Sherman ALEXIE (Etats-Unis)

Indien d'Amérique né d'un père de la tribu Coeur d'Alene et d'une mère de la tribu Spokane, Sherman Alexie a grandi dans une réserve près de Seattle, dans l'Etat de Washington à l'Ouest des États-Unis. Il écrit aussi bien des poèmes que des romans, recueils de nouvelles, pièces de théâtres et même scénarios de films. Son livre Phoenix, Arizona a d'ailleurs été adapté à l'écran par le réalisateur Chris Eyre en 1998 ; c'est le premier film réalisé, produit, écrit et interprété par des Indiens.

Il s'est fait connaître pour son roman Indian Killer en 1997, un drame contemporain sur la légende d'un tueur indien. Alexie y décrit la misère contemporaine de son peuple, le dénuement matériel et spirituel des jeunes Indiens et les ravages causés par l'alcool et la drogue.

Bibliographie

Indian Blues (en: Reservation Blues) (roman, 1995)
Indian Killer (roman, 1997
Phoenix, Arizona (nouvelles, 1999)
La vie aux trousses (en: The Toughest Indian in the World) (nouvelles, 2000)
Dix petits Indiens (nouvelles, 2003)
Flight (roman, 2007)
Le Premier Qui pleure a perdu (roman jeunesse, 2008)

Le premier qui pleure a perdu

(Albin Michel/Wiz, 2008, 288 pages)

Junior - Arnold Spirit nous raconte sa vie, il a 14 ans, il vit dans une réserve indienne, Wellpinit, près de Spokane. Il a l'habitude de se faire tabasser régulièrement, il a un physique plutôt ingrat : lunettes, grosse tête, maigre... Il prend conscience que vivre dans la réserve c'est renoncer à la vie et c'est oublier qu'on a renoncé grâce à l'alcool. Il comprend que le seul moyen de s'en sortir est de quitter la réserve, il décide alors de fréquenter le lycée de Reardan... un petit bled à 35 kilomètres de Wellpinit. Mais Junior devra alors vivre avec le sentiment de trahir les siens, du moins à Wellpinit on lui fait bien sentir qu'il est un traître.

"Tous ces jeunes ont renoné. Tous tes amis. Toutes les petites brutes. Et leurs pères et mères ont renoncé, eux aussi. Et leurs grands-parents avaient renoncé, et avant eux leurs propres grands-parents."

Les mots sont percurants, plein de phrases qu'on a envie de retenir... c'est triste la vie de Junior mais il y met tellement d'humour, j'ai beaucoup ri et souri, que ça passe mais n'empêche que le message y est et ça frappe, moi ça m'a énormément touchée, peut-être parce que je m'intéresse depuis toujours aux Amérindiens et que je vis tout juste à côté d'une réserve...

Les illustrations sont très jolies et surtout elles accentuent l'aspect humoristique.

La traduction est un peu trop "française". Chaque fois que Junior disait "purée" ça m'a agacée au plus haut point.

Certes une très belle lecture pour les ados... nos ados gâtés qui ont tout cuit dans le bec, pour leur faire découvrir qu'à l'extérieur de leur monde de privilégiés il y a des adolescents qui doivent lutter pour s'en sortir. Le courage de Junior qui l'aide à affronter ses peurs est vraiment un exemple de vie pour tout le monde...

A lire pour les adultes, il y a encore trop de racisme en Amérique du Nord envers les Amérindiens... le racisme c'est souvent une question d'ignorance, avec ce roman de Sherman Alexie vous n'allez plus ignorer la réalité de la vie dans une réserve indienne.

Pour ma part j'ai beaucoup aimé, c'est un excellent roman.

Mon ado ne l'a pas encore lu, depuis que je lui ai dit que Junior joue au basket, il l'a placé dans sa liste de lectures prioritaires!

Quelques extraits :

"Mais nous, les Indiens des réserves, nos rêves ne se réalisent pas. Les occasions ne se présentent pas. Ni les choix. Nous sommes pauvres, c'est tout. C'est tout ce que nous sommes."

"C'est nul d'être pauvre, et c'est nul d'avoir l'impression que d'une certaine manière, on mérite de l'être. On se met à croire que si on est pauvre, c'est parce qu'on est bête et moche. Ensuite, on se met à croire que si on est bête et moche, c'est parce qu'on est indien. Et parce qu'on est indien, on se met à croire qu'on est destiné à être pauvre. C'est un cercle vicieux et il n'y a rien à y faire."

"Il existe toutes sortes de drogués, à mon avis. Nous souffrons tous. Et nous cherchons des moyens de faire disparaître la douleur."

"Si on laisse les gens entrer un peu dans sa vie, ils peuvent se révéler bougrement surprenants."

"Eh ouais, mon père était un ivrogne sur qui on ne pouvait pas compter. Mais il n'avait jamais raté un seul de mes matchs, concerts, pièces ou pique-niques organisés. Il ne m'aimait peut-être pas parfaitement, mais il m'aimait de son mieux."

"Je pleurais parce que mes compagnons de tribu étaient si nombreux à se tuer lentement, et que je voulais qu'ils vivent. Je voulais qu'ils deviennent forts, qu'ils arrêtent de boire et qu'ils se tirent de la réserve."

note : 4,5/5