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Fernando PESSOA (Portugal)

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Message  Louvaluna Sam 15 Nov 2008 - 21:02

De : zaphod_0 (Message d'origine) Envoyé : 27/02/2006 11:18

Jadis, quand je parvenais encore à me remémorer mes rêves, je me réveillais parfois avec le souvenir fugitif d’un livre parfait, me demandant par quelle étourderie j’avais pu omettre depuis si longtemps de le relire, alors que j’en avais presque tout oublié du contenu, n’en gardant qu’une vague impression de perfection.

J’étais prêt à me lever d’un bond et aller fouiller ma bibliothèque. Mais avec les derniers voiles de sommeil s’estompait également l’impression de réalité du livre, ainsi que son titre, son auteur, son format. Un peu comme les fées, qui ne sont visibles que si aucun mortel ne regarde vers elles. Me réveillant, j’étais donc rendu à ma condition de pauvre mortel, et le livre magique m’échappait.

Je ne sais si vous avez déjà fait ce genre de rêve ; moi je l’ai fait à plusieurs reprises.

Or un jour, j’ai retrouvé exactement cette impression, mais cette fois bien éveillé, avec un livre bien réel dans les mains. C’était le Livre de l’Intranquillité de Fernando Pessoa.

Non qu’il s’agisse d’un livre parfait ; il s’agirait plutôt d’un non-livre. Je m’explique.

Après la mort de Pessoa, on retrouva chez lui un coffre rempli de milliers de fragments de textes. Certains étaient des poèmes. D’autres ressemblaient à des entrées de journal, des pensées ou aphorismes, des réflexions philosophiques et littéraires, ou encore des confessions. Un grand nombre d’entre eux étaient marqués « L. I. ». Il apparut bientôt que ces initiales faisaient référence à un projet de livre intitulé « le Livre de l’Intranquillité ». Suite à un immense travail d’édition, un volume parut enfin sous ce titre de nombreuses années après la mort de l’écrivain.

Bien sûr, ce livre n’est pas celui que Pessoa projetait. Mais on peut aussi se demander si Pessoa n’a pas volontairement laissé ces fragments dans ce coffre comme une sorte de carte au trésor, s’amusant intérieurement de la subtile machination posthume à laquelle nous serions confrontés. Toujours est-il que le livre actuel, déjà génial en lui-même, n’est que l’ombre d’un livre fantasmé qui aurait été le « vrai » livre de l’intranquillité tel que rêvé par Pessoa. Peut-être le livre parfait. Mais comme la perfection n’est pas de ce monde, tout ce qu’il nous reste, c’est bien le rêve de perfection.

Je me souviens avoir lu le récit suivant, qui donne bien la mesure du génie de l’auteur.

Un jour dont j’ai oublié la date, Fernando Pessoa prit une feuille de papier, s’installa debout face à un grand coffre à tiroirs et se mit à écrire (c’était en effet sa position habituelle de travail) une trentaine de poèmes dans une sorte de transe.

Le premier groupe de poèmes étaient de la plume d’un certain Alberto Caeiro ; « mon maître était apparu à l’intérieur de moi » dira plus tard Pessoa. Le six suivants furent composés par Pessoa, luttant contre « l’inexistence » de Caeiro. Mais Caeiro avait des disciples ; l’un d’entre eux, Ricardo Reis, contribua à quelques autres poèmes. Une quatrième individualité se manifesta. D’un seul trait, sans hésitation ni correction (ainsi le raconte Pessoa), apparut « l’Ode Triomphale », par Alvaro de Campos.

Il ne s’agit pas d’un simple emploi de pseudonymes. Les « hétéronymes » comme il les appelle, ont chacun leur voix propre, leur style et leur technique d’écriture bien distincte, ont une biographie complexe (et ont d’ailleurs conscience des autres personnalités), et des influences littéraires et politiques bien distinctes ; bref, ils ont une existence et une réalité propres.
Savez-vous que dans le livre « l’Année de la Mort de Ricardo Reis » de José Saramago (auteur critiqué ailleurs sur ce site), le personnage central est bien cet hétéronyme créé par Pessoa.

D’autres personnalités émergeront encore par la suite, notamment un certain Bernardo Soares, auteur de la majorité des pièces du livre de l’intranquillité.

Après avoir passé de nombreuses années avec « les Fleurs du Mal » comme livre de chevet, Pessoa a réussi le tour de force de détrôner Baudelaire dans mon cœur. C’est dire si je pense que son génie est immense.
Le livre de l’intranquillité n’est pas un livre à lire d’une traite. Il est à déguster à petites doses, et fait pour accompagner longtemps le lecteur. J’espère faire encore un long et beau voyage en sa compagnie.

