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Simone de BEAUVOIR: La force des choses

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Message  Prospéryne Sam 29 Nov 2008 - 20:29

De : gallomaniac (Message d'origine) Envoyé : 2007-02-17 15:00
Pour ceux qui lisent dans "La force de l'âge" le passage sur Sartre et Aron (pg 33-37), je copie un fragment des "Mémoires" de Raymond Aron (Ed. LP 1985 tome I, pg 120):

"Avec ce dernier (= Sartre), mes (=Aron) relations changèrent du jour où Simone de Beauvoir entra dans sa vie. Elle a raconté, mieux que je ne pourrais le faire, nos dialogues philosophiques; sa mémoire l'emporte aisément sur la mienne. Bien des épisodes me revinrent à l'esprit en la lisant, par exemple l'entretien à la terrasse d'un café, sur la phénoménologie et E.Husserl. Cela dit, elle ne nous connut, Sartre et moi, qu'après les années d'École; elle eut l'impression en répandit l'idée que nous nous jetions toujours, à chaque occasion, dans des joutes interminables que terminait d'ordinaire ma formule: "Mon petit camarade, de deux choses l'une, ou bien...". Elle a probablement raison; les débats entre nous, en sa présence, prenaient souvent ce tour. Sartre lui-même, dans le film tourné à la veille de sa maladie et de sa cécité, avoua qu'il n'avait jamais discuté de philiosophie qu'avec Aron "qui me coinçait". Mais la camaraderie de l'École (....) ressemblait davantage à celle des autres étudiants, moins à l'anticipation de nos querelles de l'âge mûr. Longtemps Sartre se chercha lui-même et prit plaisir à me soumettre ses idées de la journée ou de la semaine; si je les taillais en pièces ou, plus souvent, si j'en dévoilais les ambiguïtés ou les contradictions, il acceptait souvent la critique parce qu'il venait tout juste de les concevoir et ne les avait pas encore adoptées pour de bon. Dans la période que Simone de Beauvoir raconte, Sartre avait peut-être déjà mis ses idées à l'épreuve dans un dialogue avec elle; en tout cas, il les défendait parce qu'il les tenait pour siennes, au sens profond du terme, et non plus pour des hypothèses formulées au hasard d'une lecture ou d'une soudaine intuition."


De : gallomaniac Envoyé : 2007-02-20 11:38
La force de l'âge, Simone de Beauvoir. Ma note 4,75/5
Gallimard 1960, LP 1965, 701 pg.

Les mémoires de Simone de 1930 à 1945 pendant son professorat à Rouen au lycée Corneille, puis à Paris au lycée Molière, et jusqu'à la fin de la guerre. Tout ce temps en amitié avec Sartre par qui elle rencontre d'autres intellectuels; et avec des amitiés féminines (Olga, modèle pour "L'Invitée").
Elle parle beaucoup des auteurs lu ou rencontré, plus que de la littérature en soi. Elle s'insère au monde du théâtre, du cinema, elle voyage pas mal en Europe et beaucoup en France, faisant de la randonnée pédestre et du cyclisme.
Elle suit presque sans critique le jeune Sartre dans son besoin exagéré de révolte: lui aimait abaisser des cultures et des valeurs existantes; ceci se montre dans la scène où Sartre pisse sur la tombe de Châteaubriand (sic!), dans son refus de visiter des bâtiment monumentales, dans son rejet de la technologie et de la psychoanalyse, et même dans ses critique de la gauche intellectuelle.
Elle montre un pauvre entendement de la psychiatrie (à l'occasion d'une collègue malade et de la dépression de Sartre) et des suites de l'usage de l'alcool. Là-dessus elle dit: "Sartre niait que la vérité se rencontrât dans le vin et les pleurs: d'après lui, l'alcool me déprimait et je prêtais fallacieusement à mon état des raisons métaphysiques. Moi, je plaidais qu'en détruisant les contrôles et les défenses qui normalement nous protègent contre d'insoutenables évidences, l'ivresse m'obligeait à regarder celle-ci en face."
Au début en arrière-plan, ensuite de façon plus prononcée, elle commente la situation politique instable en Espagne, Allemagne, Italie, puis la guerre civile en Espagne au moment qu'elle retourne enseigner à Paris, où elle choisit de vivre bourgeoisement en chambre d'hôtel. La crise de l'amitié triangulaire avec Olga, devenue artiste, va vers son apogée.
Tandis qu'un premier livre de Simone est refusé, Sartre a ses premiers succes. Alors de Beauvoir décide de devenir aussi un auteur à succes et elle commence à construire "L'invitée". Ce livre, et l'approche de la guerre forment un tournant: vers 1939 elle change de l'individualisme à la solidarité et elle prend conscience que, pour être écrivain de métier, il faut des sujets. Elle puise dans sa vie même pour ses romans qui tous sont largement autobiographiques.
Elle raconte dans un long fragment de journal la période de la mobilisation, le début de la guerre, l'armistice et la démobilisation (Sartre prisonnier et des amis blessés, tués). De cette période datent des scènes dans "Le sang des autres", car Simone continue d'écrire beaucoup. Les lycées, les théâtres rouvrent.
Sartre revient libéré, décidé d'agir, d'organiser la résistance. Ils reprennent leur vie littéraire, cotoyent des artistes peintres et sculpteurs, continuent de voyager en France, malgré l'occupation, la disette et les attaques aériennes, qui rendaient la vie difficile, les déstructions, les razzia et les déportations qui rendaient la vie triste.
Les écrivains Parisiens se posent des règles de conduite: selon ses règles, "L'Invitée" sera édité en 1943, mais "Le sang des autres" est à publier après la guerre; entre-temps elle commence "Tous les hommes sont mortels". La publication de "L'Invitée" ouvre pour elle les portes du monde littéraire: elle rencontre Arland, Blanchot, Camus, Leiris, Bataille, Salacrou, Malraux, Paulhan, Genet, Cocteau et d'autres. Ainsi arrive la fin de la guerre et de "La force de l'âge" avec des pensées sur la mort.

