Tennessee WILLIAMS (Etats-Unis)

De : PapillonY1 (Message d'origine) Envoyé : 2005-04-20 16:27

Mémoires d'un vieux crocodile de Tennessee Williams

Points - 341 pages

Lire l'autobiographie de Tennessee Williams, c'est partir à la découverte d'une personnalité vraiment étonnante. Certes, la lecture en est parfois un peu fastidieuse parce que l'auteur cite de nombreuses personnalités de la vie théâtrale américaine des années cinquante et soixante qui sont aujourd'hui complètement tombées dans l'oubli. Par ailleurs, il reconnaît à plusieurs reprises être plus à l'aise pour évoquer sa vie privée que pour parler de son travail. Donc il raconte de nombreuses anecdotes sur sa vie sexuelle qui fut totalement débridée mais se montre beaucoup plus pudique sur son travail d'écrivain. Pourtant c'est l'écriture qyi a constitué pendant toute sa vie sa seule raison de vivre.

Issu d'une vieille famille du sud des Etats-Unis, Tennessee William (de son vrai nom Thomas Lanier Williams III) fut hanté toute sa vie par l'angoisse de devenir fou. Fils d'une mère hystérique et d'un père extravagant au point de jouer sa carrière sur un coup de poker, il a vu sa sœur bien-aimée internée très jeune. Lui-même connaîtra au cours de sa vie plusieurs dépressions sévères dont l'une le conduira à l'internement. C'est dans l'écriture qu'il a trouvé sa meilleure thérapie. Et c'est au travers de l'évocation de son travail que se révèle une personnalité vraiment attachante, à la fois timide et extravagante, hyper angoissé à chacune de ses productions et vivant très mal les échecs. Il montre bien la double difficulté de la création théâtrale. Il s'agit pour le dramaturge d'abord de créer une œuvre sur le papier puis de faire de cette œuvre une création dramatique, ce qui implique des acteurs, un metteur en scène, un producteur, un public et des critiques. Et Tennessee Williams est très sensible aux critiques. Sa carrière qui a démarré sur des chapeaux de roue avec le succès de La ménagerie de verre connaîtra par la suite des hauts et des bas qui l'épuisent. Toutes ses pièces suivantes ont été vivement critiquées car jugées trop modernes. S'en suivront des difficultés à écrire qui, alliées à son besoin d'écrire, le conduiront à consommer de la drogue dès les années soixante.

Bref, une belle découverte que cet homme-là avec ses contradictions, son talent, son humour caustique et surtout son pathétique désir de fuir qui l'a conduit à brûler sa vie dans le sexe, l'alcool et la drogue.

Ma note : 4,5 / 5

Extraits :

« Je crois qu'écrire, c'est poursuivre sans cesse une proie qui vous échappe et que vous n'attrapez jamais. »

« J'ai toujours été bloqué comme écrivain, mais j'aime tellement écrire que je me suis toujours frayé un passage à travers ce blocage. »




De : Cryssilda_ Envoyé : 2007-03-31 16:31

Un tramway nommé désir de Tennessee Williams
suivi de Portrait d'une madone, Propriété condamnée et Parle moi comme la pluie et laisse moi écouter
Editions 10/18, 281 pages
- Etats-Unis -

C'est la première fois que je lisais quelque chose de Tennessee Williams, je n'avais même jamais vu le célébrissime Un tramway nommé désir. Donc, je ne connais pas l'oeuvre de cet auteur, mais ces quatre pièces, bien que très différentes les unes des autres, abordent le thème de la déchéance, du poids des années et des expériences qui s'expriment par la folie et la détresse des personnages.
J'ai bien aimé ce livre, à sa lecture on sent tout de suite une ambiance très américaine des années 50-60, comme si on regardait un film.

