Elizabeth GOUDGE - L'arche dans la tempête

Sur les hauteurs de Guernesey est nichée la ferme de Bon Repos où vit la famille Du Frocq. Secouée par les vents et marées, elle résiste au temps et se fond dans une nature parfois hostile mais ô combien pleine de charme.

Dans la famille il y a les parents, André qui gère la maintenance de la ferme et Rachel qui, d'un fort tempérament, s'occupe des enfants. Ils sont cinq et plutôt chamailleurs : Michelle 15 ans, Péronelle 14 ans, Jacqueline 12 ans, Colin 10 ans et Colette 5 ans. On apprend que 3 autres sont décédés en ces lieux, trois fantômes dont on entendra parler néanmoins.

Lors d'un naufrage, courant dans ce coin où la mer est agitée, Rachel recueille un marin qu'elle croit avoir déjà vu en rêve (signe d'un destin plus lumineux ?). Il s'appelle Ranulph Mabier et est assez froid voire franchement antipathique. Ayant vécu longtemps en mer, il lui est difficile de s'acclimater à la terre ferme et à la présence d'une famille de 7 personnes. Mais le temps passe et Ranulph, rebaptisé Oncle Ranulph, fait du bien à tout le monde. Il a des conseils avisés et est une oreille attentive pour chacun des membres. C'est lui qui, après un épisode calamiteux à l'école conseille aux parents de mettre la sensible Jacqueline au couvent. C'est lui qui encourage Rachel à persévérer dans sa décision de garder la ferme. Il faut dire qu'André court à la ruine et qu'il est bien prêt de tout balancer pour se retrouver dans le giron du Grand-Père. Grand-Papa, médecin, a toujours été néfaste lorsqu'il s'est agi de laisser la ferme à son bon-à-rien de fils. Lui voulait se trouver un successeur pour son activité de médecin sur l'île mais André a toujours obstinément refusé d'accéder au vœu de son père.

J'aime particulièrement l'atmosphère de ce roman qui nous situe dans les remous de Guernesey, parmi une famille dans la tempête. Comme sa ferme, les Du Frocq traversent une période difficile et l'année à venir s'avérera capitale sur la destinée de tout un chacun. Le récit fait la part belle à la nature mais aussi aux sentiments exacerbés des uns et des autres : la mère courage Rachel, le père de famille effacé mais qui pourrait bien avoir ses secrets et enfin les enfants avec tous leur caractère affirmé (Colin le futur marin, Péronelle la seconde maman, Colette la dodue). Viennent s'ajouter à la trame des réflexions sur la foi, la nature, le temps et toutes sortes de considérations sur la vie et les êtres.

- Un  objet destiné à être utile attache votre esprit à la vie courante, tandis qu'un objet qui est simplement très beau ouvre une fenêtre et vous libère - c'est ce qui vous donne cette impression d'espace... (p. 146)

Voilà le genre de roman que j'affectionne particulièrement. Le style est certes un peu daté mais rappelle sans conteste des valeurs sûres que sont Louisa May Alcott ou encore les sœurs Brontë. La psychologie des personnages rend la famille extrêmement courageuse, débrouillarde et toujours soudée dans les épreuves. Embarquez parmi ces Insulaires, vous ne serez pas déçu du voyage !