine) Envoyé : 2006-03-04 06:47

Ouais ! J'ouvre la discussion sur Léon Bloy !!! Quel plaisir !

Léon Bloy, donc...écrivain radical et sulfureux, passa sa vie à réécrire sa vie. Mythomane invétéré, on pourra trouver sur son compte un millier d'anecdotes totalement invérifiables, tant dans des ouvrages prétendument autobiographiques que dans des biographies prétendument sérieuses.

Ce dont on est certain, c'est que Bloy est né en 1846 à Périgueux et qu'il ne nourrit alors aucune ambition littéraire. Bardé de diplômes, il fait alors une rencontre qui va changer sa vie : Jules Barbey d'Aurevilly, l'un des plus grands écrivains de l'époque, une véritable star littéraire. Il devient son secrétaire particulier, puis son disciple, car Barbey pousse le jeune homme (à peine vingtenaire) à se lancer à son tour dans la littérature. Ses premiers écrits, dispensables, ne sont en conséquences que des hommages plus ou moins masqués au Maître. D'un point de vue strictement littéraire, le jeune Bloy est doté d'un style féroce, d'une plume rageuse...mais est tout simplement incapable d'écrire une intrigue qui tienne debout. De cette période on ne retiendra que "La Méduse Astruc" (1875), où Bloy tue en quelque sorte son père symbolique en parodiant son style et ses histoires...

Durant la décennie suivante, Bloy va surtout se faire une réputation en tant que journaliste à l'Univers, revue de droite dure, où il se fait grand inquisiteur de l'hypocrisie de ses contemporains.

Car les deux principales caractéristiques de Bloy, outre sa plume, sont un catholicisme fervent et un don d'observation des moeurs contemporaine confinant au génie. Fasciné par l'Histoire avec un grand H, son influence et ses dégats sur la société de son temps, Bloy se met alors à publier parallèlement des essais historiques extrêmement documentés et des ouvrages pamphlétaires et radicaux...

Son univers unique prend donc finalement forme, et apparaît pour la première fois dans "Propos d'un entrepreneur de démolition", synthèse de toutes les obsessions suscitées. Nous sommes en 1884, Huysmans vient de publier "A rebours", Bloy est ami et élève de Barbey...il n'en fallait pas plus pour affilier Bloy au mouvement décadent, dont il cristalise la plupart des occurences (notamment le rejet violent de la notion de "progré", les univers apocalyptiques et désolés et l'érudition à outrance) tout en n'ayant ni l'humour noir de Barbey ni la poésie de Huysmans...qui plus est, là ou la plupart des décadents vont virer cathos à la fin de leur vie, Bloy est d'ores et déjà un croyant fervent.

Il va donc affirmer son unicité dans ses ouvrages suivants, plus spécialement ses chefs d'oeuvres : "Le Désespéré" (1886) et "La Femme Pauvre" (1897). Entre temps, il aura achevé d'en finir avec les réalistes dans un pamphlet (hilarant) intitulé "Les Funérailles du Naturalisme" (1891). Chacune de ces oeuvres fera scandale, pour des raisons d'ordre divers, mais Bloy est habitué à être viré de tous les journaux et à être rejeté de tous ses amis : en 1898 il préfigure l'autofiction avec "Le Mendiant Ingrat", premier des huits volumes d'un journal dont un bon quart est totalement fictif...

Après sa mort en 1917 sortira son dernier ouvrage majeur "Dans les ténèbres" (1918) : une contre-expertise de son oeuvre entière, dans laquelle il justifie certains propos passés, en infirme d'autres, et parvient à la conclusion que la première guère mondiale n'est que la confirmation de ses écrits passé - la fin des temps.


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"La Femme Pauvre" (Le Livre de Poche, 1897)

Entre une mère banalement stupide et un beau-père alcoolique qui l'insulte ou la tripote, Clotilde vit dans un univers quasi insupportable. Elle erre dans les rues, mais s'est jurée de ne plus "vendre ses charmes" pour gagner quelques misérables deniers qui lui seront confisqués par Maman. Car Clotilde n'est pas une mendiante, elle ne vie pas dans la misère. Elle est juste pauvre.
C'est donc avec une grande réticence qu'elle accepte de poser pour le vieux Gacougnol, peintre doué et pieux, qui à la surprise de la jeune femme ne cherche pas à la faire poser nue ni à abuser d'elle...au contraire, il la comble de cadeaux et tente de l'arracher à son milieu, l'introduisant dans le sien, celui des artistes, des poètes, des marginaux...