4/5

Cryssilda


De: mousseline

Tennessee Williams - La ménagerie de verre Suivi de Le paradis sur terre
(10/18, 2006, 308 pages)

"La ménagerie de verre" :

L'histoire se déroule dans un appartement qui donne dans une ruelle crasseuse probablement à St-Louis. Trois personnages au départ. La mère Amanda, le fils Tom et la fille Laura. Le père a abandonné sa famille depuis de nombreuses années.

Tom est le soutien des siens. Il gaspille ses jeunes années à bosser dans un entrepôt afin de payer les comptes. Il en a marre de cette vie. Mais sa mère ne le lâche pas. Cette dernière tente de caser sa fille car elle voit les années passées et peu de possibilité d'avenir pour Laura. Laura ne s'intéresse qu'à sa collection d'animaux de verre.

Amanda finit par convaincre Tom d'inviter à souper un camarade de travail... un futur prétendant. Amanda se met en grand frais pour que cette soirée soit un succès.

C'est pathétique, sordide... mais il y a de l'humour et les personnages sont très colorés. Ils sont très vivants, très présents. En fait, semble-t-il que Tennessee Williams se soit basé sur l'histoire de sa propre famille : un père voyageur de commerce qu'il voyait rarement, une soeur schizophrène qu'il adorait.

C'est avec cette pièce qu'il devint célèbre.

J'ai grandement apprécié!

"Le paradis sur terre" :

Ici l'action se déroule dans une ferme du Mississipi. La région est inondée et les habitants fuient. Mais Poulet n'abandonnera pas "sa ferme". Il est fort surpris quand survient à l'improviste son demi-frère Lot et la femme de celui-ci, Muguette. Il ne s'attendait certes pas à ce que Lot se marie car Lot est pratiquement sur son lit de mort, il est tuberculeux. Le hic, c'est que la propriété appartient à Lot qui doit la laisser à Poulet à sa mort, mais le fait qu'il se soit marié change tout à l'affaire.

Lot se retire bien vite dans la chambre de sa mère en haut. On voit bien qu'il s'est marié parce qu'il ne veut pas que la ferme revienne à ce frère qu'il déteste. Poulet est un enfant illégitime dont la mère avait du sang noir. Le racisme était très présent à l'époque, on te soupçonnait d'avoir une goutte de sang noir et tu devenais un pestiféré ou presque pour toute la ville.

La relation qui se développe entre Poulet et Muguette est fort intéressante à suivre dans son développement. Au début ce n'est que méfiance de par et d'autres. Mais l'attirance physique est palpable. Poulet a été privé de femmes pendant trop lontemps et la satisfaction est bien mince pour Muguette avec son mari grabataire et probablement pédé.

Comme dans "La ménagerie de verre", les personnages sont pathétiques. Que ce soit Lot avec son attachement démesuré pour sa mère morte, Muguette sans doute davantage une pute qu'une danseuse de cabaret comme elle le prétend mais Poulet quoique rejeté par la société et sa famille, de par sa force de caractère est un être très attachant malgré une certaine vulgarité.

Au départ je n'accrochais pas mais peu à peu j'ai embarqué dans le jeu des personnages et j'ai ressenti l'ambiance du Sud dans ce qu'elle a de plus sinistre. Et là la fin est finalement arrivée trop vite.

Je suis enchantée d'avoir enfin découvert Tennessee Williams et je n'en resterai certainement pas là.

Note : 4,5/5 (pour "La ménagerie de verre")
3,75/5 (pour "Le paradis sur terre")

(Mousseline)




De: Liza_Lou

Tennessee Williams - Soudain l'été dernier
(10/18, 2003, 250 pages)

A la base, il y a un film : celui de Joseph Mankiewicz avec Mongomery Clift, Elizabeth Taylor et surtout, la sublime Katharine Hepburn. L'histoire, avec son atmosphère, ses dialogues, son mystère m'avait envoûtée et je m'étais promis de lire la pièce originale, celle de Tennessee Williams.