C'est un "livre-à-tiroirs": tellement de références qui vous mettent à découvrir des choses en dehors du livre, que cela donne à la lecture une valeur sûre. Pour l'histoire de l'époque, elle s'arrête souvent à des détails de moindre signification. Mais elle décrit bien son développement personnel d'auteur. Il y a des choses sur le jeune Sartre, qui ne le réhaussent pas dans mon opinion. J'ai bien apprécié les passages sur les écrivains, même s'ils étaient peu développés. Dommage qu'il y manque un régistre.
Le style est tellement vivace, qu'on continue de lire, bien que... il me faut reconnaître que par moments j'ai lu des pages entières "en diagonale" pour finir plus vite. Mais 700 pages, c'est long pour un "document", même intéressant. C'est pourquoi je donne la note 4,75/5, pas complètement un coup de coeur.

Ça m'a fait un drôle d'effet que De Beauvoir était grande randonneuse comme moi et que je connaissais presque tous les sites nommés en France.


De : Chantal5500 Envoyé : 2007-02-26 15:38
LA FORCE DE L'AGE :
Folio - 694 pages.

Deuxième tome de ses mémoires, de 1929 à 1945.
Ecrit en deux parties : la première, l'avant-guerre ; la deuxième, la seconde guerre mondiale.
Dans la première partie, le lecteur retrouve Simone toute à la joie et au bonheur d'être enfin autonome, indépendante, d'être capable de vivre seule et d'y prendre plaisir (elle a fait un pacte avec Sartre, où chacun reste libre, elle a refusé le mariage, elle a été nommée à Marseille alors que Sartre enseigne au Havre). C'est la grande période de l'individualisme forcené où elle se consacre, en plus de son métier d'enseigner, à plein de loisirs : sorties, spectacles, cinéma, vacances à l'étranger, randonnées à pieds ou à vélos à travers la France....) Elle profite de la vie et se consacre tout à sa personne et à sa culture. Elle refuse de s'intéresser à la situation politique française et européenne bien qu'elle nous en parle longuement dans ces mémoires ( le front populaire, la guerre d'Espagne, la montée du fascisme en Italie, en Allemagne...) alors qu'elle voyage énormément dans ces pays mais uniquement en touriste.
Mais elle sera aussi vite confrontée aux autres, notamment à cause des liaisons de Sartre (elle connaîtra ainsi d'autres vies féminines totalement différentes de la sienne) à cause d'amis qui, eux, souffrent des prémisces de la guerre.
Puis la guerre est déclarée et, dans la deuxième partie, Sartre part au front, Simone ouvre les yeux sur la réalité : elle tient alors un journal et nous en livre de grandes parties, où elle dit sa peur, ses angoisses, sa vie pleine de difficultés face au manque de logement, au froid, à la faim (elle va pour la première fois être obligée de faire la cuisine elle-même), à la misère, aux restrictions de toutes sortes. Alors elle va s'ouvrir aux autres, connaître la fraternité, la solidarité et être confrontée à la mort.
Le lecteur voit passer Picasso, Dora Marr, Prévert, Giacometti, Mouloudji, Nizan, Camus ....Il vit de superbes randonnées dans toutes les régions françaises, il entend parler de littérature : Faulkner, Kafka....)
C'est très riche, et c'est tellement bien écrit, raconté, décortiqué, (non seulement sa vie mais la vie de tous ceux qu'elle côtoie) je me suis régalée ! et j'ai hâte de lire la suite.

5/5
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