Dans un premier temps je voudrais féliciter Le Livre de Poche, qui dans son petit résumé introductif raconte quasiment tout le livre ...charmante attention, j'espère donc que vous ne tomberez pas sur cette édition injuste...heureusement je n'ai pas lu ce petit résumé auparavant, je le découvre seulement à l'instant...

A sa sortie, l'ouvrage fut rejeté en bloc par les critiques, boycotté même, qualifié de misérabiliste et de misogyne...Les deux accusations, bien sûr, sont totalement fausses : Bloy ne fait que dépeindre la réalité qu'il a sous les yeux, et d'ailleurs il coupe court à toute critique dès le début de l'ouvrage :

"Il serait facile de passer pour un narrateur infiniment plus vraissemblable en supposant une couche plus romantique et plus douce. Mais telles sont les moeurs d'un certain monde populaire et cette histoire douloureuse n'est que trop véridique en ses détails."

Histoire véridique ? Non, bien sûr. Il s'agit d'une fiction. Mais d'une fiction encrée dans une réalité confinant souvent au sordide. A travers cette écriture pamphlétaire qui le caractérise, Bloy dénonce une fois de plus l'argent corrupteur, la vacuité idéologique d'une époque - sauf que pour la première fois peut-être il met sa plume au service d'une oeuvre de fiction pure.

Il s'en amuse d'ailleurs follement : le narrateur omniscient joue avec le lecteur, désamorce ses propres rebondissements et va même jusqu'à le provoquer :

"Un tel récit [...] s'offre de lui-même au suffrage des réfractaires [...] qui réclament le droit de pâture hors des limites assignées par les Législateurs de la Fiction".

Tel est la lourde croix que porte Bloy : à force d'avoir fait passer par le passé des faits fictionnels pour des anecdotes autobiographique, il se voit contraint et forcé de convaincre à tout prix le lecteur que ce qu'il écrit là est bel et bien le reflet d'une certaine réalité nichée au coeur d'une fiction - vous admettrez par ailleurs qu'il le fait avec un certain humour.

Oui, cette histoire est atroce. La fin de la première partie est totalement ignole. Et pourtant, comment peut-on douter aujourd'hui que ceci n'était à l'époque qu'un fait divers des plus ordinaires ? N'oublions pas qu'avant d'être un romancier, Bloy était un journaliste.
Bloy était trop bon écrivain pour se laisser prendre au jeu du misérabilisme dont on l'accusa : son narrateur manie l'autodérision à outrance, créant les aérations nécessaires à tout lecteur pour achever une histoire en elle-même si sinistre. Et il s'exprime dans un langage superbe, où les amoureux sont des "buveurs d'extase" et les coeurs humains "pendus à l'étale de la triperie du démon."

Maintenant, je dois préciser que ce roman admirable n'est sans doute pas le meilleur pour ceux qui souhaîteraient s'initier à l'univers de Bloy - dans la mesure où ses longues digressions mystiques pourraient en rebuter plus d'un. Il faut préciser un élément essentiel dans ce roman plus encore que dans tous les autres : Bloy est à la fois un chrétien fervent et un anticlérical convaincu. Et cet ouvrage, comme les autres, a un parfum de fin du monde délicieusement...décadent.

Alors à la question Bloy est-il vraiment un décadent je répondrais ceci : oui et non. Il est, littéralement, un réaliste-romantique !

5/5





De : Melisande5505 Envoyé : 2006-03-18 04:21

Le désespéré / La table ronde / 265 pages

Inspiré par la propre vie de Bloy, Le désepéré raconte la vie de Caïn Marchenoir, écrivain aux opinions extremes et au talent sans concessions. Lé héros se débat dans les plus grandes difficultés matérielles dûes en grande partie à la quasi impossiblité de faire publier ses oeuvres, s'ajoutent à cela des difficultés d'ordre personnel, la mort de son père, une relation pour le moins complexes avec Véronique une ancienne prostituée convertie par Caïn à la religion catholique. Le livre décrit en quelque sorte le chemin de croix de Marchenoir, qui finit par agoniser seul, écrasé par une voiture, sans même se voir offrir les consolations de la religion.