« J'ai duré des heures ignorées, des moments successifs sans lien entre eux, au cours de la promenade que j'ai faite une nuit, au bord de la mer, sur un rivage solitaire. Toutes les pensées qui ont fait vivre des hommes, toutes les émotions que les hommes ont cessé de vivre, sont passées par mon esprit, tel un résumé obscur de l'histoire, au cours de cette méditation cheminant au bord de la mer. J'ai souffert en moi-même, avec moi-même, les aspirations de toutes les époques révolues, et ce sont les angoisses de tous les temps qui ont, avec moi, longé le bord sonore de l'océan. Ce que les hommes ont voulu sans le réaliser, ce qu'ils ont tué en le réalisant, ce que les âmes ont été et que nul n'a jamais dit - c'est de tout cela que s'est formée la conscience sensible avec laquelle j'ai marché, cette nuit-là, au bord de la mer. Et ce qui a surpris chacun des amants chez l'autre amant, ce que la femme a toujours caché à ce mari auquel elle appartient, ce que la mère pense de l'enfant qu'elle n'a jamais eu, ce qui n'a eu de forme que dans un sourire ou une occasion, à peine esquissée, un moment qui ne fut pas ce moment-ci, une émotion qui a manqué en cet instant-là - tout cela, durant ma promenade au bord de la mer, a marché à mes côtés et s'en est revenu avec moi, et les vagues torsadaient d'un mouvement grandiose l'accompagnement grâce auquel je dormais tout cela. »

Ma note : 5/5, cela va sans dire !



De : Sahkti1 Envoyé : 27/02/2006 18:46

Fernando PESSOA, Le banquier anarchiste
Editions Bourgois, ISBN 2267015374

Dans ce magistral récit d'une centaine de pages, Fernando Pessoa donne la parole à un banquier. Celui-ci explique avec force et conviction à un ami dubitatif comment on peut concilier la profession de banquier avec l'idéologie d'anarchiste. Suit une longue dissertaton très intéressante sur la définition de l'anarchisme, son rôle, ses moyens et surtout sa possibilité ou non d'être réalisé. Et si oui, comment. C'est ainsi que l'on apprend pourquoi notre homme est devenu banquier et en quoi c'est l'apogée de l'anarchisme. Une motivation résumable en une phrase mais le faire ici serait déflorer le reste de la démonstration qui vaut son pesant d'or. Tout au moins au début, car par la suite, vers la fin, elle s'essouffle quelque peu et tombe dans la facilité.

Un beau travail de Pessoa sur l'art de convaincre avec peu de choses. Le propos est accessible, compréhensible par tous, alors qu'il se donne par moments des airs de dissertation philosophique. Tout est clair, limpide et on finirait par croire aux explications de ce cher banquier, si une petite voix ne nous disait en permanence "je me fais avoir, il y a un truc là!". Et oui, c'est tout un art de rendre logique des éléments qui ne le sont pas forcément et Pessoa se débrouille plutôt bien. Car il nous laisse cette possibilité de douter de ce que son narrateur raconte, il ne nous écrase pas, ne nous impose rien. Il décortique plutôt un mécanisme efficace de tromperie bien ficelée.

Ma note: 4/5



De : Sahkti1 Envoyé : 27/02/2006 18:47

Fernando PESSOA, Ultimatum
Editions Mille et unes Nuits, ISBN 2842050290

Le titre exact de l'ouvrage en question est "L'ultimatum" par Alvaro de Campos, qui est un des noms d'auteur utilisés par Fernando Pessoa. Non pas que le portugais ait besoin de se cacher derrières des avatars pour dire tout haut ce qu'il pense , mais parce que c'est un moyen pour lui d'affirmer en détails et en profondeur toutes les facettes de sa personnalité et celle-ci en compte plusieurs. De quoi permettre à ses hétéronymes de se défouler (Alvaro de Campos, Bernardo Soares, Ricardo Reis et Alberto Caeiro).
C'est le cas dans cet "Ultimatum", mélange d'essai et de pamphlet, violent réquisitoire contre une société figée ancrée dans ses certitudes et un passé pas toujours glorieux. Pessoa vise plus haut, il voit l'Europe, la grande, celle des nations fondues les unes dans les autres et pas cet amalgame de pouvoirs politiques assis côte à côte en pensant chacun à soi et non pas à l'ensemble. Les élans communautaires ont la vie courte et Pessoa le déplore.
En quelques pages, certes violentes, l'auteur fustige chaque nation, chaque civilisation et appelle à un sursaut, qui passe avant tout par la négation de soi afin de mieux se dépasser. Etonnant et inattendu!

Ma note: 2,5/5
Louvaluna
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