C'est désormais chose faite et "Soudain l'été dernier" est selon moi un pur chef-d'oeuvre. Je serais même tentée de dire que cette pièce est (de loin!) bien supérieure au célébrissime "Un tramway nommée désir". Il y a là une ambiance, une tension palpable tout au long de la pièce assez impressionnante.

Débutant et finissant par de longs monologues, on est littéralement fascinés par l'histoire et encore plus par les caractères des personnages, en particulier celui de Mrs Venable et de la jeune Catherine. La pièce d'ailleurs tourne autour de ces deux personnages, débutant par l'une – Mrs Venable - et terminant par un dernier long passage avec comme élément central la jeune Catherine.

Mrs Venable, femme très riche et reconnue de La Nouvelle Orléans, vit exaltée dans le souvenir de son fils Sébastien, mort lors de son dernier voyage en Europe, l'été dernier. Sa cousine Catherine l'accompagnait et en est revenue totalement folle. Mrs Venable décide donc de faire subir à Catherine une lobotomie par le docteur Cukrowicz afin que celle-ci recouvre certes la raison mais aussi et surtout pour qu'elle arrête ses racontars sur ce qu'il s'est réellement passé à Cabeza de Lobo...

C'est un thème récurrent dans les pièces de Tennessee Williams : à savoir la folie et encore plus la peur d'être fou alors qu'on ne l'est point. Que s'est-il réellement passé là-bas à Cabeza de Lobo pour bouleverser à ce point Catherine? Qui était réellement Sébastien? Que souhaite donc cacher aux yeux de tous Mrs Venable? Il y a une sorte d'ambiance malsaine; par moment même étouffante à l'image du jardin fantastique dans lequel se déroule toute la pièce. Plantes tropicales, énormes fleurs, bêtes toutes plus énormes et étranges que les autres; on se débat véritablement dans cette jungle pour démêler le vrai du faux et le réel de l'imaginaire. Jusqu'au coup de théâtre final, où soudain on apprend ce qui s'est passé l'été dernier...

"Soudain l'été dernier" est une pièce tout à fait remarquable et envoûtante. Le lecteur, à la fin du récit, reste ainsi avec de multiples interrogations dans la tête, se demandant tour à tour si tout ceci n'était qu'un rêve... ou relevait plutôt du cauchemar.

Note : 4,75/5
(liza_Lou)



De : lacazavent Envoyé : 2008-10-24 05:00

" Une femme nommée Moïse ", 191 pages, édition 10/18

Dans "une femme nommée Moïse", vous trouverai le New York underground celui des paumés de tous bord, celui de la drogue, du sexe, de la mort. Fini le sud et le soleil qui apaise les détresses, les personnages restent toujours paumés, blessés dans cette ville glaciale.
On plonge dans le mal être, les descriptions sont froides mais pourtant nous attendrissent, la drogue : toute les figures qui se croisent.
En lisant tes extraits papillon, on se dit que la proie qui lui échappe en réalité était sa vie et se texte forme un formidable pendant à son autobiographie

Du grand, Tennessee Williams
Par contre, je conseillerais à ceux qui désire aborder cet auteur de commencer par ses pièces de théâtre, autrement, la plongée risque d'être un peu dur !

Ma note : 4/5 (challenge 2008)

La ménagerie de verre

Ecrite en 1944 cette pièce a permis à Tennessee Williams de se faire connaître et a lancé sa carrière.

Nous sommes à Saint-Louis dans les années trente. Cette pièce met en scène trois personnages d'une même famille: la mère Amanda, abandonnée par son mari essaie de donner un avenir à ses enfants. La fille, Laura, jeune fille très timide, vit cloîtrée chez elle et passe son temps à s'occuper de ses figurines en verre. Enfin le narrateur, Tom, le fils, gagne l'argent de la famille dans un entrepôt mais ne rêve que d'écriture et d'aventures au loin. Vient se greffer Jim, un collègue de travail de Tom et ,Amanda le souhaite, potentiel soupirant de Laura.