Les idées de Léon Bloy sont réellement extremes. Catholique fanatique qui fustige le clérgé de son époque pour ses concessions à l'esprit du siècle et sa tiédeur (sa modération en quelque sorte), refus de la sexualité, anti-sémitisme, critique féroce de la littérature de son époque, on est dans une charge violente, certains passages sont ridicules d'autres révoltants. Le récit romanesque n'est pas non plus un point fort du livre, l'action se résume à peu de choses, et disons ne constitue par vraiment l'intérêt principal du livre.

En fait on assiste à des scènes et morceaux de bravoure sans véritables liens, de genres et de tons disparates, mais ce qui arrive à succiter l'intérêt et fixer l'attention c'est le style, l'écriture, de Bloy. Difficile d'expliquer pourquoi, la richesse lexicale sans doute, une rhétorique savante, une façon de construire et mener la phrase, tout cela provoque une sorte de jubilation et de plaisir. La scène la plus réussie est pour moi le dîner chez Beauvivier, dans laquelle Bloy se livre à une démolition en régle d'un certains nombre d'hommes de lettres de l'époque, et là c'est réellement irrésistiblement drôle et jouissif.

Bloy n'est certainement pas un auteur qui puisse succiter la moindre envie d'identification ou même de sympatie chez le lecteur, mais d'admiration devant une écriture assez unique.

3,5 / 5




De : Pilou (Message d'origine) Envoyé : 2006-10-02 11:27

Léon BLOY 1846 1917 né à Périgueux

Considéré par les uns comme un insupportable mendiant vociférateur et par les autres comme un véritable maître de la littérature française du XIX° au vocabulaire et à la grammaire d’une originalité inouïe, unique. Sa biographie est peu attirante mais ses fréquentations beaucoup plus sympathiques et notamment son amitié pour Barbey-d’Aurevilly
Ses œuvres les plus connues sont Le Désespéré 1886 et Mon Journal.
Par hasard je viens d’acheter Histoires désobligeantes, édition L’arbre vengeur, recueil de nouvelles qui donne une bonne idée de la richesse de son écriture.
Ci-dessous je recopie un extrait de celle intitulée La Fève pour voir si vous aimez :

« Monsieur Tertullien venait d’attraper la cinquantaine, ses cheveux étaient encore d’un beau noir, ses affaires marchaient admirablement et sa considération grandissait de jour en jour, lorsqu’il eût le malheur de perdre sa femme. Le coup fut terrible. Il aurait fallu de la perversité pour imaginer une compagne plus satisfaisante. Elle avait vingt ans de moins que son mari, le visage le plus ragoûtant qui se pût voir et un caractère si délicieux qu’elle ne laissait jamais échapper une occasion de ravir. Le magnanime Tertullien l’avait épousée sans le sou, comme font la plupart des négociants que le célibat incommode et qui n’ont pas le temps de vaquer à la séduction de vierges difficiles. Il l’avait épousée « entre deux fromages » disait-il avec enjouement. Car il était marchand de fromages en gros et il avait accompli cet acte sérieux dans l’intervalle d’une livraison mémorable de Chester et d’un arrivage exceptionnel de Parmesan. Cette union, j’ai le regret de le dire, n’avait pas été féconde, et c’était une ombre au gracieux tableau. A qui la faute ? Question grave qui pendait toujours chez les fruitiers et les épiciers du Gros-Caillou. Une bouchère hispide que le beau Tertullien avait dédaignée l’accusait ouvertement d’impuissance, au mépris des objections d’une granuleuse matelassière qui se prétendait documentée…. »




De : gallomaniac Envoyé : 2006-10-02 12:14

On en apprend chez le club des rats. Etant nouveau, j'y passe trop de mon temps, tant pis. Par le Club, toute ma bibliothéque sommeillante reprend vie.

