Nina BOURAOUI (France)

De : JoAnn_Kamar (Message d'origine) Envoyé : 2005-11-15 11:18

►Garçon Manqué, de Nina BOURAOUI (2000), Stock - Livre de Poche 189 p.

► Nina est double. Triple. Même quadruple. C'est Yasmina. C'est Nina. C'est Ahmed. C'est Brio.
Née de père algérien et de mère française, Nina ne sait pas comment se définir. Elle est trop typée pour être Française. Elle ne parle pas l'Arabe pour être Algérienne.
Et encore. Est-elle un garçon ou une fille? Avec son ami Amine, elle est Ahmed. Elle joue au foot sur le sable, plonge du haut des rochers. Elle coupe ses cheveux très courts. Son père l'appelle Brio. Il l'élève comme un garçon avec la grâce d'une fille.
Qui est Nina? Française? Algérienne? Garçon? Fille? Quelle est l'identité de cette fillette?

► Je vais vous être très honnête. Autant l'histoire est touchante, presque poétique, on voit bien que la fillette Nina est déchirée entre différents mondes, ne sait pas où elle sera accueillie telle qu'elle est, sans être différente des autres.
Mais le style... le style de Nina Bouraoui est spécial, difficile. Elle-même le dit "les livres beaux, mais difficiles".
Les phrases sont courtes.
Je prends un passage au hasard.
p. 70: Pas de voyage, pas de cadeau. On cherche, alors. C'est une traque avant Noël. Ma mère traverse toute la ville. Malgré les regards. Malgré les dangers. Un chasseur. Une mère pour ses petits. Une louve. Pour Remus et Romulus. On invente. On fait des roses en papier crépon. Des bonhommes de neige en coton. Des sapins de feutre vert. Noël en Algérie c'est le Nord contre le Sud. C'est la neige contre le soleil. C'est une fête irréelle. C'est un malaise, souvent.
La page 83: Un rat devant la porte de mon appartement. Impossible de rentrer. Il crie. Il montre les dents. Je vais chercher Kader, le gardien. Il perce son ventre avec une fourche. Qui va nettoyer son sang? Son sang de rat? Rouge et bouillonnant.
Disons que j'ai mis 4 ans à lire ce livre, parce que les premières pages m'avaient déjà découragée quand je l'ai acheté. A la longue, ou on s'habitue à ses petites phrases, soit elles continuent de fatiguer. Et on se dit "heureusement qu'on n'a que 188 pages!" et encore!
L'histoire en soi est bien. De toute façon, c'est autobiographique. Je ne juge pas là-dessus. Mais ce style... je ne crois pas retenter un autre de ses livres.
p39-40: Je pourrais me perdre dans les rues d'Alger. M'isoler de mon corps. Être envahie par le corps des hommes. Je deviendrai un corps qui attend. Ici le temps est infini. Il est entêtant. C'est une prison. Il est contre les hommes. Il est à leur insu. Chaque jour est une violence.(...) Chacun est le mirroir de l'autre. Chacun est la défaite de l'autre. Chaque tristesse a son relais. Chaque corps est la contamination d'un autre corps. Chacun forme la strate de l'autre. C'est un corps unique, à force. C'est un seul mouvement. C'est une attraction.

► Née à Rennes en 1967, père algérien, mère française, Nina Bouraoui a écrit 9 livres. Son premier, La Voyeuse interdite (1991) a reçu le Prix du Livre Inter. Depuis, ses Mauvaises Pensées viennent de recevoir le Prix Renaudot 2005.

2,5/5

Jo Ann





De : Melisande5505 Envoyé : 2006-01-13 17:19

Garçon manqué

J'ai suis aussi réservé sur ce livre que JoAnn mais finalement pour des raisons différentes. Ce que j'ai le plus apprécié dans cette lecture c'est finalement le style, que je trouve en effet très poétique. Ces phrases courtes se lisent très bien pour moi, j'ai du lire le livre en 2-3 heures.
De même le personnage aussi est attachant, partagé entre ses différentes identités, fille et garçon, algérienne et française, avec cette souffrance de ne pouvoir se définir et d'être tout simplement ceci ou cela sans trahir.

Ce qui m'a en fait gêné c'est l'absence d'une véritable histoire, d'un récit qui progresserait d'une façon ou d'une autre. J'ai juste eu l'impression de quelqu'un qui jettait sur le papier ses souvenirs comme ça venait. Cela doit constituer une excellente thérapie, et comme l'écriture est encore une fois belle et que ce n'est pas très long on le lit sans déplaisir. Je me disait même que Nina Bouraoui avait certainement du talent, mais je crois qu'elle devrait construire quelque chose d'avantage.

2,5 / 5





De : Danslapoche14 Envoyé : 2007-08-28 05:35

Nina Bouraoui - Mes Mauvaises Pensées - Folio 4470 - 269 p. - Prix Renaudot 2005.

Difficile de résumer ce livre. Plus que d’un roman, il me semble qu’il s’agit surtout d’une biographie à tendance fictionnelle. En effet, Nina Bouraoui reste la seule matière de son récit. Sous le prétexte d’une psychothérapie qui court comme un fil rouge tout au long du livre, l’auteur revisite son passé d’enfant, d’adolescent, ses rapports sentimentaux et familiaux…..

C’est un récit puzzle, disparate où de nombreux souvenirs parfois récurrents se télescopent au gré des chemins de la mémoire et de l’émotion. Ce livre ne possède aucun chapitre, aucun paragraphe. Il est conçu comme une immense confession, le fardeau trop lourd à porter que l’on vient déposer régulièrement avec angoisse sur le divan du thérapeute.

Le style de Nina bouraoui se révèle encore une fois par son énorme densité quasi charnelle tout à fait adaptée à la douleur, à la peur perçue comme permanente de cette femme déchirée entre deux cultures française et algérienne et à la recherche de son identité.

Avis : le style de Nina Bouraoui sorte de nourriture vivante des corps mérite vraiment d’être découvert et apprécié. La construction du livre, en dépit de la maîtrise de son auteur, peut cependant dérouter un lecteur adepte d’un récit plus « classique » et linéaire .

3/5

A découvrir du même auteur : la Voyeuse Interdite (prix France-Inter 1991)

Bonne lecture