Cette pièce est très intéressante de par son caractère autobiographique car Tom est en fait l'auteur lui-même qui a vécu de longues années entre sa mère et sa soeur adorée Rose.
L'histoire cruelle racontée n'est autre que la transposition du début de sa vie. Cela rend cette pièce très émouvante et les personnages plus attachants.

Je n'ai vraiment pas été déçue par cette première oeuvre de Tennessee Williams et pour moi qui ne suis pas une habituée de la lecture des pièces de théâtre, il s'agit d'une belle expérience.
Ma note 4/5

"Sucre d'orge" 10/18 1986 231 pages

Neuf nouvelles écrites au début des années cinquante. N'ayant jamais rien lu de cet auteur, c'est le 4è de couv. qui a titillé ma curiosité: "...ses nouvelles sont des chefs-d'oeuvre de baroque, de tendresse et d'ambiguïté...et tous les clichés de la littérature du Sud y sont pulvérisés avec une minutie et une prodigieuse perversité".

"Les jeux de l'été" - "Billy et Cora" - "La ressemblance entre une boîte à violon et un cercueil" - "Sucre d'orge" - "Rubio et Morena" - "Le matelas près du parc à tomates" - "Un évènement dans la vie de la veuve Holly" - "La vigne" - "Les mystères du Joy Rio"

Une constance, tous les personnages mènent une existence décadente ou marginale et ils s'accommodent tant bien que mal de ce que la vie leur apporte. L'amour tient une place importante dans les relations humaines, mais loin de l'eau de rose ou du glamour: alcoolisme, adultère, homosexualité, prostitution; on est loin des clichés du romantisme.

Celles qui m'ont le plus marqué:

-Les jeux de l'été- Brick Politt, après deux années de brillant mariage, sombre dans l'alcool. Lorsque le docteur, qui l'a soigné fût un temps, succombe d'une tumeur, Brick s'éprend de la veuve.

-Billy et Cora- se rencontrent dans un bar. Ils font le même travail pour vivre, chacun vend ses charmes aux hommes. Ils décident de s'associer, partagent le même appartement, s'arrangent chacun de son côté pour ne pas gêner l'autre dans son commerce. Amour, amitié: comment partager cette relation?

-Sucre d'orge- Mr Krupper va se servir en sucre d'orge dans la confiserie qu'il a désormais vendu. Mais que va donc faire ce vieillard à la retraite, trois fois par semaine, dans ce cinéma déclassé où il se passe de drôles de choses dans les étages obscurs? Ce cinéma, nous le retrouvons dans la dernière histoire Les mystères du Joy Rio Même lieu, même thème. Tennessee Williams aborde un sujet délicat, celui de rencontres homosexuelles entre personnes d'un certain âge et de jeunes garçons. Il ne dénonce pas, il expose un fait, sans ironie, sans virulence dans le propos. Je serais curieux de savoir quel a été l'accueil du public Américain (dont on connaît le puritanisme parfois extrème) à la sortie de ces nouvelles; nous sommes au début des années 50!

-Rubio y Morena- Solitaire, Kamrowski (Rubio) souffre d'impuissance psychologique. La rencontre de Morena va bouleverser sa vie. Ainsi libéré, il va multiplier les liaisons amoureuses. Il se rend compte que Morena lui chipe de l'argent dans ses poches; soudain elle le quitte. Il se lance à sa recherche. Il comprendra alors pourquoi ces petits larcins.



Poëtiques ou scandaleuses ses nouvelles explorent l'amour dans les relations humaines; l'amour pervers, extra conjugal, l'amour comme moyen de subsistance, toujours finalement cet amour dérange ou bouscule la morale. Mais lorsque T. Williams raconte ces histoires, ses personnages, même les plus immoraux deviennent attachants, tellement il nous les dépeint fragiles et sensibles.



Note: 4/5