De Léon Bloy, j'ai deux livres:
Sueur de Sang, receuil de récits du temps de la Guerre de 1870. Ces recits, toujours valable de lire, doivent etre comparable avec "Histoires desobligeantes" que tu commentes si bien, Pilou. Pour ton plaisir je te donne la fin de "le ramasseur de crottin", le pauvre bossu-bancroche Amable Tétard, dit Mouche-à-Caca, qui se trouve pris dans une bataille:
"Mais le pauvre diable avait donné intellectuellement tout ce qu'il pouvait donner, et, fidèle au programme quíl avait concu, il allait devant lui, furibond, dévorateur de l'space....Il pleurait mintenant sur le cou de son cheval, le suppliant, le conjurant, par les noms très doux d'autrefois, d'aller plus vite, encore plus vite et surtout de ne pas mourir. Au septième kilomètre, avant même dárriver aux premières maisons de nancy, la bête foudroyée roulait par terre et l'humble Mouche-à-Caca, désormais ramasseur de crottin dans le paradis, tête fendu et poitrine ouverte, exhalait son âme de héros obscur sous la grande Voie Lactée.

La femme pauvre. Dans ce livre, acheté d'occasion et resté sur mon PAL, quelqu'un a écrit au crayon: "autobiografische roman", donc j'ai du le trouver en Hollande.
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Message  Mousseline Sam 1 Nov 2008 - 5:29

De : Pilou Envoyé : 2006-10-03 03:50

Un dernier petit morceau pour le plaisir car au-delà, comme la nouvelle est courte, je dévoilerais la fin.

" L’émotion fut grande quand on apprit la mort soudaine qui fauchait de si légitimes espoirs. A moins que Tertullien ne se remariât promptement, hypothèse que sa douleur ne permettait pas d’accepter une seule minute, l’avenir de son établissement était fricassé, et ce fils de ses propres œuvres, déjà si riche quoique parti du néant, verrait à la fin de sa clientèle passer à un successeur étranger. Perspective noire qui devait amertumer singulièrement les regrets de l’époux en deuil. Celui-ci parut en effet sur le point de culbuter dans un gouffre de désespoir. J’ignore jusqu’à quel point le rêve d’une descendance fromagère le travaillait, mais je fus l’auriculaire témoin de ses beuglements douloureux et des sommations extrajudiciaires qu’il se fit à lui-même d’avoir à suivre sa Clémentine au tombeau dans des délais fort prochains que, d’ailleurs, il ne fixa pas. Ayant eu le loisir d’étudier à fond cet homme sympathique avec qui j’entretins, dix ans, les plus étroites relations commerciales, il me fut donné d’observer un trait admirable, quoique peu connu de son caractère. Il avait une peur atroce d’être cocu. Tous ses ancêtres l’avaient été, depuis deux ou trois cents ans, et sa tendresse pour sa femme tenait surtout à la certitude inébranlable d’être exceptionnellement assuré par elle de l’intégrité de son front. Sa reconnaissance avait même quelque chose de profondément cocasse et touchant. A la réflexion, cela finissait par devenir à peu près tragique, et je me suis demandé parfois, avec stupeur, si la stérilité scandaleuse de Clémentine était explicable autrement que par certains doutes bien étranges que pouvait avoir Tertullien sur sa propre identité et par une crainte sublime de se cocufier lui-même, en la fécondant…C’était là que sa destinée marâtre l’attendait. Le labarum dérisoire des Tertullien lui apparut. Dans un tiroir mystérieux d’un meuble intime que le plus ombrageux mari ne se fût jamais avisé de soupçonner, il découvrit une correspondance volumineuse autant que variée qui ne lui permit pas de se cramponner une seconde. Tous ses amis et connaissances y avaient passé. A l’exception de moi seul, tous avaient été chéris de sa femme. Ses employés même, il trouva des lettres d’employés sur papier rose, avaient été simultanément gratifiés. Il acquit la certitude que la défunte l’avait trompé nuit et jour, quelque temps qu’il fit, à peu près partout. Dans son lit, dans sa cave, dans son grenier, dans sa boutique, jusque sous l’œil du gruyère et dans les effluves du roquefort et du camembert….. »
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